Christine Lagarde confirme que la BCE va financer la relance des pays du Sud par la dette, mais elle ne pourra rien contre un euro fort<!-- --> | Atlantico.fr
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Christine Lagarde BCE euro dette plan de relance
Christine Lagarde BCE euro dette plan de relance
©HANNIBAL HANSCHKE / POOL / AFP

Atlantico Business

Christine Lagarde va gérer son grand écart. D’un côté, elle va financer les plans de relance par la dette pour sauver les pays du Sud, mais si elle s’inquiète de l’euro fort qui asphyxie leur activité, elle n’y fera rien. Les Allemands seront contents.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Très attendue, Christine Lagarde, présidente de la BCE, doit s’exprimer aujourd’hui jeudi et pour la dernière fois de l’année. Comme tout banquier central qui se respecte, elle fera en sorte qu’on ne la comprenne pas clairement. C’est la coutume. Elle a très bien appris la méthode et le langage, conceptualisé jadis par Alan Greenspan, le plus célèbre des banquiers centraux américains qui disait « si vous m’avez compris, c’est que je me suis très mal expliqué ». Il est devenu célèbre parce qu’on ne comprenait pas souvent ce qu’il voulait dire. 

Et Christine Lagarde, qui a été plutôt généreuse envers les marchés durant le feu de la crise, avait déjà su attiser les attentes des investisseurs quand, le mois dernier, elle s’était quasiment engagée sur de nouvelles mesures pour relancer l’économie. Les marchés financiers s’attendent donc à un nouveau coup de pouce de la part d’une institution qui a été à contre-courant des principes européens depuis le début de la crise.

L’ambiance optimiste qui règne sur les marchés financiers depuis l’annonce d’un vaccin lui fait peur. Elle sait que la reprise va être instable et qu’il va falloir être là pour prévenir des coups durs. Les marchés ont peut-être pensé trop vite que ce vaccin allait régler tous les problèmes d’un coup.

Christine Lagarde doit remettre sa casquette de manager de crise qu’elle avait déjà portée en mars dernier. Dans l’urgence, les mesures qu’elle avait prises ont été sans commune mesure avec celles qui existaient avant, pour un résultat satisfaisant, selon l’ancienne ministre de l’Economie. « Notre action entre le mois de mars et le mois de juin a généré, d’après nos estimations, l’équivalent de 1,3 point de croissance, et de 0,8 point d’inflation », précise-t-elle.

Satisfaisant, mais encore instable. Alors que la deuxième vague de coronavirus est là en Europe, quelles nouvelles mesures peut prendre la présidente de la BCE et avec quelles conséquences ?

Les marchés auront probablement le droit à une rallonge monétaire. L’institution européenne devrait annoncer une augmentation de son plan d’urgence, le PEPP (programme d'achat d'urgence en cas de pandémie), qui autorise la BCE à racheter des titres de dettes émis par les Etats, et notamment l’Italie, ce qui leur permet de continuer de bénéficier de conditions financières favorables. Ce plan devrait augmenter de quelques 500 milliards d'euros, pour passer à 1 850 milliards d'euros. Mais surtout, ces pratiques de rachat de dettes devraient avoir cours plus longtemps, au moins jusqu’à la fin de l’année prochaine. Les obligations d’entreprises font aussi partie du panier de rachat de dettes, même si l’entreprise est considérée à risque (avec une note investment grade).

Ces mesures exceptionnelles de rachat de dettes à l’échelle européenne fonctionnent parce que l’enveloppe globale est très importante d’abord, mais aussi parce qu’on a aboli les blocages de l’Union européenne qui voulait que ce soit équitable entre pays, selon leur taille. C’est un plan d’urgence, donc la BCE ne se cache pas de racheter plus de titres de dettes à l’Italie par exemple, parce que les investisseurs étaient fébriles sur l’Italie et faisaient grimper en flèche son taux d’intérêt. L’Italie avait bien plus besoin de ce plan que l’Allemagne ou les Pays Bas et au nom de la solidarité, la BCE a fait sauter les verrous européens.

Toutes ces mesures, qui étaient destinées à être de courte durée, devraient finalement s’installer dans le temps pour céder à la tentation de ne pas brusquer les marchés et exclure le risque où, pris de panique, le crédit se raréfie et devient plus cher. C’est un point jusqu’auquel aucun prédécesseur de Christine Lagarde n’avaient osé aller, car le programme percement de financer directement les Etats et certains plus que d’autres.

Ces décisions visent à montrer que la banque centrale ne tolérera aucune envolée des rendements obligataires - soit le taux des emprunts – ce qui viendrait compromettre la reprise en zone euro. C’est encore plus vrai quand tous les pays sont en train d’injecter les investissements de leurs différents plans de relance.

Il faut dire que les défis à son actif sont nombreux.

D’abord, parce que l’économie réelle en récession. L’Europe sera globalement à -9% cette année, avec des disparités fortes. Et des secteurs dont l’horizon ne se débouche pas encore, comme l’aéronautique ou le tourisme.

Cette économie réelle est aujourd’hui découplée de l’économie financière, où si l’on prend le 1er janvier et les niveaux boursiers actuels, on ne voit que très peu de différences. Le CAC 40 vient d’ailleurs de signer en novembre le 2eme meilleur mois de son histoire,

Ensuite, l’inflation faible voire négative en novembre, c’est à dire que les prix en zone euro ont même baissé de 0,3 %. On est loin de l’objectif des +2%. Et une baisse des prix ne fait pas repartir la consommation et est même un danger si elle persiste.

Enfin, il lui faut contrer l’euro qui s’apprécie. On a dépassé la barre des 1,20 dollars. Le problème de l’euro fort, c’est qu’il entrave les possibilités de reprise. Il rend les exportations chères et donc moins compétitives. Il peut facilement venir amputer les prévisions de croissance du PIB et d'inflation. Christine Lagarde a évoqué sa préoccupation d’une monnaie trop forte par rapport au dollar, alors que le taux de change ne fait pas partie de son champ normal d’action. Ce qui ne la dérange pas parce que cela lui permet de ne pas se mettre à dos les Allemands.

Aujourd’hui, la BCE s’est émancipée comme jamais elle ne l’avait fait jusqu’alors. 

Christine Lagarde n’est pas la deuxième femme la plus influente du monde pour rien. Espérons maintenant qu’elle ait les épaules pour tenir sa barque encore le temps qu’il faudra d’un retour à la normale, à long terme maintenant.

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