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Chômage, fiscalité, dépenses publiques etc... : à quel moment la France réussira-t-elle à retrouver les niveaux d'avant la grande crise de 2008 ?
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Odyssée de l'espace

Alors que l'écononmie française reprend doucement des couleurs depuis l'année 2015, le temps sera encore long, très long, avant de pouvoir afficher des statistiques comparables à la période pré-crise.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico  : Selon le ministère de la Fonction publique, la France comptait 5 448 000 de personnes travaillant dans les trois versants de la fonction publique, hors 192 300 bénéficiaires de contrats aidés, soit 20,0 % de l’emploi total au 31 décembre 2014. En prenant une hypothèse de réduction des effectifs de 120 000 personnes sur l'ensemble du prochain quinquennat, et en poursuivant cette tendance, combien de temps faudra t il à la France pour arriver à un niveau d'administration comparable à ses pairs européens ? Quelles seraient les administrations les plus concernées ?

Jean-Yves Archer : La France compte près de 5,5 millions de fonctionnaires, à rapprocher du chiffre de sa population active totale :  29 millions. Pour simplifier, un travailleur sur 6 est fonctionnaire sans compter les emplois aidés et autres formes d'emploi qui ont un financement public.

Ce qui est marquant, c'est la dynamique d'évolution. Comme le rapporte une analyse du Monde, la France a recruté 1,4 million de fonctionnaires en plus sur la période 1980-2008. soit une hausse de 36%.

Dès lors se pose la question-clef : la France était-elle si mal administrée qu'il a fallu recourir à tous ces recrutements ? On peut sans risque répondre par la négative et comprendre que les multiplications de postes dans les trois fonctions publiques ont été issues de volontés souvent électoralistes ou des conséquences des 35 heures.

En près de 30 ans, on a donc une augmentation de 1,4 million de personnes. Autant dire que le projet de réduire de 120 000 personnes sur un quinquennat est un effort futur d'autant plus modeste que l'évaporation naturelle (les départs en retraite) y contribuera largement.

D'autre part, la suppression de 120 000 postes nécessairement effectuée dans des secteurs non régaliens (hors Justice, Police, Armées) et non hospitaliers nous ramènerait aux années 2010 et ne gommerait pas le lourd impact du grand essor de la fonction publique territoriale. (Voir Cour des Comptes).

Actuellement, on compte 81 fonctionnaires pour 1 000 habitants en France contre 45 au Royaume-Uni, 57 en Italie et 59 en Allemagne.

La médiane européenne se situe à 61 fonctionnaires pour 1 000 habitants.

Pour parvenir à rejoindre cette médiane, il faudrait que la France compte 4,08 millions d'agents publics, soit une baisse de 1,5 million ou encore près de 13 fois le chiffre de la réduction envisagée de 120 000 personnes.

Comme on peut le constater, la gestion des effectifs est un exercice délicat dans les trois Fonctions publiques. Dans l'absolu, une réduction de 120 000 parait importante, mais elle est tout simplement bien pâle par rapport aux standards européens d'Administration publique.

Le 24 février dernier, la Dares publiait les derniers chiffres du chômage en France, totalisant 3 724 000 personnes en catégorie A, soit une augmentation sur le dernier mois, mais une baisse depuis le mois d'octobre 2015. En se référant à cette tendance, à quel moment la France pourrait-elle résorber le chômage de la crise de 2008 ?

Nicolas Goetzmann : Depuis le mois d'octobre 2015, qui a formé le plus haut de ces dernières années, le nombre de chômeurs en catégorie A a baissé de 117 200 personnes, soit une moyenne à la baisse de 7 813 personnes par mois. En considérant que le nombre de chômeurs le plus bas, datant du mois de février 2008, était de 2 141 000, et en appliquant le même rythme de baisse constaté depuis octobre dernier, il faudra attendre le mois de décembre 2033 pour voir le nombre de chômeurs être ramené à ce niveau bas, soit une attente de 16 ans, et une durée totale de crise de 24 ans. Ce qui permet de comprendre que l'inversion de la courbe du chômage relève du virtuel, tant cette baisse est faible dans sa tendance. Mais cela n'est en rien étonnant, puisque la croissance française avance également à un rythme extrêmement faible. En prenant les données de ces dernières années, on se rend compte que la croissance nominale (croissance + inflation) ne parvient pas à dépasser les 2%, ni en 2015, ni en 2016 (en considérant les données trimestrielles). Or, cette même croissance nominale avançait sur un rythme annuel de 4% lors de la période pré-2008 : nous avons ainsi sacrifié la moitié de notre croissance dans le courant de cette crise. Le résultat relatif au nombre de chômeurs en est la conséquence logique. Il est surtout relativement évident de considérer que la satisfaction du gouvernement à ce propos est hors sujet. Ces résultats devraient surtout alerter les autorités que la stratégie actuelle ne peut en aucun cas être jugée comme suffisante. 

En faisant de telles projections, quels seraient les niveaux des dépenses publiques, des déficits, de la fiscalité, et de la dette française au cours des années à venir ? 

Nicolas Goetzmann : Les données détaillées ne sont pas encore disponibles pour l'année 2016, mais l'année 2015 peut être extrapolée sur le long terme, au moins pour se faire une idée de la tendance actuelle des finances publiques. Au cours de l'années 2015, la croissance, bien que très faible, a été supérieure à la croissance des dépenses publiques, soit 1.96% de croissance nominale du PIB contre 1.32% de croissance des dépenses publiques. À ce rythme, le seuil tant convoité d'un ratio de dépenses publiques sur PIB de 50% sera atteint en 2037.

En extrapolant les tendances de la croissance, des dépenses publiques et des recettes fiscales, le passage en territoire budgétaire excédentaire se matérialisera en 2023.

Trajectoire des déficits publics en extrapolant les résultats de l'année 2015. (En milliards d'euros et en %)

Toujours en suivant la même logique, et cette fois-ci pour ce qui concerne le niveau de dette (hors prise en compte des taux d'intérêts), le seuil de 60% d'endettement sur PIB, en conformité avec les règles du traité de Maastricht, sera atteint en 2032.

Mais de tels résultats peuvent être profondément modifiés par une simple modification des paramètres. Et tout dépend de l'objectif recherché. Dans un cas où la croissance nominale se stabiliserait à un rythme équivalent à son niveau pré-crise, c’est-à-dire 4%, de simples variations dans les trajectoires des dépenses et des recettes peuvent totalement modifier le résultat. Des dépenses qui progressent de 2% par an et des recettes qui croissent sur un rythme de 3%, permettent de ramener l'endettement français à 60% dès 2027, et ce, tout en baissant la pression fiscale de 48% à 43% du PIB. Parce que l'essentiel, pour faire baisser les déficits et la dette, c'est de favoriser une croissance forte. Une fois que celle-ci est enclenchée et stabilisée, il suffit à un gouvernement de placer le curseur de la croissance des dépenses légèrement en dessous de celui de la croissance, et la magie prend forme. 

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