Chèque éducation : et si l’idée de Milton Friedman était en passe d’atteindre son heure de gloire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des parents qui accompagnent leurs enfants à l'école.
Des parents qui accompagnent leurs enfants à l'école.
©MARTIN BUREAU / AFP

Liberté scolaire

Pour l’économiste libéral, les parents devraient recevoir un chèque de l'État leur permettant de choisir l’école de leur choix pour leurs enfants. Aux Etats-Unis, plusieurs Etats l’appliquent désormais en réaction au wokisme et à la grande satisfaction des parents.

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico : Aux Etats-Unis, plusieurs Etats ont commencé à appliquer le chèque éducation, l’idée du libéral Milton Friedman, en réaction notamment, au wokisme. En quoi consiste cette idée ?

Frédéric Mas : Milton Friedman estime dans « Capitalisme et liberté » que l’Etat a un rôle minimal à jouer dans l’éducation, en raison des « effets de voisinage » que qui empêchent la possibilité d’établir des échanges volontaires entre individus, c’est-à-dire un marché totalement libre.

L’intervention minimum de l’Etat pourrait prendre la forme de bons (vouchers) remboursables par personne et par an, à utiliser auprès d’établissements éducatifs agréés. Les parents pourraient ainsi consacrer une somme allouée par l’Etat uniquement dédiée à l’éducation, et seraient libres d’y ajouter leurs propres fonds pour choisir l’établissement le plus adapté pour leurs enfants.

Milton Friedman ajoute que ces services éducatifs pourraient très bien être assurés par des entreprises privées ou des institutions sans but lucratif.

L’idée générale d’un tel système est d’encourager la compétition entre écoles à un coût moindre que sa monopolisation étatique, le tout en vue d’améliorer les performances des établissements. Aujourd’hui, l’idée de chèque éducation a en plus pour elle de reposer sur la liberté pédagogique : la diversité dans des méthodes d’enseignement peut attirer les parents que l’offre publique dominante, médiocre et politisée, révulse. Aux Etats-Unis, la guerre culturelle qui divise le pays donne à l’idée de Friedman des allures de stratégie de protection éducative contre un progressisme diversitaire devenu agressif et intolérant.

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Quels sont les bénéfices de cette idée ?

Le monopole public de l’éducation nationale, qui tolère un secteur privé mais fait payer tous les citoyens pour son propre entretien, se fait au prix de l’uniformisation des enseignements, de l’organisation des matières en fonction des priorités du pouvoir politique et conditionne l’individu à travers des programmes politisés et nécessairement biaisés. Comme le disait déjà Frédéric Bastiat au 19e siècle, nationaliser l’éducation signifie mettre tout le monde dans le même « moule », et inciter les groupes d’intérêt à manipuler ledit moule pour servir ses propres préférences. Les craintes concernant l’idéologie woke, ne sont pas totalement infondées, quand on voit que ladite éducation nationale est devenue au fil des années la chose des idéologues les plus à gauche, des pédagogues les plus allumés et le réceptacle des moralismes à la mode, de la religion diversitaire à l’alarmisme climatique.

Défendre le bon d’éducation à la Friedman, c’est vouloir casser le moule en question et permettre une meilleure offre de service dans le domaine grâce à la concurrence. Autant dire que l’idée n’est pas populaire en France : le Léviathan bureaucratique qu’est l’éducation nationale a tout sauf intérêt qu’une telle idée devienne populaire. Elle signifierait purement et simplement la fin de son existence.

Que pourrait-elle apporter en France à la manière dont fonctionne notre système d’éducation ?

L’idée de Friedman est une sortie possible de la catastrophe qui se déroule sous nos yeux, celle d’un système éducatif qui convulse sous le poids de l’incompétence de ses élites bureaucratiques. Depuis 30 ans, les dépenses éducatives ne cessent d’augmenter. Entre 1980 et 2010, selon l’INSEE, les dépenses intérieures d’éducation se sont envolées avec 88% d’augmentation. L’éducation est le premier poste de dépenses de l’Etat avec 77, 8 milliards d’euros en 2022 et pourtant, son niveau est en chute libre.

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Cela fait maintenant plus de 10 ans que la France dévisse dans le classement PISA, que l’éducation nationale peine à recruter parce qu’insuffisamment attractive, et que la vigueur du secteur privé témoigne de l’insatisfaction des citoyens, qui sont prêts à payer plus pour épargner à leurs enfants un enseignement au rabais qui s’apparente de plus en plus à une garderie.

Remarquons que la dégradation de l’enseignement est directement liée à la position de quasi-monopole étatique de l’éducation nationale. Comme il n’existe (pratiquement) qu’un seul offreur en matière d’éducation face à une multiplicité d’acheteurs captifs, libre à lui de fixer le prix des services qu’il vend, car de toute façon, il lui est impossible de perdre des clients. De plus, il n’existe aucun marché éducatif en dehors de lui-même pour le pousser à améliorer ses prestations et à rationaliser son organisation. En d’autres termes, les usagers du service public d’éducation paient toujours plus pour un service toujours plus médiocre, plus bureaucratisé et sans véritable alternative.

En France, l’idéologie républicaine est traditionnellement hostile à toute forme d’enseignement privé, qu’elle voit comme une forme de menace à l’emprise qu’elle prétend à avoir sur les esprits nationaux. On sait qu’à l’origine, l’idée est d’arracher à l’Eglise son empire sur l’éducation au nom de la laïcité dans le sillage de la révolution française, mais plus récemment, c’est la « menace terroriste » et l’islamisme radical qui ont donné des arguments supplémentaires contre la liberté scolaire et pédagogique. Ainsi, la loi sur le séparatisme de 2021, a fortement réduit la possibilité d’enseigner à la maison, c’est-à-dire la liberté d’enseigner et la diversité pédagogique qu’on retrouve dans la philosophie friedmanienne des vouchers. On se contentera d’observer que les terroristes islamistes qui ont frappé le pays ne sont pas sortis d’écoles privées hors contrat ou d’homeschooling, mais d’écoles publiques tout à fait banales.

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