L'impensable s'est produit ! Le musée Reina Sofia de Madrid a tout simplement perdu une sculpture en acier de trente-huit tonnes de l'artiste contemporain Richard Serra. Ces énormes blocs d'acier étaient stockés depuis des années dans un entrepôt. Or la société gardienne des lieux et spécialisée en transport d'œuvre d'art s'est, elle aussi, volatilisée, victime de faillite à la suite de commandes non honorées par l'Etat. Le scandale est énorme : comment imaginer une telle incurie administrative. Les hypothèses les plus farfelues vont être faites : vol par un riche collectionneur, acier découpé en plaques par des ferrailleurs, vengeance d'un entrepreneur... Aucune piste n'est la bonne et les conjectures vont bon train

Ce livre est une ballade dans le milieu de l'art contemporain : les descriptions des œuvres de Richard Serra en particulier sont extrêmement précises.

J'ai aimé le lien qu'il y a entre les espaces et les œuvres gigantesques de Richard Serra qui oblige les promeneurs par leurs déambulations à l'intérieur de ces sculptures à créer leur propre compréhension de ces pièces en les considérant sous différents angles : le mouvement, l'espace et le temps créent l'oeuvre.

J'ai aimé aussi le rapport entre l'artiste et les professionnels qui lui permettent de créer son œuvre : les aciéries, les ouvriers fondeurs, les transporteurs, les stockeurs, les gestionnaires de zone franche, les marins, jusqu'au chauffeur de taxi qui devient un instant un témoin privilégié de l'art de Richard Serra

La succession et la multitude de témoignages peuvent lasser. Les prénoms et patronymes espagnols sont difficiles à retenir.

Les témoignages changent d'époque tout le temps, ce qui accentue la difficulté. On a du mal à suivre le fil conducteur du récit et on se demande quelle est finalement l'intention exacte de l'auteur

Malgré ces réserves, j'ai aimé ce livre qui se lit comme on visite une sculpture de Richard Serra. Seule la lecture qui se prolonge oblige à envisager le mystère de cette disparition sous toutes ses facettes. Comme sa disparition rend très présente la sculpture de l'artiste, l'absence de lien entre les différents témoignages créent finalement le récit.

« Le chef d'oeuvre, c'est la disparition de la sculpture de Richard Serra, pas sa création » P.75

« Le public peut avoir l'impression que les artistes sont toujours disposés, ou destinés, à faire de belles choses, mais quand on parle sérieusement, il est évident que ce n'est pas le cas. La fonction de l'art, l'aspiration des créateurs, c'est de faire réfléchir. » P.16

Juan Tallon est né en 1975 à Vilardevos. Il a fait des études de philosophie. Il est journaliste dans divers médias. Il écrit des livres en collaboration avec différents auteurs et son premier roman a remporté le prix littéraire VI Nicomède Pastor Diaz. L'un de ses thèmes est la méta-littérature, c'est-à-dire une écriture qui mêle plusieurs genres : le journalisme et la fiction par exemple.