Cette influence française qu’Emmanuel Macron fait progresser en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron, photo d'illustration AFP
Le président Emmanuel Macron, photo d'illustration AFP
©LUDOVIC MARIN / AFP

La fin du couple Franco-Allemand ?

Le couple Franco-Allemand ne constitue peut-être plus le modèle le plus efficace en Europe. Ce qui ne signifie pas que le président de la République ne travaille pas à faire progresser l'influence de la France...

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : "Une Europe de plus en plus française" dit la presse étrangère. C'est assez paradoxal ! Lorsque l'Allemagne est faible, la France remonte? Emmanuel Macron en profite pour piquer le leadership européen?

Guillaume Klossa : Bloomberg parle en effet d’une Europe plus française, mais c’est le regard orienté d’un média anglo-saxon. La réalité, c’est que la France pousse aujourd’hui non pas une Europe plus française mais une Europe plus européenne, consciente de sa souveraineté, de ses valeurs, de ses intérêts, et c’est la bonne stratégie. Pousser les intérêts strictement français aboutit généralement à l’impasse, il faut développer une vision plus large qui ne se limite pas strictement aux intérêts nationaux mais qui les intègrent et transcendent. C’est ce qu’on peut appeler l’intérêt général européen, qui est, dans la plupart des cas, conforme aux intérêts fondamentaux français, mais aussi allemands, italiens, polonais… 

Par ailleurs, ce serait une erreur de croire que la France a intérêt à un faible leadership allemand, plus le leadership européen de l’Allemagne, plus la force de traction franco-allemand est fort. Je crois que le président de la République l’a très bien compris. Les vaccins, le plan de relance, l’emprunt qui ont été portés par la France et par le président Macron n’ont été que parce que l’Allemagne était forte et a pleinement exercé son leadership. 

Dans quel état se trouve le couple franco-allemand?

Le modèle de développement allemand qui a été extraordinairement puissant depuis 30 ans était fondé sur une sécurité assumée et payée par les Américains, des énergies fossiles bon marché venant de Russie et des exportations massives vers la Chine est désormais dépassé.

Trump puis la guerre en Ukraine ont amené l’Allemagne à réinvestir massivement le domaine de la défense, la Guerre en Ukraine a remis en question l’approvisionnement en énergies fossiles russes bon marché russe qui n’est plus acceptable et le conflit Chine-Etats-Unis fragilisent les exportations allemandes en Chine. En outre, le retour de l’inflation rompt avec la priorité allemande depuis l’après de lutte contre l’inflation. Ces dynamiques constituent une remise en question fondamentale. Du coup, les Allemands concentrent aujourd’hui l’essentiel de leur énergie à essayer de sauver leur économie et essayer d’identifier les bases d’un nouveau modèle, ce qui n’a rien d’évident. Concrètement, cela se traduit par un moindre investissement dans les relations bilatérales, y compris franco-allemande mais aussi européen. La relation franco-allemande est en quelque sorte une victime collatérale de cette crise du modèle germanique. 

Ce couple franco-allemand affaibli, le président français change de stratégie et multiplie les petits partenariats. Sur quels pays s'appuient-ils? et pourquoi? 

Le changement de stratégie n’est qu’en partie lié à l’affaiblissement du couple franco-allemand. La guerre Russo-ukrainienne et la perspective d’intégration à long-terme de l’Ukraine change le centre de gravité de l’Union européenne et le déplace vers l’Est, le président l’a très compris et cela amène à repenser les objectifs et les modalités d’action de la politique européenne de la France. Cet aggiornamento est extrêmement pertinent. Il tire aussi les enseignements de la politique passée de la France à l’égard des pays est-européens qui ont été pendant des décennies insuffisamment pris en compte par la France. 

Emmanuel Macron dit avoir constaté que les grands sommets internationaux comme le G20, ça ne marche pas. Est-ce que ce changement de stratégie est payant ?

Il y a deux choses différentes. Au sein de l’Union, la France est une superpuissance et donc son action et son dialogue avec les Etats-membres ont beaucoup d’impact d’autant que tous les Etats - membres de l’UE sont des partenaires de travail quotidien de la France dans le cadre des institutions communautaires et que chaque jour se prenne des décisions à 27. Il y a une obligation de se parler et de s’entendre. Qui plus est, tout le monde a intérêt à parler à la France qui, par son poids dans les institutions, peut orienter considérablement les décisions. La France, elle, a intérêt à être à l’écoute de ses partenaires pour faciliter la prise de décision collective et éviter les blocages, qui souvent la pénalisent. 

Au niveau mondial, il n’y a pas de machine communautaire pour décider ensemble de manière collective. Le poids structurel de la France résulte de l’après-guerre qui a permis à notre pays de récupérer un siège de membre permanent du Conseil de sécurité et de créer le G5, puis le G7 qui, dans les années 1970 et 1980, ont incarné le leadership occidental. Cet héritage de l’après-guerre est aujourd’hui contesté. Il n’est pas évident que le bilatéralisme, seul à l’échelle internationale, soit payant. Au niveau global, la France doit avoir sa propre diplomatie mais aussi s’appuyer sur ses partenaires européens et sur la diplomatie européenne pour avoir un vrai effet de levier. Il me semble que le président Emmanuel Macron joue cette partition par exemple quand il part en Chine avec la présidente de la Commission Ursula Von Der Leyen.    

En développant ce nouveau soft power, Emmanuel MAcron change de cap ? notamment sur l'élargissement de l'Union européenne et de l'OTAN sur l'Europe centrale et orientale? 

Le président de la République prend acte d’une nouvelle réalité et il adapte sa stratégie à cette nouvelle donne. C’est rassurant alors que l’on a l’habitude de critiquer souvent à tort d’ailleurs la diplomatie française pour son manque d’adaptation.

La décision de soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est autant tactique que stratégique. Tactiquement, si jamais et quand  viendra le jour d’ouvrir des négociations Russo-ukrainiennes, la possibilité d’accéder à l’OTAN est un atout dans la négociation. Les Russes ne peuvent pas vouloir annexer des territoires ukrainiens et demander une Ukraine neutre qui ne soit pas membre de l’OTAN. 

Concernant l’élargissement, le rapport Schwarzer-Costa trace une perspective claire qui me semble être celle du président Macron. L’élargissement ne peut se penser sans un approfondissement de l’Union européenne et une réforme en profondeur pour faire face à des nouvelles réalités géopolitiques, économiques, sociétales, technologiques et climatiques globales. Et l’approfondissement doit être idéalement préalable à l’élargissement.

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