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Bryson De Chambeau golf sport technique swing Tiger Woods
Bryson De Chambeau golf sport technique swing Tiger Woods
©Rob Carr / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Bryson DeChambeau

Lors du dernier US Open, Bryson DeChambeau a réussi à triompher grâce à un style de jeu particulier. Qu’est-ce qui a permis à Bryson DeChambeau d’opérer une telle mutation de son jeu ? Est-ce une performance physique ? Une question de matériel ?

François  Scimeca

François Scimeca

François Scimeca est rédacteur en chef de Golf Planète.

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Atlantico.fr : Lors du dernier US Open, Bryson DeChambeau s’est démarqué par un jeu qui envoie les balles très loin et très haut, lui offrant la victoire, est-ce que c’est ce style de jeu qui le caractérise et est-ce nouveau dans le golf ?

François Scimeca : Oui ça le caractérise, dans le sens où c’est le seul qui l'utilise, mais on ne peut pas le réduire qu’à ça. Frapper le plus fort est une technique qui existe depuis toujours. Quand Nicklaus est arrivé, dans les années 1950-60, c’était lui qui frappait le plus fort, quand Tiger Woods est arrivé, il a mis 15 ou 20 mètres à tout le monde sur les mises en jeu. Cela permet d’avoir des clubs plus faciles à jouer pour se rapprocher du drapeau. Plus on est près du trou, plus c’est facile de se rapprocher du périmètre : quand on a une distance de 100 ou 120 mètres, plutôt que 180, il est plus aisé d’être précis. C’est un petit peu cette tactique-là qu’a mis en place Bryson DeChambeau à l’US Open. C’était nouveau car, en général, les préparations de parcours sont très sélectives avec des roughs, des zones où l’herbe n’est pas très bien coupée afin que les golfeurs qui ne sont pas précis soient pénalisés et ne puissent pas contrôler la balle comme ils souhaitaient le faire. Lui, avec sa puissance, même s’il est dans le rough, il a un si petit coup à jouer qu’il est capable de bien se positionner et faire un score meilleur que les autres. Ça a existé de tout temps, mais il le pousse à l’extrême. Il a une moyenne de drive (prise sur deux trous par jour lorsque les joueurs peuvent taper le plus fort) qui se situe aux alentours de 350 yards, c’est dix ou quinze mètres de plus que tout le monde. Sa balle fait environ 320 mètres au carry (distance entre son point de départ et l’endroit où elle touche le sol) mais ensuite elle peut rouler et c’est ce qu’il cherche à faire. Mais DeChambeau a une personnalité assez clivante, il s’en est pris aux caméramans, aux arbitres, donc il n’est pas forcément très bien vu par pas mal de joueurs.

Qu’est-ce qui a permis à Bryson DeChambeau d’opérer une telle mutation de son jeu ? Est-ce une performance physique ? Une question de matériel ?

Bryson DeChambeau c’est un mix de deux choses aujourd’hui. C’est d’abord quelqu’un qui utilise à fond la technologie. Il est comparable à un skipper, qui conçoit son bateau pour aller le plus vite possible, où à un pilote de Formule 1. Il a poussé la recherche sur tout ce qui lui était autorisé par le règlement au maximum, où ce qu’on croit être le maximum. Il exploite à fond ce filon. La toute première chose, c’est la balle. Elle a tellement progressé dans les trente dernières années que ça en est presque ridicule. Les fabricants ont exploité toutes les données balistiques qu’ils avaient. D’ailleurs cela pose un petit peu problème par rapport aux parcours qu’on ne peut pas agrandir. La deuxième chose dont il se sert, c’est son matériel. C’est un driver avec un degré d’ouverture très fermé. En général, pour les joueurs pros, c’est entre 7 et 11 degrés. Lui est à environ 5 degrés, mais comme il génère suffisamment de vitesse grâce à son corps, il est capable quand même d’obtenir un angle de lancement de la balle pour l’amener le plus loin possible. Il a un surnom, The Scientist, le scientifique car il est arrivé, il y a quelques années avec des clubs qui étaient tous de la même taille, c’est le premier joueur qu’on a vu faire ça. En général, en fonction de la distance à faire, la longueur du manche est plus ou moins grande. Ça lui permet de répéter toujours le même mouvement car il reste à la même distance de la balle. Il a un swing très mécanique, pas très esthétique. Il a simplifié au maximum son mouvement pour qu’il soit le plus mécanique possible. Il pousse aussi le détail jusqu’à interroger son cadet sur l’hygrométrie, l’humidité dans l’air. Tous les joueurs essaient d’estimer le vent, mais lui, c’est surréaliste. La dernière chose qu’il a sorti, qu’il devait montrer au Masters, c’est un driver qui est encore plus grand que tous ses autres clubs, à la limite de la légalité : 48 inch, c’est la limite et c’est ce qu’il veut. Il aura une amplitude encore plus grande.

La deuxième chose, qu’il a fait pendant le confinement c’est prendre de la masse musculaire. Il a un régime alimentaire très extrême, il prend plein de protéines, est suivi par un préparateur physique et il va très loin. On ne sait pas si ça n’aura pas, à long terme, des effets sur son corps. Il s’impose des charges de travail importantes grâce à son régime alimentaire qui lui permet de pousser de la fonte. C’est un régime que, je pense, peu de gens pourraient supporter. Ce qu’il fait est complètement légal aux Etats-Unis, il y a une législation anti-dopage qui n’est pas la même qu’en Europe, mais on ne peut pas être sûr qu’il pourrait faire exactement pareil en Europe. Il est hors norme parce qu’il analyse tout, tout le temps, parce qu’il a pris un volume impressionnant très rapidement et parce qu’il a une stratégie inédite qui va pousser les instances dirigeantes du golf à agir.

Ce style de golf est-il en passe de se pérenniser ?

Si tout le monde emboite le pas à Bryson DeChambeau, ce qui va être assez vite le cas, cela va poser un problème. Les instances dirigeantes du sport vont sans doute sortir des nouveaux règlements pour que la balle aille moins loin, comme la F1 l’a fait pour limiter la puissance des voitures. Quelque part, on court à la catastrophe car les parcours ne vont plus être adaptés à ce type de jeu et le sport va perdre de sa saveur. Si les joueurs ne pensent qu’à bourriner puis à mettre des petits coups pour se rapprocher du drapeau, on va perdre tout l’aspect stratégique ou encore la recherche des architectes pour rendre les parcours intéressants. Aujourd’hui, les instances dirigeantes vont commencer à s’intéresser à la balle et demander aux équipementiers de faire des balles moins performantes : baisser sa compression, ou changer ses alvéoles pour qu’elle vole moins. Tiger Woods, en 1997, a démonté le parcours de l’Augusta National Golf Club, le site où il y a le Masters, avec 18 points d’avance. C’est un parcours magnifique qui fait rêver tout le monde et où tout le monde rêve de gagner la veste verte. Donc les années d’après, ils ont fait un parcours « Tigerproof » qui résiste à ses assauts. Mais aujourd’hui, on ne peut plus faire ça car les parcours ne sont pas extensibles. Ça coûte de l’argent et politiquement, en 2020, par rapport à l’environnement c’est plus complexe. Donc on ne va pas créer des parcours toujours plus grands. Il faut garder les racines de ce sport et donc établir de nouveaux règlements.

Y-a-t-il d’autres joueurs qui sont en passe d’adopter son style tant technologique que physique ?

Sur le circuit européen, il y a un joueur qui a tapé encore plus loin que DeChambeau. C’est un joueur sud-africain, Wilco Nienaber, et il a envoyé des missiles à plus de 400 mètres. Il n’est pas « bodybuildé » comme DeChambeau, mais il profite de la technologie. C’est ce qui fait qu’il va falloir règlementer tout ça. Sur le plan physique, il y a 20 ans, aucun golfeur n’allait dans les salles de sport, aujourd’hui, ils sont nombreux, et de plus en plus. Et tous essaient de gagner de la vitesse de swing pour taper la balle le plus loin possible car ils se rendent compte que c’est un moyen d’être plus performant et de ne pas faire reposer leurs résultats que sur le putting. On dit souvent : « On drive pour le show et on putt pour le dollar », mais aujourd’hui on drive aussi pour le dollar. La preuve DeChambeau est capable de gagner de l’argent en tapant très fort.

François Scimeca est rédacteur en chef de Golf Planète.

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