Ces inquiétantes questions qui se cachent derrière le succès de la marche contre l’antisémitisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Marche contre l'antisémitisme à Bordeaux, le 12 novembre 2023.
Marche contre l'antisémitisme à Bordeaux, le 12 novembre 2023.
©Thibaud MORITZ / AFP

Fractures françaises

La marche contre l'antisémitisme a, une nouvelle fois, été l'occasion de mettre en lumière les fractures françaises et la manière dont se structure le débat politique en France.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Les gens qui se sont déplacés dans ces manifestations étaient davantage bourgeois et âgés, là où les manifestants pro-palestiniens sont plus jeunes. Quel tableau sociologique cela donne de la France derrière les chiffres eux-mêmes, au regard de la composition de la foule ? Que nous dit ce tableau de la manière dont se structure le débat politique en France ?

Jean Petaux : En l’absence de mesures précises et croisées des différentes compositions des cortèges qui ont défilé dans les rues de France, il est bien difficile (ou risqué… comme on veut) de dresser un profil-type des manifestants contre l’antisémitisme le 12 novembre. On peut se fier à ce que nous ont montré les images des chaines de télévision généralistes ou d’infos en continu ou ce que les différents réseaux sociaux ont relayé comme images saisies ici et là. On peut aussi témoigner de ce que l’on a vu, réellement et personnellement, dans telle ou telle ville. J’étais, pour ma part, à Bordeaux, au milieu des 3.500 manifestants (chiffre donné par la police). Le Préfet de Nouvelle-Aquitaine préfet de la Gironde, était au premier rang du cortège, près du maire « Les Ecologistes » de Bordeaux, Pierre Hurmic, près du ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, élu député de la Gironde en juin 2022, sous l’étiquette « Renaissance ». Au milieu des manifestants figuraient aussi Alain Rousset et Jean-Luc Gleyze, respectivement présidents de la Région et du Département, membres du PS tous les deux. Le témoignage humain est toujours à manier avec précaution et sujet à caution. Il est indéniable que la très grande majorité du public présent dépassait les 50 ans et n’appartenait pas aux « minorités visibles ». Plusieurs manifestants sont venus « en famille », tenant par la main de très jeunes enfants. A l’évidence dans un souci de pédagogie active. Aucune banderole, pas plus d’une dizaine de drapeaux tricolores dans l’ensemble du défilé dont il était strictement impossible de dire « qui » les portait. Est-ce majoritairement des « bourgeois » ? Encore faudrait-il s’entendre sur ce que représente une telle « catégorie pratique »… J’aurais plutôt tendance à dire qu’il s’agissait majoritairement de retraités ou d’actifs appartenant à des CSP+ (professions libérales, enseignants, cadres du public et du privé, etc.). Ce n’était pas, c’est certain, exactement le même public que celui des manifestations contre la réforme des régimes de retraite, au printemps 2023… Encore que cela pouvait se « recouper » pour certains. Mais ce n’était pas, du tout, une manifestation en faveur de la sauvegarde de l’enseignement privé et la « Manif pour tous » non plus... Je n’ai pas vu, personnellement, les deux députés RN de la Gironde, Edwige Diaz et son collègue Grégoire de Fournas qui a connu son petit quart d’heure warholien de célébrité, à l’Assemblée, il y a quelque mois. Peut-être étaient-ils du nombre des élus présents en tête du cortège ou à l’intérieur, comme j’ai pu y voir le seul député « Verts » de la Gironde, Nicolas Thierry, ceint de son écharpe tricolore ou plusieurs députés « Renaissance ». L’unique député LFI de Gironde, Loïc Prud’homme, n’était évidemment pas présent cet après-midi parmi les manifestants. Elément rare et plus « spectaculaire », nombre de maitres franc-maçons, de plusieurs obédiences, ont défilé avec leurs « cordons », répondant ainsi à l’appel de leurs différents Grands maîtres.

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Il est difficile de tirer des défilés de ce dimanche des leçons sur l’état du débat politique en France actuellement. Le chiffre global du ministère de l’Intérieur (auquel on peut se fier, cette fois-ci comme dans d’autres cas, car il est beaucoup moins « biaisé » en réalité que ce que les manifestants croient souvent…) est de 182.000 manifestants dans toute la France (dont 105.000 à Paris). Le plus gros cortège, en région, a été, semble-t-il enregistré à Marseille (7.500) ; Toulouse (ville durement marquée par les attentats du terroriste islamiste Merah en 2012) : 7.000 manifestants ; Strasbourg (ville avec une population juive importante) a compté 5.000 manifestants (avec quatre députés LFI qui ont lavé l’honneur de cette formation politique à la dérive) ; Grenoble et Bordeaux : presque le même nombre (3.500) ; Nice et Lyon : 3.000 personnes ; Nantes et La Rochelle : 3.000 aussi. Ce que l’on peut dire c’est que ces marches (plus d’une centaine comptabilisées en France) ont connu une réelle réussite. A-t-on assisté à un grand moment de « communion nationale » comparable à la première grande mobilisation parisienne contre l’antisémitisme qui a été celle du 14 mai 1990 en réaction à la profanation du cimetière juif de Carpentras ? Non… Les chiffres étaient d’ailleurs différents puisque on a estimé entre 80.000 et 200.000 le nombre de manifestants alors. A-t-on revécu les manifestations du 11 janvier 2015, dans toute la France, suite aux attentats contre « Charlie Hebdo » et le magasin « Hyper Casher » ? Non, bien évidemment… Pour autant Jean-Luc Mélenchon, qui est en passe de dépasser Donald Trump dans la culture des « fake news », travestit, encore une fois, la réalité quand il parle d’un « fiasco » et d’un seul succès, pour tous ceux qui ont appelé à manifester ce dimanche : « celui d’avoir réussi l’opération de blanchiment du RN ». Le Rassemblement National n’a pas attendu le dimanche 12 novembre pour chercher à se « blanchir » de la « noirceur » antisémite de ses origines. Il n’a pas attendu, non plus, le délire et les outrances de Monsieur Mélenchon pour exister et même pour être le groupe parlementaire d’opposition le plus important à l’Assemblée nationale, devant les amis de Monsieur Mélenchon. Le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella n’a pas attendu le rapport extrêmement relâché à la vérité qui est celui de Monsieur Mélenchon pour être pointé à 29% des intentions de vote, pour les prochaines élections européennes dans un sondage La Tribune Dimanche / IPSOS, ce même dimanche de manifestations (score estimé de LFI : 8,5%... on comprend mieux pourquoi Monsieur Mélenchon et ses adjoints plaidaient pour une liste commune des composantes de la NUPES…).

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Alors oui, n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon, la journée nationale contre l’antisémitisme, le 12 novembre 2023, qui a vu au moins 182.000 Françaises et Français descendre dans la rue pour dire « non » à l’antisémitisme et à la haine des Juifs, n’a pas « servi à rien ». Elle n’a pas été un échec. Il y aurait pu y avoir plus de monde évidemment. Ce serait faire beaucoup d’honneur aux dirigeants de LFI que de croire que leur présence dans les cortèges aurait démultiplié le nombre de manifestants… C’est pour d’autres raisons qu’une « levée en masse » n’a pas eu lieu ce dimanche, comme quelques fois ce fut le cas ces 33 dernières années, dans des circonstances comparables. Jérôme Fourquet, directeur des études d’opinion à l’IFOP, l’a fort bien expliqué au micro de France Inter, ce même dimanche : les Français sont très préoccupés aujourd’hui par les questions d’accès aux soins et par la dégradation du système éducatif… Pas par la crise au Moyen-Orient. Pas par les odieux massacres des tueurs du Hamas en terre d’Israël. Pas par les civils gazaouïs tués par les bombardements de la riposte israélienne. Pas par la multiplication par trois, en un mois, des actes antisémites en France. Hélas !... Ils sont encore moins intéressés par les éructations mélenchonesques et les ignominies discursives de certains des députés de son mouvement. Tant mieux !...

Maxime Tandonnet : La manifestation de ce jour contre l’antisémitisme a été qualifiée « d’essentielle » par le Grand Rabbin de France et saluée par le président du CRIF. Elle a permis de médiatiser un geste précieux et salutaire de solidarité envers la communauté juive de France particulièrement meurtrie par les événements d’Israël et qui fait l’objet de violences croissantes en France au point de devoir quitter certains quartiers dits « perdus de la République ». A ce titre elle est un succès.

Cependant, avec 105 000 participants à Paris, 180 000 en France, le bilan de la manifestation du 12 novembre contre l’antisémitisme est-il triomphal ou un succès en demi-teinte ? C’est toujours l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. A l’évidence, on est loin du million et demi à Paris et 3 millions en France le 11 janvier 2015, huit ans auparavant, à la suite des attentats de Charlie Hebdo et de la Porte de Versailles.

Alors, évidemment, qu’est-ce que 180 000 manifestants sur  64 millions de Français, un sur 228 ! Ce niveau de participation, certes satisfaisant, méritait-il l’enthousiasme des commentateurs sur les plateaux de télévision au regard du 11 janvier 2015 ? D’autant plus qu’au premier regard, la jeunesse et ladite « diversité » brillaient par leur absence… Sur le plan de la composition sociologique on retrouve le public de janvier 2015 (beaucoup moins nombreux). C’est aussi la confirmation de la fracture de la société française entre la classe moyenne d’origine européenne et la population issue de l’immigration du Sud. Un tableau tout de même inquiétant montrant une fois de plus un pays fracturé…

Au regard de la culture politique française, avec un président dans les habits d’un monarque républicain, l’absence d’Emmanuel Macron a-t-elle empêché de signifier au monde entier que la France était bien dans la rue ? 

Jean Petaux : Ne surestimons pas l’impact international des actes du Président Macron… Même si l’on pourrait apprécier (d’un strict point de vue « chauvin ») que le monde entier se réveille chaque matin (faisant fi du décalage horaire…) en se demandant ce que va faire le président de la République française dans sa journée et décide alors de ses actes en fonction de cet unique critère, il faut bien déchanter : ce n’est (sans doute) pas le cas… Et, contrairement à Jean-Luc Mélenchon, que l’on imagine fort bien appliquer ce fantasme à sa modeste personne, il convient de cesser de prendre des vessies pour des lanternes. Le monde entier, est, et grand bien lui fasse, globalement indifférent aux attitudes, déclarations, postures et autres « positions de principe » d’Emmanuel Macron. Quant aux Français, dans leur grande majorité, ils se fondent tout simplement dans cette même ignorance distante. Les Américains ont une expression subtile qui résume bien cela : « benign neglect » : « une négligence sans malveillance »… Autrement dit, en français dans le texte : « Ils s’en foutent, sans lui en vouloir »… Encore que chez les Français, ils sont quand même 70% à être mécontents de sa présidence en octobre 2023 (IFOP/JDD, baromètre mensuel…).

Maxime Tandonnet : Une explication partielle à cette mobilisation réussie, mais quand même en demi-teinte, était l’absence du chef de l’Etat, unanimement regrettée par les participants qui s’exprimaient devant les caméras et les micros. On se gardera ici de juger les motivations de ce dernier. Toujours est-il que la plupart des commentaires entendus à la télévision et sur les radios, et même de la part de sympathisants macronistes, déploraient non seulement son absence, mais aussi des revirements de sa part sur la guerre entre Israël et le Hamas.

Pourquoi, nous disaient les personnes interviewées sur les radios et sur les écrans, y aller si le chef de l’Etat donne l’exemple en ne s’y rendant pas? Et surtout, sur quel socle pourrait se fonder l’unité nationale dès lors que le chef de l’Etat, ou le « guide de la Nation » comme disait de Gaulle ne propose pas une orientation claire ? Telle était la tonalité des commentaires. Pour autant, le fait que l’appel à la manifestation ait été lancée par M. Larcher et Mme Braun-Pivet est un signe révélateur d’un tournant dans l’histoire politique comme si l’autorité morale s’éloignait de l’Elysée pour revenir au parlement.

Alors que Mélenchon joue sur la conflictualisation, l’idée d’un bloc contre un autre, dans un schéma politique traditionnel, les responsables politiques au pouvoir, Emmanuel Macron en tête, restent dans un monde dépolitisé avec des individus atomisés où on essaye de mobiliser les gens qu’avec des slogans, à défaut de créer des creusets sociologiques. Dans quelle mesure Emmanuel Macron n’a-t-il toujours pas compris qui il avait en face de lui ?

Jean Petaux : Emmanuel Macron a parfaitement compris la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, celle qui consiste à produire, constamment, « le bruit et à la fureur » comme il s’est autoqualifié lors d’une de ses campagnes présidentielles passées… Mélenchon est dans le rôle du leader populiste et tribunitien. C’est un démagogue (étymologiquement « celui qui conduit le peuple dans le sens où le peuple veut aller »), tout comme l’était, avant lui, Jean-Marie Le Pen et tout comme la leader du RN, Marine Le Pen, l’est demeurée. Encore que, totalement centrée désormais sur sa stratégie de « crédibilisation » (respectabilité du groupe parlementaire à l’Assemblée ; « dédiabolisation » ; « combat contre l’antisémitisme »), elle prend ses distances avec une démagogie trop voyante, trop scandaleuse. Quand, face à elle, Jean-Luc Mélenchon en rajoute dans l’outrance et la provocation. Avec d’autant plus de facilité que, contrairement à ce qu’a pu dire récemment la sociologue Nona Mayer dans les colonnes du « Monde », montrant ainsi une bien surprenante « indulgence » à l’égard de l’ancien trotskiste devenue sénateur socialiste près d’un quart de siècle avant de revenir à ses origines gauchistes : Mélenchon n’est pas simplement qu’un « provocateur » qu’il convient d’excuser pour ses outrances, y compris à l’égard d’Israël. Il n’a pas à forcer sa nature pour être ce qu’il est… Il est. Il pense ce qu’il dit et dit ce qu’il pense…

Face à cela, Emmanuel Macron, qui n’est pas du tout dans le même positionnement que Jean-Luc Mélenchon puisqu’il a en charge la présidence de son pays, la sauvegarde de l’unité nationale et la protection de tous les Français, indépendamment de leurs origines, de leur statut social, de leurs croyances et de leurs opinions politiques, se doit de se comporter avec mesure et hauteur. Il ne lui appartient pas de cliver ou de fracturer. On pourra toujours considérer que le « en même temps » présidentiel n’est pas à la hauteur des « clashs » de Mélenchon. Qu’ils ne parviennent pas à les contenir… Un tel constat serait une erreur : la stratégie de Macron s’est avérée plus payante électoralement que celle de Mélenchon. Les prochaines élections européennes de juin 2024 vont le confirmer encore une fois. Aux cris et à la fureur du tribun « Insoumis », ce que vous appelez « les slogans » du fondateur d’En Marche s’avèrent plus efficaces pour emporter l’adhésion d’une majorité de Français…

Maxime Tandonnet : Alors, encore une fois sans réduire les aspects positifs et heureux de cette mobilisation, il est légitime de se demander : pourquoi, malgré une belle participation,  dix fois moins que pour Charlie et la porte de Vincennes ? Alors que le nombre de Français tués était encore plus élevé ?

Hélas, les polémiques politiciennes ont quelque peu terni l’image de l’appel de M. Larcher et Mme Braun-Pivet. Les déchirements de la gauche et le prétexte donné par LFI pour ne pas y participer – la présence du RN – a pu dissuader une partie des jeunes de s’y rendre en tout cas, ruiner le mythe de l’unité nationale autour de cette manifestation. D’autant plus que le calcul de LFI consiste en effet à attiser les clivages, à séduire la France dite de « la diversité » contre une France dite « traditionnelle ». Ce climat de déchirement n’était pas propice à un élan unitaire.

Par ailleurs, il est heureux, souhaitable et même réjouissant que des électeurs et même militants du RN soient présents à titre individuel. Mais qu’est-ce qui justifiait la participation ostentatoire du RN en tant que parti politique avec à sa tête Mme le Pen et ses collaborateurs, sinon un calcul de posture, la stratégie de récupération et de dédiabolisation, c’est-à-dire la basse politicaillerie ?

La lutte contre le terrorisme islamiste et l’antisémitisme est un sujet bien trop dramatique pour s’accommoder de ce genre de démarches politiciennes sur lesquelles les médias radio-télévision se sont beaucoup focalisés. On comprend que cette présence affichée, partisane, ostentatoire, clivante ait pu dissuader des personnes de s’y rendre.

Et aussi, l’absence d’un chef de l’Etat qui devrait être au-dessus de la mêlée, incarner l’unité nationale ne pouvait que renforcer cette impression d’une manifestation prise en otage de certaines passions politiciennes au rebours du nécessaire consensus face à une telle situation.

« Il faut qu’une marche conduise à une démarche », a clamé le président du Sénat Gérard Larcher hier. Quelles décisions le gouvernement doit-il prendre pour lutter de manière efficace, et non pas qu’avec des appels à l’unité, contre l’antisémitisme ? 

Jean Petaux : Peut-être que le Président Larcher pourra, lors d’une des ses prochaines rencontres avec le Chef de l’Etat faire part à celui-ci de son « discours de la méthode ». En grec « meta-odos » qui a donné « méthode » signifie littéralement : « le chemin au-delà », ou si l’on préfère : « la démarche par-delà »… La « démarche qui suit la marche » donc selon le deuxième personnage de l’Etat. Pas certain qu’il suffise de réviser l’article 3 du projet de loi Darmanin sur la « régularisation des travailleurs sans papier dans les métiers en tension » pour que la lutte contre l’antisémitisme soit efficace. Dans ce genre de combat qui ressemble furieusement à celui qu’Achille dut livrer contre l’Hydre de Lerne, parmi ses fameux « Douze travaux », il faut sans doute se garder d’une certaine présomption. Celui qui dispose de l’arme fatale contre la haine des Juifs, contre l’antisémitisme systémique ou individuel, contre cette pratique du « bouc émissaire » dont le grand philosophe et anthropologue René Girard a déconstruit l’histoire et la nature (« La Violence et le Sacré » ; « Des Choses cachées depuis la création du monde »), l’ancienneté humaine et la vivacité contemporaine, celui-là, Gérard Larcher ou un autre, devrait se dépêcher d’en faire part à l’humanité entière… Histoire d’en finir avec les criminels contre l’humanité justement. Si tel n’est pas le cas. S’ils ont fait des moulinets avec leur épée en carton contre les antisémites, qu’ils nous épargnent leurs envolées. Même pas lyriques.

Maxime Tandonnet : Le jeu de mot est bien trouvé, presque un peu facile… Un Français sur 228 était présent dans les manifestations : cela ne signifie absolument pas que le pays se désintéresse de la situation ou qu’il soit gagné par l’indifférence envers la tragédie d’Israël, le massacre de 40 compatriotes dont des enfants et plusieurs otages dont des nouveau-nés. En revanche, ce niveau de mobilisation révèle peut-être une lassitude de l’opinion devant l’envahissement de l’émotionnel.

Bien sûr ce témoignage de solidarité envers la communauté juive était indispensable et il convient d’en remercier M. Larcher et Mme Braun-Pivet.

Mais mettons-nous à la place des Français. Après le massacre de Charlie Hebdo et la Porte de Vincennes, il y a eu une manifestation d’1,5 million de personnes à Paris. 11 mois plus tard, se déroulait le massacre du Bataclan, puis celui de Nice. Alors, l’émotionnel, pourquoi pas ? Mais que règle-t-il concrètement ?

Surtout, ce que les Français attendent aujourd’hui, au-delà des couronnes de fleurs et des marches blanches, c’est une politique, des actes. Pour combattre le chaos qui s’empare du pays depuis longtemps, et la barbarie dont l’antisémitisme marque le paroxysme, il faudrait des décisions fermes et courageuses sur l’école, sur la répression impitoyable de la délinquance et l’insécurité – par exemple des peines planchers –, sur la lutte contre l’islamisme sous toute ses formes qui doit être d’une fermeté absolue ou sur la maîtrise des frontières. Tels sont les vrais sujets qui mériteraient des réformes constitutionnelles… Il faudrait faire le bilan d’une politique qui depuis au moins un demi-siècle nous a conduit à l’impasse où nous sommes. Mais de cela il n’est guère question. Comme si l’émotionnel comblait le vide laissé par le politique. Et cela, le peuple qui est plus intelligent que ne le pensent leurs dirigeants, l’a parfaitement compris…

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