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Ce que les grandes entreprises pourraient réellement faire pour enfin se mettre au vert... et sans gadget
©Fabrice COFFRINI / AFP

Davos 2020

Le forum de Davos en 2020 s'ouvre aujourd'hui en mettant au centre les enjeux écologiques et environnementaux. Les entreprises semblent globalement de plus en plus intéressées par la notion de responsabilité sociétale.

Atlantico : Dans quelle mesure, le monde de l'entreprise peut-il être un moteur dans la prise en compte des enjeux climatiques ? 

Joseph Macé-Scaron : L’entreprise n’est pas une pièce rapportée dans la résolution des défis environnementaux. Bien au contraire, en cette période où l’autorité publique s’est retiré d’un certain nombre de domaines qu’elle accaparait sans jamais rien résoudre, elle est un élément essentiel, fondamental, vital, à partir duquel peut se bâtir une réponse responsable et durable à l’urgence écologique. 

Car toute entreprise, y compris celles nées de la révolution numérique, a pour souci si elle veut prospérer et se développer de respecter et protéger l’écosystème dans lequel elle est née. Cela relève du simple bon sens et ce bon sens, apparemment, échappe à certains de nos politiques qui estiment nécessaire d’édicter des lois et des règlements pour obliger l’entreprise à mettre en œuvre ce qui est dans sa nature même !

C’est que le temps de l’économie purement fonctionnelle est, à moyen terme, révolu puisque ce modèle est autophage. Osons le dire puisque le libéralisme ignore les dogmes : Milton Friedman s’est trompé quand il estimait que l’entreprise en allant sur le terrain de l’engagement sociétal sortait de l’univers marchand. Comme si la recherche effrénée du profit était sans conséquence sur les écosystèmes et par ricochet sur les entreprises elles-mêmes. L’entreprise n’est ni morale, ni amorale, elle est pragmatique.

Voilà pourquoi, on entend de plus en plus de voix pour réclamer un capitalisme plus régulé, une modèle d’entreprise plus contributrice, plus inclusive. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’une révolution car ce souci était déjà présent dans des écrits ou des actions à la fin du XIXe siècle ou dans les années 30. Simplement nous l’avions perdu de vu durant ces dernières décennies.

Le libéralisme est souvent accusé d'être incapable de prendre en charge les externalités négatives. Voit-on ici un changement dans le déploiement du marché qui intégrerait de lui-même une régulation non-plus seulement par le prix, mais aussi par un volontarisme écologique et social ? 

On confond trop souvent ce qui provient du capitalisme et ce qui relève effectivement du libéralisme. S’il faut encore s’en convaincre, il suffit de se tourner vers les pays les moins libéraux pour y trouver les atteintes les plus flagrantes et les plus catastrophiques à l’environnement. En voulant accéder le plus rapidement au développement économique, beaucoup de ces pays laissent leur environnement naturel se dégrader. L’Union soviétique hier, la Chine, aujourd’hui, sont à l’origine de catastrophes écologiques de grande ampleur et, sans doute, irrémédiables. 

Ajoutons que quoiqu’en pensent les économistes attitrés, ce n’est pas la collectivisation de l’environnement qui le sauvera. C’est même l’inverse. Si des biens comme l’eau, l’air, certaines forêts ou une partie de monde marin sont, aujourd’hui gravement menacés, c’est en raison de leur gratuité parce qu’ils sont précisément sans propriétaire. En résumé, si parler d’écolibéralisme a presque un caractère redondant, parler d’écosocialisme est assurément un oxymore.

Quelles sont les pratiques dans les entreprises qui se mettent en place pour prendre en charge les dimensions écologiques ? On parle d'audits verts, de quoi s'agit-il ? Comment faire en sorte que cela quitte le registre du gadget ou de l'effet d'annonce ? 

Il n’y a plus de place, aujourd’hui, pour les discours qui essaient de tromper le client/consommateur. La transparence apparente qu’apporte internet est ici redoutable. En quelques clics, ce dernier quand il souhaite acheter un produit et se renseigner ne va pas s’arrêter à son prix, il va regarder aussi comment la marque se comporte puis la société ou le groupe qui la détient. Du coup, la satisfaction des « consomm/acteurs » ne repose plus seulement sur la qualité du produit, du service, de la prestation ou la notoriété de la marque mais également sur le sens de l’achat qu’ils s’apprêtent à effectuer. Les entreprises sont de plus en plus obligées de compter avec des consommateurs engagés. Insatisfaits, ils risquent de propager leur mécontentement. La contrepartie est que, satisfaits, ils sont prêts à adopter l’ADN  de l’entreprise. C’est l’adhésion qui suscite la confiance.

Les seules « bonnes actions » relevant de ce que l’on nomme le « greenwashing » ou des bonnes œuvres sociales sont jugées insuffisantes et insincères car perçues comme dépourvues d’authenticité et, surtout, utilisées comme une simple autopromotion triviale de l’entreprise.

Là aussi, ne pêchons pas par angélisme. L’intérêt de cet engagement sociétal et notamment en faveur de l’environnement est multiple : Il peut permettre d’anticiper les critiques ou les situations de crise en mettant en avant les comportements exemplaires de l’entreprise.

Il s’agit de marquer sa différence et d’en faire un avantage concurrentiel. Ce dernier point n’est pas pris en compte, or la création de sens crée aussi de la valeur. 

Loin du « gadget », il s’agit aussi puisque l’engagement sociétal se trouve placé au cœur de l’entreprise, de constituer une communauté de projet. Dans un passé récent, la seule RSE n’était que l’affaire des équipes dirigeantes. Or, demain, l’engagement sociétal mobilisera l’ensemble des salariés, chacun devenant l’ambassadeur de son entreprise. Cette perspective sera, peut-être, qualifiée d’utopique mais reconnaissons, au moins, que cette utopie-là ne sera pas porteuse de catastrophes. 

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