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Ce n'est pas parce que Nicolas Sarkozy a raison que Nadine Morano a tort…
©Reuters

Les raisins de la colère

L'un a flingué l'autre. Mais au fond ils ne sont pas loin de penser pareil.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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En 1936 un Juif, Léon Blum, devint président du Conseil. La droite extrême de l'époque s'étrangla de fureur. Et l'un de ses représentants les plus en vue, Darquier de Pellepoix, lança à l'Assemblée, le jour de l'investiture de Blum, une phrase restée célèbre : "Pour la première fois dans son Histoire notre vieux pays gaulois va être gouverné par un Juif". Il en fut plus tard récompensé par Vichy qui le nommât à la tête du Commissariat Général aux Affaires Juives.

Nous ne sommes plus dans les années trente. Il n'y a plus en France de Darquier de Pellepoix. Et personne ne s'aventurerait à dire que notre pays est "un vieux pays gaulois" surtout parce que ça ferait très démodé. Mais toutes nos montres ne sont pas réglées à la même heure (Alain Finkielkraut en parle très bien dans son dernier livre). Nombreux sont ceux, aboyeurs professionnels, inquisiteurs passionnels, qui affirment que "nous sommes dans les années trente et que les heures les plus sombres …". Ils font ça pour défendre non pas les Juifs (ceux-là on peut les tuer tranquillement) mais les populations supposément persécutées dont les montres indiquent que nous sommes en 1436 du calendrier de l'Hégire.

Nadine Morano a son calendrier à elle. Et sur sa montre à chaque heure il est indiqué "heure de colère". C'est pourquoi elle a parlé de "race blanche", des mots inutiles et certainement insultants pour des milliards d'Indiens, de Chinois, d'Africains, et en premier lieu, bien sûr, pour ceux qui chez nous  Français comme les autres, ont le teint plus foncé que le Normand de base. Nadine Morano a, soyons en certains, des convictions. Nicolas Sarkozy a vraisemblablement les mêmes. Pourtant il l'a sanctionnée et il a eu raison.

Sarkozy est dans une stratégie présidentielle et, de surcroît, il a déjà été président. Il lui faut être, et en tout cas essayer de l'être, président de tous les Français sans distinction de race ou de religion. Nadine Morano ne joue pas dans la même catégorie et n'est pas tenue, contrairement à lui, de maitriser son langage. C'est normal et en même temps c'est dommage. Car si elle n'avait pas dit "race blanche" on aurait pu entendre la phrase suivante : "la France ne peut pas devenir musulmane". S'agissant d'un pays où l'on s'est battu pendant presque deux siècles pour qu'il cesse d'être catholique il n'y a rien à dire sur ces mots de Nadine Morano.

Ce qu'elle dit – de la plus mauvaise façon qui soit – c'est ce que pensent des millions de gens. Ils savent que la France est sans cesse trainée dans la boue. N'ignorent pas que les Français sont insultés, vilipendés parce que Français. Des "sales cèfrans". Vous n'avez jamais entendu Booba : "Quand la France écarte les jambes je l'encule sans huile" ? Vous ne connaissez pas "Laïk de Médine" qui se définit comme une "islamo-racaille" ? Vous ne savez donc pas qu'il chante la grandeur d'Allah, la pureté des filles musulmanes voilées, la méprisable insignifiance de Marianne et qu'il piétine, déjà, Nadine Morano…

Vous n'avez jamais vu les affiches "la République c'est comme ma mère : elle n'a plus de règles" ? Vous n'écoutez pas les prêches des prédicateurs musulmans qui justifient le viol, l'enfermement des femmes et expliquent que nous ressemblons à des cochons parce que nous mangeons du cochon ? Eux ce n'est pas la France qu'ils insultent mais nous pour ce que nous sommes et pour ce en quoi nous croyons. M'objectera-t-on que les Booba, les Médine, les imams hystériques ne font pas partie, contrairement à Nadine Morano, du personnel politique? Certes mais leur audience et leur influence dépasse de très loin celle de la dame qui a parlé de la "race blanche".

La France, ou du moins les quelques idées qu'on peut avoir sur ce qu'elle est, est aujourd'hui en position d'agressée. Nous sommes des millions et des millions à nous sentir en permanence bafoués. D'où une colère et le réveil d'une identité qui n'existait pas tant qu'elle n'était pas niée. La colère, dit-on, est mauvaise conseillère : les mots de Nadine Morano en fournissent la preuve. Mais cette colère répond à une haine vertigineuse et sans complexes. Et elle n'est pas la haine, sauf chez quelques-uns qu'il faudrait chercher dans les franges extrêmes du Front National.

Avec les raisins de la colère on fait du vin. Il ne faut pas s'étonner qu'il soit amer et acide : ça pourrait être bien pire. Dans le livre de l'Apocalypse, là où il est question du jugement dernier figurent les phrases suivantes. Et l'ange jeta sa faucille sur la terre et vendangea la vigne sur la terre, et l'on jeta les grappes dans la grande cuve de la colère de Dieu. La cuve fut foulée hors de la ville, et il en sorti du sang jusqu'à la hauteur du mors des chevaux.

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