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Le leader de la CDU, Armin Laschet, et la chancelière allemande Angela Merkel saluent leurs partisans lors d'un rassemblement à Aix-la-Chapelle, le 25 septembre 2021.
Le leader de la CDU, Armin Laschet, et la chancelière allemande Angela Merkel saluent leurs partisans lors d'un rassemblement à Aix-la-Chapelle, le 25 septembre 2021.
©INA FASSBENDER / AFP

Elections allemandes

Le parti social-démocrate (SPD) d'Olaf Scholz a légèrement devancé les chrétiens-démocrates (CDU-CSU) d'Armin Laschet dans le cadre des élections en Allemagne, d'après des résultats provisoires annoncés ce lundi 27 septembre. Angela Merkel va quitter ses fonctions après quatre mandats et seize années au pouvoir.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Selon les dernières estimations de la chaîne publique allemande ZDF, le SPD est arrivé en tête des élections en Allemagne, avec 25,7 % des voix (contre 20,5 % en 2017), suivi par la CDU-CSU avec 24,6 % (32,9 % en 2017), les Verts avec 14,4 % (8,9 % en 2017), les libéraux avec 11,7 % (10,7 % en 2017) et l’AfD avec 10,7 % (contre 12,6 % en 2017). Les résultats sont donc très serrés et on ne devrait pas connaître le nom du prochain chancelier tout de suite. Quel type de coalition ces résultats présagent-ils ?

Edouard Husson : Traditionnellement, c'est le chef du parti arrivé en tête qui devient Chancelier. C'est par exemple ce qui avait empêché Gerhard Schröder de faire un troisième mandat, en 2005, quand il était arrivé, avec le SPD, un point derrière la CDU d'Angela Merkel. Aujourd'hui, le rapport de forces est inverse: le SPD est un point devant les chrétiens-démocrates. Cependant, il y a une différence par rapport à il y a seize ans: les deux grands partis sont à 25 points, là où ils obtenaient 35 % en 2005. Leur capacité à décider seuls - au besoin entre eux - est moins forte. Une seule certitude: il n'y aura plus de Grande Coalition, pour un moment: ce serait en effet une prolongation de l'ère Merkel, dont les Libéraux ne veulent pas.  

Deux prétendants chanceliers vont devoir gagner à leur cause les Verts et les Libéraux : cette situation est-elle inédite dans le paysage politique allemand ?

En effet, un des enseignements de l'élection, c'est la défaite claire de Die Linke, qui ne s'est sauvé que par trois mandats directs mais est en-dessous de la barre des 5%. L'Allemagne ne voulait pas d'une coalition de gauche composée des sociaux-démocrates, des Verts et de "Die Linke". D'autre part, l'AfD, le parti national-conservateur, confirme son implantation mais il n'arrive pas à percer à l'Ouest. C'est essentiellement un parti de l'ancienne RDA, avec un point de plus grande force en Saxe. Ce sont donc les Verts et le FDP qui vont décider entre eux du grand partenaire de coalition qu'ils choisissent. Le FDP de Christian Lindner aimerait mieux la CDU. Les Verts sont très partagés entre leur aile radicale, qui sans doute, se sentirait plus à l'aise avec le SPD, et les réalistes, qui se disent qu'il y aurait peut-être plus de marge de manoeuvre, paradoxalement, avec la CDU . Les Verts pèsent un peu plus que le FDP (14,8% et 118 sièges contre 11,5 % et 92 sièges). Cependant Christian Lindner a derrière lui un parti plus soudé que les Verts. Je pense que la question de savoir qui va devenir Chancelier reste ouverte à 50/50.  

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Après 16 ans de règne d'Angela Merkel, les deux grands partis voient leur score baisser brutalement, mais les résultats montrent que les voix ne se sont pour autant pas si éparpillées que cela puisque ces deux partis restent néanmoins en tête des suffrages. Comment expliquer ce phénomène ?

Les Allemands veulent sortir de l'immobilisme de l'ère Merkel. Et ils aspirent à trouver une personnalité qui soit à l'opposé d'Angela Merkel: qui travaille en équipe et fasse des choix. Laschet travaille en équipe mais il ne semble pas aussi compétent aux Allemands qu'Olaf Scholz. Ce dernier est à l'origine de la remontée du SPD, qui était à 15% dans les sondages il y a six mois ! Les chanceliers démocrates sont, en général, des personnalités qui font bouger les lignes: Brandt, Schmidt, Schröder. Cependant, il faut nuancer ce point de vue par l'observation que le vote suit la pyramide des âges. C'est une population plus âgée qui a voté aussi bien pour la CDU que pour le SPD. Alors que les Verts et le FDP font leurs meilleurs scores chez les électeurs les plus jeunes. 

Le grand perdant de la soirée est le parti d’extrême gauche Die Linke, dont le résultat est le plus mauvais depuis 2002, ses électeurs s'étant en grande partie reportés vers le SPD et les Verts. Pourquoi cette difficulté du parti à s'implanter en dehors de ses fiefs historiques (Berlin et Leipzig notamment) ?

D'abord, le parti a perdu une partie de son électorat populaire au profit de l'AfD. Sarah Wagenknecht, qui vient de l'Est et qui est mariée aujourd'hui à Oskar Lafontaine, avait suggéré que le parti défende les emplois allemands contre l'immigration imposée par Madame Merkel. Elle n'a pas été suivie et le résultat est que l'on voit aujourd'hui un renforcement de l'AfD dans l'ancienne RDA, là où Die Linke avait autrefois ses bastions. 

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