Cachez-moi ce halo que je ne saurais voir... Pourquoi la beauté nous fait perdre le sens commun<!-- --> | Atlantico.fr
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Des dizaines d'études prouvent que nous jugeons les personnes belles physiquement plus gentilles, plus honnêtes et plus intelligentes.
Des dizaines d'études prouvent que nous jugeons les personnes belles physiquement plus gentilles, plus honnêtes et plus intelligentes.
©Reuters

Bonnes feuilles

Notre cerveau n'est pas infaillible. Rolf Dobelli nous apprend à repérer et à déjouer les pièges de la pensée dans lesquels nous sommes tous susceptibles de tomber un jour ou l'autre. Extrait de "Arrêtez de vous tromper : les erreurs de jugement qu'il vaut mieux laisser aux autres..."

Rolf Dobelli

Rolf Dobelli

Né en 1966, Rolf Dobelli a soutenu une thèse d'économie d'entreprise à l'université de Saint-Gall, en Suisse, avant de devenir PDG de différentes filiales de Swissair dans le monde. Il est cofondateur de la société lucernoise getAbstract, leader dans le commerce en ligne d'ouvrages économiques abrégés.

Il a également fondé Zurich.Minds, une communauté internationale de personnalités éminentes issues du monde de l'économie, de la culture et de la science.

Il a collaboré, avec Nassim Nicholas Taleb, à la conception du best-seller mondial Le Cygne noir.

Rolf Dobelli est l'auteur d'Arrêtez de vous tromper! (Eyrolles), paru également sous la forme de chapitres au format électronique sur Atlantico éditions

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La société Cisco, basée dans la Silicon Valley, était la chouchoute de la Nouvelle économie. De l’avis des journalistes économiques, elle faisait tout bien : elle possédait la meilleure orientation client, une stratégie parfaite, une grande habileté dans les acquisitions, une structure d’entreprise unique et un PDG charismatique. Bref, en mars 2000 Cisco était l’entreprise la plus cotée au monde.

L’année suivante, lorsque l’action Cisco a perdu 80 % de sa valeur, les mêmes journalistes ont reproché tout le contraire à l’entreprise : une mauvaise orientation client, une stratégie peu claire, une maladresse dans les acquisitions, une structure d’entreprise défectueuse et un PDG incolore. Alors que ni la stratégie ni le PDG n’avaient changé. La demande s’était effondrée, mais cela n’avait rien à voir avec Cisco.

Pour en savoir plus sur vos erreurs au quotidien et les raisons de celles-ci, retrouvez chez Atlantico Editions : Pourquoi vous vous trompez tout le temps (et comment arrêter), Partie 3 : dans votre rapport à l'argent.

L’effet de halo signifie que nous nous laissons aveugler par un aspect à partir duquel nous élaborons une image globale. L’entreprise Cisco avait comme une auréole qui l’entourait, un éclat particulier qui émanait d’elle. Les journalistes se sont laissé éblouir par ses performances boursières et en ont déduit qu’elle possédait des qualités internes – qualités qu’ils ne sont jamais allés examiner de plus près.

L’effet de halo fonctionne toujours de la même manière : nous partons d’informations faciles à obtenir ou de faits particulièrement frappants, par exemple la situation financière d’une entreprise, pour en déduire des qualités plus difficiles à identifier, notamment l’efficacité du management ou l’intelligence d’une stratégie. C’est ainsi que nous avons tendance à juger de bonne qualité les produits d’un fabricant qui a bonne réputation, même s’il n’y a aucune raison objective à cela. Autre exemple : on suppose qu’un PDG qui réussit dans un secteur d’activité donné réussira dans tous les secteurs, voire dans sa vie privée.

Le psychologue Edward Lee Thorndike a découvert l’effet de halo il y a près d’un siècle. Une seule qualité d’un individu (par exemple sa beauté, son statut social ou son âge) produit une impression positive ou négative qui éclipse tout le reste et influence exagérément l’impression générale. La beauté est l’exemple qui a été le plus étudié. Des dizaines d’études ont prouvé que nous jugeons les personnes belles physiquement plus gentilles, plus honnêtes et plus intelligentes. Les individus d’apparence agréable font également carrière plus facilement, et cela n’a rien à voir avec le mythe (très féminin) de la « promotion canapé ». Cet effet se constate dès l’école où les enseignants ont tendance à donner inconsciemment de meilleures notes aux élèves qui possèdent un physique attrayant.

La publicité connaît bien l’effet de halo : vous voyez sourire des célébrités sur les panneaux d’affichage. Pourquoi un tennisman devrait-il être un expert en machines à café ? Rationnellement, c’est incompréhensible, et pourtant ça marche ! L’effet de halo est d’autant plus pervers qu’il demeure inconscient.

Et ses conséquences sont particulièrement délétères lorsque l’origine, le sexe ou la race d’un individu devient un signe caractéristique dominant qui éclipse toutes ses autres qualités. Nous parlons alors de stéréotypisation. Et pas besoin d’être raciste ou sexiste pour tomber dans son piège. L’effet de halo altère notre vue, tout comme il trouble l’esprit des journalistes, des enseignants et des consommateurs.

Toutefois, l’effet de halo a parfois des conséquences positives – du moins à court terme. Avez-vous déjà connu le coup de foudre ? Alors vous savez à quel point un halo peut rayonner d’un éclat aveuglant. L’individu que vous dévorez des yeux, que vous adorez plus que tout, vous semble la perfection : plus séduisant que tous les autres, plus intelligent, plus sympathique, plus chaleureux. Même si vos amis vous font remarquer certains gros défauts chez cette personne, vous les considérez comme des petites manies qui vous font sourire.

Conclusion : l’effet de halo nous empêche de voir les vraies qualités. Alors regardez la personne ou la chose de plus près. Mettez entre parenthèses sa caractéristique la plus marquante. Les grands orchestres procèdent ainsi lorsqu’ils recrutent. Ils font jouer les candidats derrière un écran, évitant ainsi de se laisser influencer par le sexe, la race ou l’apparence physique. Je conseille vivement aux journalistes économiques de ne pas juger une entreprise sur ses résultats trimestriels (la Bourse sait très bien le faire toute seule), mais de creuser plus profondément. Ce qu’ils vont trouver n’est pas toujours très beau. Mais souvent riche d’enseignements.

Pour en apprendre plus sur les biais cognitifs qui peuvent vous influencer, vous pouvez achetez Pourquoi vous vous trompez tout le temps (et comment arrêter) Partie 1 & Partie 2, sur Atlantico Editions.

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