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C’est établi, l’idéologie biaise nos perceptions de ce qui est sain ou pas en matière d’alimentation
©WILLIAM WEST / AFP

Pouvoir du marketing

Une étude publiée sur Social Science & Medicine, et menée par un chercheur français, revient sur les liens entre idéologie et consommation. Selon cette étude, il y a un lien entre appartenance politique et perception du risque alimentaire en fonction des messages marketing.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

Voir la bio »

Atlantico : Selon une étude publiée sur Social Science & Medicine (à lire ici), il y a un lien entre appartenance politique et perception du risque alimentaire en fonction des messages marketing. Par ailleurs d'autres études ont déjà montré que les choix d'alimentation sont fortement liés aux questions d'appartenance politique. Comment l'appartenance politique influence-t-elle la perception du risque alimentaire selon cette étude ?

Catherine Grangeard : Une appartenance politique repose sur des valeurs, et jamais une analyse de la réalité environnante n’est réalisée sans son interprétation. Or, toute interprétation est subjective !

Il est tout à fait compréhensible que dans le domaine de la perception d’un risque, par exemple alimentaire, l’idéologie politique ait des effets.

Le rapport à l’alimentation est donc imprégné de ce qui fait que le cœur penche à gauche, à droite, soit vert ou jaune…

Si vous êtes alerté politiquement à certains risques, par exemples, les perturbateurs endocriniens, il y a fort à parier que vous êtes moins dans l’économie ultra libérale que d’autres.

Les liens entre l’appartenance politique et la vision du monde n’auraient strictement aucun fondement s’ils ne se manifestaient pas ensuite concrètement !

Plus généralement, y a-t-il un biais politique dans nos comportements alimentaires ?

C’est donc clair que des biais sont introduits dans les actes, y compris nos comportements alimentaires. Vous le constatez, je réintroduis en permanence, ce rapport à l’alimentaire parmi d’autres comportements et perceptions. Parce que ce rapport à l’aliment fait partie d’un des domaines de l’existence, il n’existe pas hors-sol. Aussi, la perception comme les comportements reposent sur un rapport au monde, si vous voulez. C’est aussi par la façon dont on se situe politiquement que l’on agit et comprend les choses. Or les comportements sont une traduction dans le réel de la façon dont on a interprété des données, par exemple la présence des perturbateurs endocriniens dans l’exemple de la question précédente. Conclusion : OUI évidemment le biais politique se manifeste partout, dans nos divers comportements, dont les comportements alimentaires.

Quelles sont les causes psychologiques de ce type de biais ?

On a compris qu’une perception n’est jamais totalement extérieure à ce qu’est et ce que pense une personne. Une même perception sera interprétée différemment selon qui on est, pour de multiples raisons.

De très nombreuses causes psychologiques interviennent toujours et quels que soient les domaines de nos existences. C’est même une des bases de notre façon de nous situer dans la société. Souvent, on parle d’un héritage symbolique de notre milieu, familial et social. La reproduction, en quelque sorte…

Le biais politique n’est surprenant que lors d’une réflexion superficielle. Dès que l’on s’attarde un tant soit peu, c’est tout à fait logique car un positionnement (y compris politique) repose autant sur des critères subjectifs qu’objectifs.

Par ailleurs, la dissonance cognitive explique que lorsqu’une personne ressent une ambivalence interne, elle va s’arranger pour la résoudre, sinon c’est intenable. Le plus souvent, c’est par une sorte de « je sais bien mais quand même… ». C’est à dire ? La raison n’aura pas le dernier mot.

Les psychanalystes avancent que l’inconscient prend les commandes.

Il y a une attention de plus en plus importante dans la société aux risques sanitaires liées à l'alimentation. L'étude de Benjamin Boeuf accentue l'idée qu'il y a une détermination politique de la perception de ce risque. La perception du risque sanitaire est-elle dénuée d'objectivité ?

Dénuée ? pas tout à fait ; que toute perception soit accentuée ou diminuée selon un certain nombre de préalables, n’ayant absolument rien à voir avec le sujet, ça c’est sûr !

Comme les réponses aux questions précédentes l’ont abordé l’objectivité complète est illusoire. Ce que l’on nomme « réalité » est soumis à interprétation, donc se pare d’une dose de subjectivité. Même une étude scientifique sera introduite dans un contexte, humain. Dès lors, l’objectivité est mêlée à de la subjectivité.

Les choix et priorités sont subjectifs.

Les risques sanitaires et écologiques sont réels mais leur prise en compte est politique, subjective donc.

Ainsi, hiérarchiser les risques est une attitude individuelle et collective, permanente.

Dans toute prévention, nous avons à faire avec des messages qui pour être compréhensibles par une grande masse de personnes sont ainsi présentés. Ils s’adaptent, ils sont donc extrêmement subjectifs.

Qui choisit les priorités, en fonction de quels intérêts, voilà de nouvelles questions politiques à se poser !

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