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Boualem Sansal publie « Vivre Le compte à rebours » aux éditions Gallimard.
Boualem Sansal publie « Vivre Le compte à rebours » aux éditions Gallimard.
©Francesca Mantovani / DR / Gallimard

Atlantico Litterati

Boualem Sansal publie « Vivre Le compte à rebours » (Gallimard), une fable sardonique sur la fin du genre humain. Entre Joseph Conrad pour ce qui est des ténèbres de l’âme humaine, et George Orwell concernant le tableau d’une humanité courant à sa perte. Glaçant…

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est journaliste-écrivain et critique littéraire. Elle a publié onze romans et obtenu entre autres le Prix du Premier Roman et le prix Alfred Née de l’académie française (voir Google). Elle fonda et dirigea vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels Playboy-France, Pariscope et « F Magazine, » - mensuel féministe (racheté au groupe Servan-Schreiber par Daniel Filipacchi) qu’Annick Geille baptisa « Femme » et reformula, aux côtés de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos d'écrivains. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, AG dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », tout en rédigeant chaque mois pendant dix ans une chronique litt. pour le mensuel "Service Littéraire". Annick Geille remet depuis sept ans à Atlantico une chronique vouée à la littérature et à ceux qui la font : « Atlantico-Litterati ».

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Un écrivain voit tout et sait -presque- tout d’avance. L’autre nom de l’écrivain, c’est  souvent « le Voyant ». En effet si le romancier ne possède pas ce flair qui lui permet de ressentir ce que les autres ne perçoivent pas encore, il doit changer de métier. Le « Voyant » Boualem Sansal, donc, -écrivain- journaliste (contributeur d’Atlantico)-  rappelle avec son nouveau roman  « Vivre »- le compte à rebours ( Gallimard) la littérature de George Orwell  (auteur britannique (1903-1950) qui dénonça tous les totalitarismes ( en particulier le stalinisme).Son roman  « 1984 » (Le Livre de Poche)-est devenu un classique).

« La dictature peut s’installer sans bruit », disait Orwell dans « 1984 ».  « L'humanité est entrée dans un temps inversé dans lequel l'intelligence, les sciences et les arts se développent dans les mémoires vives des ordinateurs pendant que l'ignorance et la bêtise s'agitent pompeusement dans les cerveaux stériles des homme »déclare Boualem Sansal dans « Vivre ». Les Français sont soucieux, inquiets. La question que Boualem Sansal leur pose aujourd’hui est cruciale : comment préserver ce qui fait l’humain en chacun d’entre nous (et la liberté des peuples en général), alors que progresse en France un effondrement civilisationnel, et que prospère en France un Islamisme radical ? Et ce d’autant plus que la France est devenue le ventre mou de l’Europe, avec son immigration massive, incontrôlable, incontrôlée ; le gouffre civilisationnel se creuse chaque jour davantage entre les cultures disparates des arrivants et la nôtre, ce qui rend l’assimilationpratiquement impossible. Les Français font de moins en moins d’enfants et cela signe l’absence de bonheur de tout un peuple. Le pouvoir d’achat de tous diminue à vue d’œil, et nous découvrons ce scandale : les agriculteurs- dont nous sommes tous les enfants- ne touchent pas même ois le montant du Smic.L’antisémitisme prospère. Les hôpitaux n’en peuvent plus. Le niveau scolaire baisse partout,les adolescents ne lisent plus. Il existe une barbarie française.

L’islam radical est partout  ne cesse de répéter Boualem Sansal, avec un courage qui frise l’héroïsme et force l’admiration ( voir nos « Repères » ci-dessous) ; nous n'entendons pas -la surdité étantsouvent volontaire chez les perdants –Sourds, donc ignorants sur commande, nous autres français tels que nous voit Sansal sommes inconscients du danger que le Voyant perçoit. Ce pourquoi il a décidé de publier un second roman « d’alerte » (« 2984 » fut le premier, distinguépar le Grand Prix du Roman de l’Académie française  et le prix du « Meilleur Livre  2015 » décerné par le mensuel Lire : « « 2084 «fut voulu par son auteur comme un avertissement pour les sociétés occidentales et pour les démocraties laïques en général ;le livre se présente comme une dystopie dans la veine d'Orwell. La dictature religieuse qui est décrite s'appuie sur le mensonge, l'endoctrinement et la soumission d'un peuple auquel le droit de penserest même dénié  ( on pense au « Soumission » de Michel Houellebecq).«  Leslampes ne doivent jamais s’éteindre.La musique doit toujours continuer, De peur de savoir où nous sommes, Egarés dans un bois hanté,Enfants terrifiés dans le noir»,dit W.H.Audendans« Une bonne tasse de thé et autres textes » d’Orwell réunis par les éditions Rivages en ce mois de janvier 2024)

Dans « Vivre »que publie Boualem Sansal, la fin du monde est annoncée par de mystérieuses « entités ». Elle est prévue dans 780 jours.Comment faire, s’interrogePaolo-le narrateur de Sansal- pour écarter salauds,menteurs, trompeurs, hâbleurs et truqueurs de la sélection des humains qui seront sauvés à l’instant de cette fin du monde ? Fin du monde dont la perspective doit - par parenthèses- hanter les esprits de bon nombre de nos compatriotes car outre d’autres romans sur ce thème publiés cet hiver, il en est de plus en plus question un peu partout ces derniers temps ( Luc Ferry par exempletout à l’heure sur LCI,dans l’une de ses meilleures conversations avec DANIEL COHN-BENDIT, très bon lui aussi). « Les puissants, les mafieux, les politiques et religieux de toutes obédiencespourront-ils s’en tirer ? » s’interroge Paolo ( le narrateur de Sansal.)Les « Appelés » parviendront-ils à empêcher cette lie de l'humanité de monter, le jour venu, à bord de l'immense vaisseau spatial qui viendra chercher les Justes afin de leur épargner la désintégration ?(« Après quelques journées d’intenses débats, nous sommes parvenus à la conclusion que notre mission consisterait en première étape àseulement ceci :désigner ceux qui seraient sauvés, et, par symétrie ceux qui ne le seraient pas ». ( Boualem Sansal / « Vivre » (Gallimard) page 68)

«2023, au bord du précipice ? s’interrogeait  récemment  dans « Le Monde » Gaïdz Minassian, proposant un panorama de l’année écoulée, marquée notamment par le retour de la guerre à Gaza, la montée des populismes et des crises environnementales toujours plus  catastrophiques et à répétition, avec toutes ces crises politiques en France. L’agenda s’alourdit et une inquiétude générale monte parmi les populations, témoins d’un monde s’approchant du précipice ». (CF. «  Le Bilan du Monde/ édition 2024 ») « Ce climat d’anxiété gagne la société française, avec la réforme des ­retraites en hiver, le pic d’inflation au printemps, les émeutes estivales, et l’impact du conflit israélo-palestinien ou encore l’adoption du projet de loi relatif à l’immigration, à l’automne. 2023 étant en outre considérée comme l’année la plus chaude de l’histoire. Cette conjonction des crises perturbe les esprits, -, entraînant une forme de défiance, voire d’intolérance entre l’Occident et le reste du monde, et entre gouvernants et gouvernés. Par sa complexité, le monde devient illisible ».

On retrouve avec d’autant plus de plaisir la verve sardonique et tellement moqueuse de Boualem Sansal. Un tour de force d’autant plus appréciable que « Vivre-le compte à rebours », se présente d’abord comme un conte philosophique pessimiste ; la fin de cette fiction dramatique et ricanante explose telle une toile apocalytique du peintre britannique John Martin (1789-1854) :  « le compte-à-rebours » en sa fin semble une hallucination graphique. Une vision onirique de peintre hyperréaliste. Cette fin hallucinée fait un clin d’oeil au lecteur sonné comme pour le guérir de l’époque, avec ses heurts, tristesses et malheurs. Il y a des livres qui endorment et d’autres qui réveillent :« Vivre » fait partie de la seconde catégorie. Ce roman grave parvient à nous donner du courage en nous faisant peur. En rédigeant cette fable onirique, Boualem Sansal poursuit et accentue sondiscours prophétique concernant les dangers qui guettent la France, et plus généralement -l’Occident . « Et la vision arriva. De la lumière ! Une lumière inconnue pleine de musique et de fraîcheur ! Quelle merveille ! Vérité des Vérités, tout est Vérité !L’Ecclésiaste avait manqué de foi en disant que tout était vanité, il acondamné lavie,la sapience et l’espoir pour des millions d’hommes et de femmes pour des milliers d’années. (…)Bon sang, j’étais un vrai appelé ! Et un Appelé confirmé en vaut deux. J’ai senti une petite chaleur derrière les oreilles et j’ai entendu : « Bienvenue Paolo ! La réception était parfaite, pas de flou, pas d’écho, pas de chats dans la gorge. La bulle de lumière m’a enveloppé et aussitôt s’est élancée dans la nuit à je ne sais combien de fois la vitesse de la lumière.Des équations compliquées se sont imprimées dans mon cerveau. C’était du charabia. Il restait à les traduire. Mes connaissances d’agrégé de mathématiques me parurent soudain horriblement insuffisantes, elles devraient faire un bond en avant de plusieurs milliards de kilomètres et je n’étais pas même arrivé sur la ligne de départ.

Me voilà dans le champ télépathique de l’Entité. » (/Vivre/Gallimard/Page 184).

Boualem Sansal utilise son humour par courtoisie pour nous faire oublier la gravité de son propos. Disons qu’il atténue avec grâce le choc provoqué par sa littérature. On applaudit.

Annick GEILLE

Repères / Boualem Sansal ( sources Wikipedia)

le 15octobre1949 à Theniet El Had, petit village des monts de l’Ouarsenis, Boualem Sansal est un écrivainalgérien d'expression française. Censuré en Algérie pour sa position très critique envers le pouvoir, il publie ses ouvrages  en France ou en Allemagne. Boualem Sansal a  bénéficié d’une formation d'ingénieur de l'École nationale polytechnique d'Alger  et s’est vu attribué -avant de se consacrer à l’écriture-’un doctorat d'économie.Il a été enseignantconsultantchef d'entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie algérien.Il a été  limogé en 2003 pour ses prises de position critiques contre le pouvoir en place- et particulièrement l'arabisation de l'enseignement2.

-Bibliographie

Romans

Le Serment des barbares, éd. Gallimard, « Folio » no 3507 – prix du Premier Roman 1999,  : L'Enfant fou de l'arbre creux, éd. Gallimard, « Folio » 2003 : Dis-moi le paradis, éd. Gallimard,2005 : Harraga, éd. Gallimard, « Folio » : Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller, éd. Gallimard – grand prix RTL-Lire 2008, grand prix de la francophonie 2008, prix Nessim-Habif (Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique), prix Louis-Guilloux2.2011 : Rue Darwin, éd. Gallimard – prix du Roman-News 2012302015 : 2084 : la fin du monde, éd. Gallimard – Grand prix du roman de l'Académie française2015 : Le Train d'Erlingen ou la Métamorphose de Dieu, éd. Gallimard, 31,322020 : Abraham ou La Cinquième alliance, éd. Gallimard,

2024Vivre : le compte à rebours, éd. Gallimard (2024).

« Le lendemain, dans la cuisine, alors que je prenais un café pensif, j’ai dans un geste réflexe saisi mon feutre rouge, et écrit sur le frigo : J-780. Puis j’ai rectifié,J -779, puisqu’un jour était passé. J’ai eu un pincement au cœur. S’il y avait du vrai dans cet impossible scenario, on se rapprocherait de quoi ? Que va-T-il se passer dans sept-cent soixante-dix neuf jours ? Que va-t-il nous arriver ? Depuis, chaque matin, j’actualise le compte à rebours et je me pose les mêmes questions et je nourris de sourdes angoisses plus compliquées d’un jour à l’autre. » (P.17 « Vivre, Boualem Sansal)

Copyright Boualem Sansal / « Vivre Le compte à rebours » (Gallimard) 240 pages / 19 euros / Toutes Librairies et « La Boutique ».


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