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Facebook et Instagram vont proposer une offre premium payante.
Facebook et Instagram vont proposer une offre premium payante.
©DENIS CHARLET / AFP

Révolution

Sous la pression des autorités européennes, Meta envisage de proposer un abonnement payant aux utilisateurs de Facebook et Instagram pour une offre premium.

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin

Fabrice Epelboin est enseignant à Sciences Po et cofondateur de Yogosha, une startup à la croisée de la sécurité informatique et de l'économie collaborative.

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Atlantico : Après Twitter, les réseaux sociaux Meta (Facebook - Instagram) et Snapchat vont proposer une offre premium et un abonnement payant pour les utilisateurs. Pourquoi assistons-nous à une telle bascule des réseaux sociaux vers un format payant ?

Fabrice Epelboin : Twitter a déjà franchi cette étape. Il s’agit en réalité d’une adaptation à la législation. C’est aussi pour cela qu’il n’y a plus d’extraits qui accompagnent les liens qui sont postés sur Twitter, sur X. Cela a permis de s’adapter à la directive copyright de 2019 qui a imposé une rémunération de la presse du fait de ces extraits. Cela va aussi apparaître sur Meta.

Ces réseaux sociaux vont donc proposer une offre premium qui sera payante. Les réseaux sociaux resteront gratuits mais ils vont proposer une formule payante en contrepartie de moins de publicités ou de publicités qui ne seront plus ciblées. Cette offre premium est une réaction au Digital Services Act (DSA) qui va engendrer des coûts de modération très conséquents pour les plateformes. Les réseaux sociaux vont donc avoir besoin de sources de revenus pour financer cette modération. L’offre premium est donc la solution.

Les utilisateurs des réseaux sociaux ne vont-ils pas se retrouver floués ? Y a-t-il un réel intérêt derrière ces offres payantes pour les internautes ?

Pour Meta avec cette offre, Facebook ne devrait pas vous cibler sur le plan publicitaire.  Le réseau social de Mark Zuckerberg devrait moins aspirer vos données. Le cœur du modèle économique est pourtant de récupérer un maximum de données personnelles sur les utilisateurs pour cibler la publicité de façon la plus efficace possible.

Facebook a donc décidé de faire un effort envers les utilisateurs sur ce domaine du respect des données personnelles via l’offre premium. Des fonctionnalités particulières seront aussi réservées aux membres payants comme sur Twitter. 

Le réseau social de Elon Musk, rebaptisé X, propose moins de publicités et de nombreuses fonctionnalités aux membres premium. Il est possible de publier des vidéos en haute définition. Votre visibilité est renforcée. Il est aussi possible de classer ses signets dans des dossiers spécifiques. Cela permet d’être plus efficace dans son utilisation du réseau social.

Cette évolution des réseaux sociaux payants, via une offre premium, représente-t-elle une réelle révolution ? L’utilisateur des réseaux sociaux ne va-t-il pas devenir le client et le produit avec cette offre payante ?

Les utilisateurs vont faire le choix de l’offre premium pour ne pas être ciblés publicitairement. Est-ce que pour autant les réseaux sociaux vont cesser de récolter une multitude de données personnelles ? Cela est moins évident.

Mais il y a bien une réelle évolution. L’utilisateur, qui était le produit, se faisait aspirer ses données personnelles et était ensuite mieux ciblé par les annonceurs et les réseaux sociaux, laissant libre cours à un certain nombre de dérives. Dorénavant, en souscrivant à l’offre premium, l’utilisateur aura accès à un certain nombre de services et de choix, sans se faire aspirer ses données personnelles. Un véritable service sera rendu par les réseaux sociaux en échange de la somme d’argent. 

Cela pourrait-il avoir un effet vertueux ? Cette offre payante ne va-t-elle pas forcer les réseaux sociaux à être plus responsables ?

L’effet vertueux est plutôt lié à la loi et à la législation qui vont encadrer les actions et les pratiques des réseaux sociaux. Les offres premium sont les conséquences de la législation. Le DSA a des bons côtés mais peut aussi s’avérer effrayant. La loi sur le numérique, qui est à l’étude au niveau européen, a des aspects assez alarmants concernant la liberté d’expression.

Les réseaux sociaux étaient-ils réellement dans l’obligation de passer à cette offre premium au regard de la multiplication des normes ? Etait-ce la seule solution pour eux pour contourner les restrictions ?

L’idée pour les réseaux sociaux, via cette offre payante, est d’augmenter le chiffre d’affaires afin d’avoir les moyens de payer la modération.

La législation est plutôt contournée sur Twitter, via les liens partagés. Les titres des articles de presse partagés n’apparaissent plus. Ce titre, en vertu des copyrights, aurait dû donner lieu à une rémunération des titres de presse.

Dans la mesure où cela déséquilibre fondamentalement le modèle économique des plateformes, elles vont toutes être tentées de proposer une offre premium.

Les utilisateurs qui feront le choix de conserver un compte gratuit et qui ne voudront pas payer pour cette offre premium seront-ils lésés ? N’y aura-t-il pas des décalages et des inégalités entre les utilisateurs qui payent et ceux qui ne payent pas ?

Il va y avoir une forme d’inégalité entre ceux qui payent et qui ne payent pas effectivement. C’est déjà le cas sur Twitter. Un utilisateur avec l’offre premium a beaucoup plus de visibilité qu’un utilisateur gratuit. Il a également accès à des fonctionnalités qui ne sont pas ouvertes aux utilisateurs gratuits. Il peut télécharger des vidéos en HD et dans des conditions optimales. La possibilité de diffuser du contenu en direct en vidéo sera possible pour les utilisateurs payants. Twitter propose très régulièrement des fonctionnalités pour les détenteurs de comptes premium.

Ces offres payantes des réseaux sociaux peuvent-elles permettre à des groupes comme Meta de financer leurs grands projets comme le Metavers et de participer aux progrès technologiques et à l’innovation ?

Twitter a clairement montré que la formule premium était un échec. Cela ne va pas fondamentalement changer le bilan de fin d’année. Il n’y a aucune raison d’imaginer qu’il en soit autrement pour Facebook.

De nombreux utilisateurs des réseaux sociaux vont souscrire à l’offre premium car ils ont une utilisation professionnelle de ces réseaux. Cela représente une infime partie des utilisateurs.

Ces systèmes sont gratuits depuis 15 ans. Les internautes sont habitués à la gratuité des réseaux sociaux.

Ce problème se pose également pour la presse et les médias. La presse s’est aussi enfermée dans son modèle et dans sa dépendance avec la publicité. La presse survit notamment grâce aux subventions publiques et aux donateurs.

Dans le cadre de cette course des réseaux sociaux aux offres premium et payantes, y a-t-il déjà un grand gagnant entre Meta, Twitter, TikTok… ?

TikTok et Facebook-Instagram sont dans une rivalité par rapport aux usages. Twitter n’a pas la même dimension et est plus modeste par rapport à TikTok et Facebook. Twitter est utilisé par une grande majorité d’utilisateurs comme une source d’informations. Cela n’est pas le cas pour TikTok. Twitter est en guerre mais plutôt contre les médias et les journalistes. En revanche, Facebook n’est pas en guerre contre les journalistes. Facebook est en guerre contre TikTok. Ces guerres sont totalement différentes et reposent sur des enjeux variés. Et les dynamiques ne sont pas les mêmes.

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