Bernard Bonne : "Le Covid nous a montré à quel point il était important de permettre le maintien à domicile des personnes âgées"<!-- --> | Atlantico.fr
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La pensionnaire d'un Ehpad, le 30 mars 2021.
La pensionnaire d'un Ehpad, le 30 mars 2021.
©LOIC VENANCE / AFP

Que faisons-nous de nos Ehpad ?

Dans un rapport d’information au Sénat remis en mars, le sénateur de la Loire Bernard Bonne plaide pour une stratégie nationale ambitieuse visant à prévenir la perte d’autonomie des personnes âgées.

Bernard Bonne

Bernard Bonne

Bernard Bonne est sénateur (Les Républicains) de la Loire.

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Atlantico : Une nouvelle loi sur le grand âge devrait être présentée à l’automne. Elle prévoirait 1,5 milliard d'euros pour les aides à domicile et 1,4 milliard d'euros pour les Ehpad. Soutenez-vous ce projet ?

Bernard Bonne : Pour le moment, nous n’en avons que vaguement parlé avec Brigitte Bourguignon. Tout d’abord, je pense qu’il n’est pas certain que la loi Grand âge puisse sortir aussi rapidement. L’actualité législative risque de nous coincer au niveau du temps. Adrien Taquet m’a laissé entendre que la réforme sur la protection de l’enfance pourrait arriver en juillet à l’Assemblée et en septembre au Sénat. Le Plan de loi de financement de la Sécurité sociale arrivera en novembre, donc je ne sais pas quand la loi Grand âge pourra se placer.

Admettons qu’elle arrive avant la fin de l’année comme l’espère la ministre. Il est annoncé que nous aurons 2,5 milliards en plus, ce qui est une bonne chose, mais ce n’est qu’un début et il faudrait beaucoup plus de moyens pour répondre aux différents besoin. Je pense toutefois que concernant l’aide à domicile, il ne faudra pas se contenter uniquement de répondre au problème du salaire. C’est une question importante mais il faut aussi revoir l’ensemble de la profession pour que l’attractivité soit plus importante avec des personnels mieux formés, bien mieux payés et en nombre bien plus important. Cela permettrait aussi de faire beaucoup plus de prévention et de maintien à domicile et de limiter l’institutionnalisation.

Dans notre dernier rapport, nous expliquions que nous pourrions éviter un nombre énorme d’entrées en institution et donc faire des économies substantielles. Nous aimerions nous positionner assez fortement dans ce domaine de la prévention. Après avoir écrit notre rapport, nous avons rencontré la ministre à sa demande qui trouvait nos propositions intéressantes et comptait s’en servir dans le cadre de la loi Grand âge. Même si toutes ne seraient pas mises en place immédiatement, on pourrait activer ce domaine de la prévention.

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Eviter le placement en institution est une chose, mais dans les Ehpad, la crise l’a montré, il y a de nombreux dysfonctionnements, parfois mêmes graves. Un résident est mort attaché à Mazamet car positif au Covid. Comment agir face à cela et comment expliquer que ces problèmes persistent depuis des années et qu’on en parle si peu ?

Effectivement il y a eu beaucoup de dysfonctionnements à tous les niveaux. La crise de la Covid a montré que dans beaucoup d’Ehpad, les problèmes vis-à-vis des personnes âgées ont souvent été difficiles à supporter. Des personnes âgées ont été empêchées de voir leurs familles, ces dernières d’accompagner leurs proches dans les derniers instants. Cela a été très traumatisants pour certains et différent selon les Ehpad. Je pense qu’il faut revoir la gouvernance générale du grand âge, sur le parcours des personnes âgées et notamment pour le fonctionnement des Ehpad. Dans le département dans lequel j’ai été président pendant des années, des contrôles inopinés dans les établissements permettaient de voir ce qui fonctionnait mal. Mais la plupart des dysfonctionnements n’étaient pas liés à de la mauvaise volonté ou de l’incompétence, mais au manque de moyens et notamment de personnel. Nous préconisons dans notre rapport de ne plus construire d’Ehpad mais d’améliorer ceux qui existent. Il faut une remise en état immobilière mais surtout une dotation plus importante du personnel et une amélioration notable en ce qui concerne la restauration. Dans la plupart des Ehpad, les repas ne sont pas le moment agréable qui devrait normalement être l’un des plus grands plaisirs de ces personnes.

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Dans votre rapport d’information "Bien vieillir chez soi", redigé avec la sénatrice de la Loire-Atlantique Michelle Meunier, vous soulignez avec des mots relativement durs : « une politique publique introuvable », « trop peu ambitieuse et trop peu structurée », comment expliquer ce constat et que la situation ne s’améliore pas?

Effectivement, Il y a beaucoup de différence entre les différents Ehpad. La gouvernance n’est pas assez fluide notamment sur la tarification : l’ARS, les départements et les résidents sont les trois financeurs mais ils ne se rencontrent pas et ne se concertent pas assez ensemble. Une simplification serait bienvenue. Il n’existe pas non plus suffisamment de coordination pour le parcours de la personne âgée. On pourrait faciliter les expérimentations et les regroupements de secteurs d’activité pour qu’ils puissent travailler ensemble.

Il y a eu, entre autres, le plan Solidarité grand âge de 2006, plan Bien vieillir 2007-2009, plan national d'action de la prévention de la perte d'autonomie de 2015, etc. et les choses n’évoluent pas suffisamment. Est-ce un manque de volonté politique ?

La volonté politique existe réellement. Tout le monde en parle mais personne ne trouve les moyens pour y parvenir. Tous les acteurs, du gouvernement aux territoires, souhaitent régler le problème mais comme il n’y a pas de moyens supplémentaires et que personne ne veut augmenter ou faciliter des recettes supplémentaires, on n’y arrive pas. Toutes les mesures qu’on devrait prendre sont bien connues : l’ensemble des fédérations de directeurs, de personnels, les rapports Libault, Broussy, Piveteau, El Khomry mettent ces mesures en avant, mais il y a réellement un manque de moyens. Comme ces métiers restent peu attractifs et que le personnel manque, soit par absentéisme soit par manque de moyen, ça ne peut pas marcher, même avec la meilleure volonté du monde. D’où l’intérêt d’éviter au maximum que ces personnes rentrent en Ehpad. Le problème est qu’aujourd’hui, un directeur qui veut tenir ses budgets est obligé d’avoir un taux de remplissage de presque 95%. Il a donc intérêt à remplir absolument, qu’il y ait du personnel ou pas. Et les conditions se dégradent automatiquement. On ne peut pas reprocher aux établissements un dysfonctionnement dans la mesure ou les moyens sont trop restreints.

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Mais que se passe-t-il dans les Ehpad ?

Vous évoquiez le remplissage des Ehpad, la crise sanitaire, a malheureusement entrainé des décès et donc de la vacance. N’est-ce pas néanmoins une opportunité pour réformer les Ehpad en profondeur ?

Ce serait effectivement le bon moment pour essayer de réformer mais le temps que les lois évoluent que la décision soient prises, la crise du Covid sera pratiquement passée. Les directeurs auront une liste d’attente énorme et souhaiteront remplir leurs lits vides, il sera donc trop tard. Il aurait fallu pendant cette crise réfléchir à la réforme et notamment aux problèmes éthiques qui sont apparus. On aurait pu réagir plus rapidement car il est malheureux que dans certains établissements des familles aient pu souffrir de ce manque de relation. Dans certains établissements les résidents sont restés plusieurs mois sans voir leurs proches et plusieurs sont décédés sans avoir eu un accompagnement digne. Il est insupportable de n’avoir pas pu réagir plus vite pour régler ces dysfonctionnements.

Vous préconisez le maintien à domicile plutôt que le départ en Ehpad, comment mettre en place ce bien vieillir chez soi ?

Par les services à domicile. Il faut mettre des moyens supplémentaires, qui auront certainement un coût plus important lors de la mise en place, mais qui permettraient rapidement d’éviter toute institutionnalisation et donc des coûts plus importants. Le coût d’une personne âgée à domicile est certes important mais ne sera jamais équivalent à celui d’une personne en établissement et surtout, son choix sera toujours de rester le plus possible à domicile. C’est pour cela qu’il faut plus de personnel et les revaloriser suffisamment. Les prochains plans devraient axer leurs efforts sur le maintien à domicile ou dans des résidences autonomie. Personne n’a envie d’aller en Ehpad.

Le sujet est-il suffisamment porteur électoralement pour faire des changements ?

Malheureusement, il est souvent porteur au départ mais rarement suivi d’effets. J’ai été de 1992 à 2008 vice-président chargé des affaires sociales dans la Loire, puis président pendant 10 ans et en arrivant au Sénat j’ai été chargé du médico-social. Je trouve qu’il y a une évolution qui s’est faite mais qui est encore insuffisante et je ne comprends pas qu’on n’ait pas la volonté de mettre en place les moyens indispensables pour les personnes âgées comme on l’a fait dans bien d’autres domaines. Il faudrait qu’on arrive à accepter cet effort supplémentaire.

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