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BCE : Christine Lagarde engage le match contre la déflation
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

Atlantico Business

Christine Lagarde, officiellement présidente de la BCE depuis le 1er novembre, va découvrir ce matin à Francfort, la tâche qui va être la sienne : écarter le risque de stagnation.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En arrivant ce matin à son bureau de Francfort, Christine Lagarde sait qu’on attend beaucoup plus son talent et son habileté politique que son expertise technique et monétaire.

Christine Lagarde a hérité d’une situation assez compliquée à résoudre. Mario Draghi lui a laissé une zone Euro en risque de stagnation, une politique monétaire laxiste qui parait incontournable mais qui est de plus en plus contestée par les représentants d’Europe du Nord. Ça ressemble à la quadrature du cercle.

1er point, l’économie de la zone Euro s’est nettement ralentie depuis l’été dernier et l’horizon s’est obscurci. Christine Lagarde le sait. La dernière assemblée annuelle du FMI qu’elle dirigeait encore s’est ouverte en octobre dernier sur une révision à la baisse des prévisions de la croissance mondiale de l’économie mondiale. Pour le FMI, le monde terminera l’année 2019 à 3 % de croissance mondiale, c’est à dire à un taux qui s’avère le plus bas depuis la crise financière. L’Europe prend évidemment sa part dans un ralentissement imputable aux incertitudes géopolitiques ( Moyen-Orient principalement ) et durcissement des rapports commerciaux lié aux risques de la guerre commerciale entre les USA et la Chine et aux risques du Brexit.

La crise de 2008 qui aurait dû provoquer un élan de solidarité internationale a généré des tentations protectionnistes qui ont hypothéqué la possibilité d’une reprise durable.

2e point, dans cette conjoncture incertaine, les banquiers centraux ont maintenu des politiques monétaires non conventionnelles qui permettent l’injection massive de liquidités pour éviter que les systèmes économiques ne s’asphyxient et pour éviter le risque de contraction ou de blocage de l’activité économique mondiale comme en 2008- 2009. Cette politique monétaire revient à faciliter les rachats d’actifs aux banques qui peuvent en contrepartie émettre des crédits de fonctionnement ou d’investissement avec une pratique de taux d’intérêt très bas, taux courts comme taux longs. Cette politique continue d’être appliquée généreusement par la Réserve fédérale, la banque d’Angleterre, la banque du Japon et évidemment la Banque centrale européenne.

Mario Draghi a, au moment de son départ, confirme qu'il fallait poursuivre cette politique pour soutenir l’activité et protéger la zone euro des effets du retournement mondial.

3e point, et c’est là où le travail de Mme Lagarde va être un peu délicat, cette politique monétaire qu‘elle approuve évidemment sur le plan théorique suscite désormais beaucoup de critiques à l'intérieur même de la zone Euro et jusqu’au conseil de la BCE.

Christine Lagarde a expliqué longuement qu'il fallait sans doute profiter de cette conjoncture monétaire pour investir dans la transformation structurelle des économies, dans la préparation de la transition écologique, et dans le renforcement des structures bancaires, sans parler bien sûr de la nécessité de redresser la gestion des budgets d’État qui sont pour la plupart beaucoup trop endettés.

Cela dit, Christine Lagarde a beau justifier le statu quo et l’action de Mario Draghi par des arguments qui tiennent la route dans un colloque d’experts, elle se retrouve confrontée aux contraintes politiques qui s’exercent sur les marchés et dans les différents pays membres de la zone Euro.

D’abord , il est évident que les politiques accommodantes (rachats d’actifs, taux bas et injections de liquidités) sont désormais confrontées à l'hostilité de ceux qui considèrent que ces pratiques ont alimenté des déficits budgétaires qui vont se révéler extrêmement dangereux. Parmi les opposants à la politique de la BCE, on trouve principalement les Allemands et la plupart des pays du Nord de l’Europe : le gouverneur de la Bundesbank, Jens Weidmann comme celui de la Banque des Pays-Bas qui expliquent que cette politique monétaire revient à organiser un financement monétaire des déficits publics ce qui est interdit par les traités, mais aussi et c’est assez nouveau deux Français : François Villeroy de Galhay, gouverneur de la Banque de France et Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE sous la présidence Draghi.

Ensuite, beaucoup d’observateurs soulignent la fragilité et même la vulnérabilité des banques ou des sociétés d’assurance-épargne provoquée par la généralisation des taux bas. Le système bancaire ne trouve plus la rentabilité dans son activité de base qui est le commerce de l'argent. Les banques ont tendance à limiter leur activité de crédit à des opérations qui offrent des garanties en actif, dont principalement l’immobilier avec le risque de constituer une bulle. Il y a donc un risque de fragilisation des banques.

Enfin, la scène monétaire offre aussi des opposants qui considèrent que l’argent facile exonère les Etats à faire des efforts de réformes des dépenses publiques. Le plus curieux dans cette affaire est de retrouver dans ce camp-là les représentants de la France. Alors que l’Etat français a usé et abusé du déficit. Ce qui est vrai, c’est qu’un Etat qui s’endette s’enrichit. La France a fait 5 milliards d’économie sur les charges de la dette grâce à l’abaissement des taux.

Mais ce qui est vrai aussi, c’est que le stock de dettes grossit et personne ne sait ce qui peut se passer si les taux se retournent et il faudra bien que les taux reviennent à des niveaux plus positifs.

Christine Lagarde va donc être confrontée à tous ces défis, redressement progressif des taux, sécurisation des banques, encouragement à des investissements économiques et surveillance des bulles ( immobilières ou financières ).

Le problème était principalement technique avec Mario Draghi. Il sera principalement politique pour Christine Lagarde qui va devoir convaincre les États membres de la zone euro que la responsabilité de l'équilibre et du redressement incombe à deux choses : l’effort national que chacun peut faire et la coordination des politiques économiques entre les Etats membres. Christine Lagarde n‘a pas encore osé parler de mutualisation (le mot est encore tabou en Europe) mais une fois le Brexit terminé, il faudra bien en parler.

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