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Les bandes, un phénomène
plus spectaculaire que dangereux
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Peur sur la ville

Claude Guéant a proposé ce vendredi la création d'une mission interministérielle pour lutter contre les bandes. On en compterait 313 en France, selon des sources policières. Mais faut-il vraiment en avoir peur ?

Michel Marcus

Michel Marcus

Délégué Général France du Forum Français pour la sécurité urbaine.

Magistrat honoraire et expert en sécurité urbaine.

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Atlantico : Claude Guéant a proposé ce vendredi la création d'une mission interministérielle pour lutter contre les bandes. La sous-direction de l’information générale de la police indique qu'il y en aurait 313 en France. Des chiffres qui changent de manière étonnante d’une année sur l’autre : 281 en 2003, 435 en 2005, 618 en 2008. Comment l'expliquer ?

Michel Marcus : En réalité, personne n’a de chiffres sur ces phénomènes de bande. Quantitativement, il reste difficile à évaluer. Les bandes dont nous parlons sont provisoires. Rien à voir par exemple avec les gangs américains qui bénéficient d’une véritable pérennité avec, parfois, jusque 40 ans d’ancienneté. En France, elles tiennent un an, deux ans, puis disparaissent sans qu’il soit possible de faire des études sur la durée. Les études et les statistiques qui sont publiés découlent de faits particuliers à La Défense, à Stains ou autre. De là, on extrapole et on déduit la physionomie de ces groupes. Rien de sérieux scientifiquement.

Le phénomène des bandes, sans être marginal, ne menace pas la sécurité collective. Leur activité est finalement surtout cantonnée au trafic de drogue. Les bandes pratiquent peu les agressions, les attaques de magasins ou les cambriolages. Leur activité criminelle est très peu diversifiée.

C’est un phénomène qui a un côté spectaculaire. Il est toujours impressionnant d’imaginer deux groupes d’une vingtaine de jeunes qui se rencontrent pour se taper dessus à coups de barre de fer. Cela fait réfléchir. Mais on oublie de dire que c’est tellement rare que ce phénomène n’est pas si inquiétant que ça. Ces dernières années, il s’est incrusté dans le paysage. Les bandes ne sont pas les mêmes mais se renouvellent.

D’ailleurs, si la situation était si grave, je fais parfaitement confiance à Monsieur Guéant : il aurait développé des brigades spécialisées. Les policiers sont les premiers à dire que ça ne médite pas un traitement spécialisé.

Encore une fois, si l’on compare la situation aux gangs que l’on peut trouver dans d’autres pays, c’est très différent. Il n’y a pas la diversification et l’organisation de l’activité criminelle de ce type de groupes.

La police a-t-elle des solutions pour maîtriser ces bandes ?

La principale action policière contre les bandes consiste à réduire leur présence et leur visibilité dans l’espace public. Dans les cages d’escaliers, dans les immeubles ou les parkings : les policiers tâchent de limiter l’occupation intempestive de ces lieux. Cela se fait par des déstabilisations, des contrôles d’identité. C'est une action plus ou moins ordonnée qui ne fonctionne pas réellement : c’est un peu le jeu du chat et de la souris.

Cette stratégie policière, malheureusement, n’est pas accompagnée d’une action plus longue et plus globalisée pour détacher les jeunes de ce type d’activité. Plus que par manque de moyens, c’est par manque de méthode que la situation stagne. La police n’est pas la seule à devoir être impliquée. Il faut faire intervenir plusieurs corps professionnels : il y a un vrai besoin de travailleurs sociaux originaires de formations différentes. Coordonner ce type de moyens n’est pas évident. Tout le monde veut coordonner mais pas être coordonné par les autres. Dans ce domaine, la police ne joue finalement qu’un rôle secondaire.

Les familles et les parents doivent être responsabilisés. Ces bandes sont devenues un passage quasi normal pour certains jeunes. C’est un moyen de se socialiser. Si l’on observe bien, ils ne consacrent pas l’intégralité de leur temps à cette activité. Ils peuvent aussi bien appartenir à une bande tout en allant au collège à côté. Rien à voir avec une professionnalisation de la délinquance. Les quelques études que nous avons montrent d’ailleurs qu’ils finissent par en sortir d’eux même : la pression familiale, une petite amie ou l’entrée dans un petit boulot semblent plus efficaces qu’une action judiciaire ou policière.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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