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Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Alexis Kohler lors d'une cérémonie à l'Elysée.
Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et Alexis Kohler lors d'une cérémonie à l'Elysée.
©Christophe PETIT TESSON / POOL / AFP

Procédure du 49.3

Même si la « scène » s’est déroulée à l’Assemblée Nationale dans l’après-midi, c’est à l’Elysée que la décision « d’appuyer sur le bouton du 49.3 » a été prise à la mi-journée de jeudi. Une précipitation qui a fait suite au constat que « le compte pour obtenir une majorité était trop incertain pour prendre le risque » d’un échec, c’est-à-dire d’un vote négatif.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Au moment où Emmanuel Macron a pris la décision d’enclencher cette procédure, a-t-il mesuré les conséquences de cette décision ? Car le chef de l’Etat a fait craquer une allumette qui a provoqué un embrasement dans l’hémicycle, puis dans la rue avec des scènes de chaos dans la capitale et dans plusieurs grandes villes dont Marseille, Nantes, Rennes, Dijon… Et aujourd’hui, la question qui se pose est : jusqu’où tout cela ira-t-il ? S’agit-il d’un feu de paille ou du début d’un mouvement social comparable à l’épisode des Gilets jaunes ?

Il apparaît clairement que la Première ministre, qui, deux jours plus tôt affirmait qu’il « existe une majorité pour voter cette réforme », est terriblement fragilisée puisqu’elle n’a pas réussi à donner forme à cette majorité d’idées. Hier, elle dû constater que « nos adversaires politiques (ndlr : les Républicains), qui s’étaient pourtant engagés sur la réforme » n’étaient pas au rendez-vous ». Cette décision, annoncée quelques minutes plus tôt aux députés « Renaissance » a provoqué un choc dans leurs rangs. Lorsque la Première ministreest montée à la tribune, elle n’a pas pu prendre la paroledans un premier temps car les députés Insoumis, brandissant des pancartes « Démocratie », «  64 ans, c’est non », ont entonné la Marseillaise, imités par les élus RN, bravant le règlement. Une scène révélatrice de la crise politique que ce 49.3 venait de provoquer. Elisabeth Borne sera le fusible si la situation devait s’aggraver malgré le rejet -probable- de la motion de censure. Elle le sait parfaitement et l’assume ; mais à travers cet épisode c’est Emmanuel Macron lui-même qui se retrouve affaibli. Une déclaration du président devant le conseil des ministres improvisé, a opportunément fuité : « Mon intérêt et ma volonté politique étaient d’aller au vote. Parmi vous tous, je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu’en l’état des risques financiers et économiques sont trop grands », a-t-il lancé. Comprenez : je suis intouchable et je veille à la place de la France sur les marchés financiers car nous sommes très endettés… Pour accréditer la thèse, l ’exécutif doit bâtir une « story » pour tenter de convaincre, en mettant l’accent sur l’insistance d’Elisabeth Borne pour obtenir le déclenchement du 49.3, alors qu’Emmanuel Macron penchait plutôt en faveur d’un vote franc, et qu’il a cédé au nom de l’intérêt général.

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Ce 49.3 fragilise les députés de la majorité, qui étaient favorables au vote et n’ont manqué de faire part de leur déception. Ils subissent des intimidations de la part de leurs électeurs et ce vendredi Gérald Darmanin a annoncé sur RTL qu’il demande aux préfets d’assurer leur protection. En cas de dissolution, combienseraient réélus aujourd’hui ? Et puis, cette situation met (une fois de plus ) en lumière la crise des Républicains. Ils font figure de coupable idéal dans l’absolu puisque leurs chefs n’ont pas été en mesure de maintenir la cohésion du groupe, favorable à de rares exceptions à la réforme, et que lesrangs des frondeurs grossissaient chaque jour. Leur candidat potentiel à la présidentielle, Laurent Wauquiez, est resté absent du débat. Cette absence montre qu’il n’est pas possible de diriger par procuration, Eric Ciotti étant l’exécutant… Le président de LR a botté en touche en déclarant que « le recours au 49.3 est le signe d’un échec du gouvernement », et s’en est pris aux Insoumis qu’il accuse de vouloir « la chienlit », et a mis en avant que « notre responsabilité est désormais de ne pas ajouter le chaos au chaos. C’est pour cela que les Républicains ne s’associeront et ne voteront aucune motion de censure ». Mais cette annonce n’a pas empêché les frondeurs de son parti de le défier et de déclarer sur toutes les antennes qu’ils sont prêts à voter la censure lundi prochain. Il faut 31 voix ajoutées à celles des opposants déclarés pour renverser le gouvernement. Laquestion est maintenant : y aura-t-il autant de « frondeurs » chez les Républicains ? Et là aussi : combien des 62 députés LR seraient réélus en cas de dissolution ?

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Et puis, il y a plus grave, c’est l’ordre public : en attendant le résultat des délibérations, quelques centaines de personnes s’étaient rassemblées devant l’Assemblée, sur la place de la Concorde malgré l’interdiction. Après l’annonce du 49.3, le rassemblement a grossi atteignant plusieurs milliers de personnes en moins d’une heure. Une explosion de colère qui n’avait manifestement pas été anticipée par les autorités, car la place de laConcorde fait partie de ce que l’on appelle le « périmètre sacré » ( autour de l’Elysée, près de l’ambassade des Etats-Unis et de Grande-Bretagne), où les manifestations sont interdites. Des manifestations spontanées et violentes ont ensuite éclaté dans toutes les grandes villes de Marseille à Nantes, Rennes, provoquant des scènes de chaos qui ont duré une grande partie de la nuit. Le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonçait plus de 300 interpellations ce vendredi matin sur RTL. Les syndicats, qui annoncent une nouvelle journée de grève pour jeudi prochain, tentent de reprendre la main, mais ils ne sont pas sûrs de tenir leur base car la fusion des mécontentements, provoqués notamment par l’inflation, la défiance des institutions, et une crise deconfiance plus générale rend la situation inflammable.

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