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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président français, Emmanuel Macron, discutent au début d'un sommet à Bruxelles le 25 juin 2021.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président français, Emmanuel Macron, discutent au début d'un sommet à Bruxelles le 25 juin 2021.
©OLIVIER HOSLET / POOL / AFP

Institutions européennes

Alors que le Conseil de l’Europe a été contraint de retirer une campagne sur « la liberté dans le hijab », force est de constater qu’il existe un vaste fossé entre les politiques implémentées par les différentes institutions européennes au quotidien et les Chartes de droits fondamentaux et traités initialement ratifiés par la France.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il a enseigné à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) de 2008 à 2022. Twitter : @rodballester 



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Atlantico : Dans un coup de patte à Zemmour et autres LR soucieux de souveraineté juridique et politique française, Emmanuel Macron déclarait la semaine passée être étonné que  « dès qu’il y a un problème nous en revenons à cette vieille maladie française qui consiste à dire : C’est l’Europe », des textes « signés, puis ratifiés souverainement ». Avons-nous vraiment signé de manière éclairée pour la primauté absolue du droit européen ?

Christophe Boutin : Le premier élément à prendre en compte avant toute chose est de faire une distinction claire entre l'Europe et l'Union européenne. L'Europe, c’est une réalité ethnique, géographique, culturelle, historique, quand l'Union européenne n'est qu'une modalité particulière de faire travailler entre eux les États européens. Arrêtons donc de confondre les deux termes, et d’autant moins quand, prise d’hubris, l'Union européenne, par ses choix idéologiques, est en train de dissoudre l’Europe dans un méli-mélo universaliste.

Parlant donc de l’Union européenne, il faut distinguer maintenant deux choses dans ce qu’a dit le Président. La première est le travers bien réel des politiques français qui consiste effectivement à vouloir à tout prix faire porter le chapeau à l’UE de leurs échecs. Lorsque tout va bien, ils sont merveilleux ; lorsque tout va mal, c’est la faute des odieux technocrates bruxellois ; et lorsqu’ils ne font rien, c’est parce que l’UE les empêche d’agir. Rappelons brièvement ici que l’UE n'a de compétences que celles que ces mêmes politiques leur ont transférées ; que les textes viennent parfois d’initiatives d’un Conseil européen où siègent les chefs d’État et de gouvernement ; que les textes sont préparés en collaboration avec les administrations nationales des pays membres ; qu’ils sont vus par un Parlement composé de politiques ; qu’ils sont votés par un Conseil des ministres composé des ministres des États membres. Certes, la multiplication du nombre d'États membres, la disparition progressive de la règle de l'unanimité au profit de celle de la majorité, les jeux technocratiques de la Commission font qu’un État peut se voir imposer une décision qui ne lui convient pas, mais il est insupportable de voir nos politiques faire semblant de découvrir ce qu’ils ont, soit validé, soit laissé faire en toute connaissance de cause – à moins, hypothèse que l’on ne saurait évoquer, qu’ils soient de parfaits incapables.

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Sur la primauté du droit européen sur l'intégralité des normes de droit interne, y compris constitutionnelles ensuite, deuxième élément évoqué par le Président, mon collègue et ami Frédéric Rouvillois, dans un article récent paru dans le Figaro, a répondu tort justement qu’il s’agissait d’une notion « récente, masqué, contestable ». Effectivement, ce principe ne figure pas dans les traités de Rome mais est apparu le 15 juillet 1964 dans une jurisprudence de la Cour de justice, la décision Costa c/ Enel, avant d’être réaffirmé ensuite le 17 décembre 1970, dans la décision Internationale Handelsgesellschaft. En 2004, le traité dit constitution, préparé par la « Convention » présidée par Valéry Giscard d'Estaing l’inscrit dans son article 6. Mais l'abandon de ce traité, suite notamment au refus des Français en 2005, a conduit à l’écriture du traité de Lisbonne ratifié par voie parlementaire en 2007. Dans ce dernier, charcutage du précédent texte pour en effacer ce qui était trop ouvertement fédéraliste, mais en en conservant discrètement l’essentiel, le principe de primauté est inscrit dans la déclaration numéro 17 placée en annexe.

La question de savoir si « nous » avons signé est donc une question délicate. À aucun moment en effet le peuple français n’a souverainement choisi le principe de la primauté du droit européen. Il s'agit d'une création prétorienne, celle de la Cour de justice, validée ensuite, c’est vrai, par des majorités politiques représentant de manière légitime le souverain. La différence est-elle de taille entre les peuples et les politiques ? Il suffit de regarder ce qui s’est passé en 2005 pour s’en rendre compte. Un vote du Congrès a eu lieu en effet le 28 février, pour procéder à la révision de la constitution, préalable indispensable vu le nombre de divergences existant entre le texte européen et la constitution française. Mais le terme de « primauté » n'a pas été utilisé dans les débats, qui vont durer une heure et quinze minutes, et à l’issue desquels les députés et sénateurs vont voter le texte par 730 voix contre 66 contre, soit à près de 92 %. Le 29 mai, les citoyens français repousseront le même texte à 54,67 %. On appréciera l’écart. On comprend aussi pourquoi Nicolas Sarkozy, prétendant que sa ratification faisait partie d'une sorte de paquet cadeau avec son élection, préféra demander aux parlementaires de ratifier le traité de Lisbonne.

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À aucun moment donc, les Français n'ont explicitement donné leur accord sur ce principe de la primauté du droit européen. Mais cette méthode de progression cachée est celle utilisée depuis le début, depuis les initiatives de Monnet et Schumann, pour mettre en place cette Europe fédérale dont les peuples ne veulent pas. Comme les projets politiques sont repoussés, on ligote les États membres par des avancées économiques, jusqu’à leur interdire toute véritable souveraineté. Et le droit européen, par le principe de primauté, mais aussi par le principe de « l’effet utile », qui permet d’accroître les compétences transférées, participe pleinement de cette dépossession.

Sans parler de la primauté, peut-on affirmer que le droit européen voté au jour le jour correspond à l'esprit et à la lettre des traités que nous avons signés ? Quid des politiques et campagnes mises en œuvre par l’UE ou la Commission en particulier, ou encore le Conseil de l'Europe dont la dernière campagne qui promeut le Hijab au nom de la diversité et de la liberté ?

Rodrigo Ballester : La question soulève un point important : celui du fossé entre l’idée que se font les citoyens de l’Europe et la direction qu’elle prend sous la manette de ses dirigeants et de ses « mandarins » actuels. En filigrane, un soupçon bien pesant : et si ces derniers mettaient l’Europe, ses mécanismes, ses institutions et ses fonds au service d’une idéologie bien concrète en allant bien au-delà de leur mandat ? Il a de quoi se poser des questions.

Cette campagne du Conseil de l’Europe soutenue par l’UE est un exemple sidérant d’aveuglement. Aveuglement idéologique, tout d’abord, qui montre leur asservissement à la démence woke, et une maladresse incroyable qui mine la crédibilité des ces organisations. Après un tel dérapage, comment les prendre au sérieux quand elles sermonnent tel pays sur l’état de droit ou tel autre sur la situation des minorités ? A vrai dire, je ne suis même pas sûr que cela soit un dérapage. Devant le tollé général, le Conseil de l’Europe a retiré sa campagne, mais il ne l’a sûrement pas fait par conviction…

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Finalement, cette campagne est une attaque frontale contre la conception française de la laïcité car elle sous-entend que s’opposer au port du voile est en soi un discours de haine. De là à dire que la France est islamophobe (le refrain que reprit en cœur la presse anglosaxonne contre Macron après son discours sur le séparatisme islamiste) il n’a qu’un pas que ces organisations ne sont pas loin de franchir. A quand une résolution européenne déclarant que la laïcité est contraire aux valeurs européennes, car discriminatoire ?

Christophe Boutin : Là aussi, je crois qu’il faut bien distinguer les éléments pour un minimum d'objectivité. À partir du moment où les traités initiaux permettent des transferts de compétence des États à des institutions, Communautés économiques européennes ou Union européenne de nos jours, ce transfert conduit naturellement ces dernières à prendre, dans leur domaine de compétence, toute une série de normes - ce que l'on appelle le droit dérivé, en ce qu'il est dérivé des traités initiaux et des transferts de compétences effectuées. L’Union européenne est ainsi parfaitement légitime à créer, par le règlement ou par la directive, un droit européen qui s'imposera aux États. On ne peut, d'un côté, opérer un tel transfert et, de l'autre, en refuser les conséquences.

Ces textes sont-ils conformes à l’idée qu’avaient les États au moment du transfert de compétences ? Peut-être pas, mais, comme je l'ai dit en réponse à la première question, ces choix ne leur sont pas inconnus. Il est vrai qu’ils peuvent leur être imposés s’ils satisfont une majorité de leurs partenaires, et qu’ils n’ont plus guère d’armes en ce cas, la politique de la chaise vide qui fut un temps celle du général De Gaulle dans les crises apparaissant plus difficilement tenable. La conséquence est qu’en cas de crise majeure cela peut les conduire à se poser la question de leur maintien dans l'Union européenne.

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Voilà pour le droit. Mais le second point que vous évoquez concerne autre chose que l'établissement de normes dans les domaines de compétences transférées. Il s'agit de campagnes relevant de divers domaines et qui viseraient à promouvoir une idéologie. Vous citez ici le cas de la récente campagne lancée par le Conseil de l'Europe sur le port du Hijab. Rappelons, d'abord que le Conseil de l'Europe n'est pas l'Union européenne, qu'il s'agit d'une institution beaucoup plus vaste qui rassemble aujourd'hui 47 états, dont, par exemple, la Turquie ou la Russie. Mais ce qui permet pourtant de rapprocher le fonctionnement des deux institutions en la matière, c’est que leur interventionnisme se fait autour d’une même approche idéologique des droits de l'homme. Les deux promeuvent en effet une vision universaliste, éloignée de tout réalisme politique au point d’être en train de détruire une identité culturelle et une cohésion sociale qui avaient permis à nos pays de faire éclore ces droits et de les diffuser sur la scène internationale.

Ces campagnes de propagande idéologique sont permanentes et prennent de multiples formes. C’est cette campagne d’affichage du Conseil de l’Europe que vous évoquez. Ce sont aussi les financements de projets de recherche dont l'anthropologue Florence Bergeaud-Blackler écrivait dans Le Point qu’ils font « le lit de l'islamisme ». Ce sont encore les « chaires Jean Monnet » par lesquelles l'Union européenne soutient dans nos facultés de droit des enseignements qui ont vocation à promouvoir son fonctionnement et ses institutions.

Avons-nous accepté que l'Union européenne utilise l'argent des contribuables européens pour faire une œuvre de propagande digne des régimes totalitaires – et parfois au prétexte de se défendre contre eux ? Avons-nous accepté cette rééducation permanente où seul l’usage de la novlangue attire des subventions ? Sans doute pas en tout cas les peuples auxquels on impose ainsi de vivre dans un monde dont ils ne veulent pas. Mais l'idéologie ainsi promue est celle de nombre de nos politiques, qui, pour certains, utilisent ainsi l’UE pour imposer un discours qu’ils n’osent tenir aux populations et, pour d’autres, préfèrent l’abdication et ses avantages.

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Suite à la dernière campagne la liberté dans le Hijab. Certains députés ou sénateurs LR ont dénoncé l'entrisme pratiqué par les islamistes dans certaines institutions européennes, y-a-t-il des éléments qui permettent d'en apprécier l'ampleur ?

Rodrigo Ballester : Malheureusement, oui. Signalons d’emblée que l’idéologie « woke » est très en vogue à Bruxelles et à Strasbourg et que certaines institutions ont totalement assumés de nombreux concepts fumeux ainsi que la novlangue qui va avec. Savez-vous par exemple que la Commission Européenne a annoncé que les fonctionnaires en charge des ressources humaines suivront « une formation obligatoire sur les préjugés [racistes[ inconscients », ou qu’elle affirme haut et fort qu’« une perspective intersectionnelle améliore la compréhension du racisme structurel »  ou que « le racisme est souvent profondément ancré dans l’histoire de nos sociétés et étroitement lié à ses normes et à ses racines culturelles »? J’en passe, et des meilleures… et je ne parle même pas des innombrables résolutions du Parlement Européen qui regorgent d’expressions et de concepts woke en tout genre.

L’ « Islamophobie » est un volet à part entière de cette idéologie, elle a également fait son chemin dans les cercles européens, comme l’a notamment démontré Florence Bergeaud Blackler, chercheuse au CNRS. Quelques exemples : L’ENAR (European Network Against Racism), un réseau d’associations antiracistes, chantre de l’intersectionnalité, directement financé par la Commission est dirigé par un ancien Frère Musulman belge qui se réunit régulièrement avec la Commissaire européenne à l’Egalité, la maltaise Helena Dalli. Autre exemple : quelques mois après la dissolution du CCIF (Collectif contre l’Islamophobie en France), la Commission invitait  sa filiale belge pour sensibiliser les fonctionnaires européens à l’Islamophobie et aux discours de haine, en dénonçant notamment les unes de plusieurs magazines français sur l’Islam, le terrorisme ou…la situation des chrétiens d’Orient !

La campagne de l’hijab heureux et libre (qui est l’œuvre du Conseil de l’Europe mais est soutenue par l’UE, comme l’atteste la présence de son logo) reprend tous les codes intersectionnels dont se sont appropriés les organisations islamistes pour faire avancer leur agenda politique: liberté individuelle, approche émotionnelle,  banalisation du hijab jusqu’à en faire un accessoire de mode, diversité culturelle, victimisation, etc… Il est pour le moins interpellant que ces organisations internationales assument si ouvertement, presqu’en mode « copié/collé » ces postulats. Par naïveté ? Peut-être, mais les conséquences n’en sont pas moins néfastes.

Emmanuel Macron s'apprête à prendre la présidence tournante du conseil de l'Union européenne. Depuis le début de son mandat, a-t-il toujours été au diapason de l'UE et a-t-il toujours accepté les décisions européennes ?

Christophe Boutin : Dès le début de son mandat, en septembre 2017, Emmanuel Macron a réuni à la Sorbonne une grand-messe pour évoquer son Initiative pour l'Europe « souveraine, unie et démocratique ». Un mois plus tard, il était en couverture du Times avec cette formule : « Le nouveau leader de l'Europe » - mais un astérisque sur le dernier mot amenait a une petite réserve, « seulement s'il arrive à diriger la France ». Il est certain que l’hôte de l’Élysée s’est rêvé – et se rêve peut-être encore – un destin européen pour lequel la souveraineté française est une gène inutile. En effet, en termes de souveraineté, les choses sont claires, car il n'y a pas de division possible. La souveraineté consiste à pouvoir décider librement, et s'il y a cette souveraineté européenne que le Président évoque à chacun de ses discours ou presque, si l’UE décide librement, c’est que la France ne peut le faire, et donc qu’elle n’est plus souveraine.

La ligne d’Emmanuelle Macron est on ne peut plus claire sur le sujet : dans tous les domaines, de l'énergie à l'armement, de la défense à la scène internationale, il s'agit de promouvoir la souveraineté européenne. La France se fait-elle ridiculiser par les États-Unis au sujet des sous-marins destinés à l’Australie que l’ami de Carlito évoque une victoire de la souveraineté européenne ! Que, de manière flagrante, les États européens défendent leurs seuls intérêts, que l'Allemagne nous dépossède peu à peu, sous couvert de partenariats biaisés, de nos industries les plus précieuses, et notamment de nos industries de défense, que l’on ait vu, lors de la crise sanitaire, les États se battre sur les tarmacs des aéroports pour quelques livraisons de masques, que pendant ce temps-là la seule action de l’UE ait été de faire une vidéo dans laquelle Ursula von der Leyen apprenait aux européens à se laver les mains, bref, que l'Europe fantasmée par Emmanuelle Macron vole en éclats chaque jour dans le monde réel semble ne pouvoir rien changer. La seule réponse, répétée comme un mantra, est que si l’Europe ne fonctionne pas c'est parce qu'il n'y a « pas assez d'Europe », parce que cette Europe n'est « pas assez souveraine ». Avec cette perpétuelle fuite en avant, le moins que l'on puisse dire effectivement est que notre Président est « au diapason » de l'Union européenne.

Y-a-t-il un problème de contrôle des nominations des magistrats œuvrant dans les cours européennes et d'indépendance de ces derniers ?

Rodrigo Ballester : Faisons la différence entre la Cour Européenne de Justice (qui siège au Luxembourg et qui dit le droit de l’Union Européenne) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme (qui siège à Strasbourg et interprète la Convention Européenne des Droits de l’Homme). En ce qui concerne la première, je ne le crois pas.

En ce qui concerne la deuxième, ce n’est pas une suspicion, ce sont des faits établis ! La Cour vient même de changer son règlement interne en matière de conflits d’intérêts après un rapport accablant du European Centre for Law and Justice qui démontrait, faits à l’appui, qu’au moins 22 des 100 derniers juges de cette Cour sont d’anciens collaborateurs de sept fondations et ONGs, et qu’ils ont jugé à de très nombreuses reprises des affaires soutenues par leurs propres organisations. Le rapport démontrait également qu’une grande partie de juges n’étaient même pas magistrats !

Des faits édifiants qui en disent long sur l’entrisme d’une certaine « société civile » qui n’hésite pas à manipuler les droits de l’homme au service de leur idéologie au risque de jeter un discrédit irréparable sur ce concept cardinal de nos ordres juridiques.  A méditer.

Puisque les cours suprêmes françaises ne sont pas exactement d'accord avec l'interprétation des cours européennes ou de la Commission en matière de primauté absolue du droit européen, de quelle marge politique comme juridique disposons-nous ?

Christophe Boutin : Effectivement, les cours suprêmes françaises, Cour de Cassation, Conseil d'État ou Conseil constitutionnel, continuent à maintenir la fiction de la primauté de la constitution française sur le droit européen. Pour y parvenir sans heurter l’Union européenne, nos juristes se livrent à un exercice d’une rare subtilité leur permettant de faire  systématiquement prévaloir le texte européen sur le texte français. En bonne logique, cela laisserait entendre que le texte européen est supérieur dans la hiérarchie des normes aux textes internes. Mais pour nos gardiens du droit, si, effectivement le texte européen s'impose, ce serait parce que, selon l'article 88-1 de la constitution, « la République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

Ainsi, si le texte européen l’emporte, ce n'est pas, contrairement à ce que nous dit le juge européen, parce que le droit européen est supérieur, mais parce que la constitution française le permet… et donc que la constitution reste la norme supérieure. Ce qui, reconnaissons-le, ne change guère le fait que le droit interne ait cédé devant le droit européen. Quand au fait que le Conseil constitutionnel ait évoqué dans une décision « l'identité constitutionnelle de la France », à laquelle le droit européen lui-même ne saurait toucher, tant que l'on n'aura pas une application de ce texte personne ne saura, ni ce que cela veut dire, ni si ce n'est pas une formule creuse destinée à cacher le néant.

Juridiquement, vous le voyez, les choses ne sont pas simples. Politiquement, elles ne le sont pas plus. J'ai déjà évoqué les rares marges de manœuvre lors de la préparation des textes. Le système est ainsi fait qu'il y a de moins en moins de choix intermédiaires possibles, et que l’on est vite dans ce « tout ou rien » auquel nos voisins britanniques ont préféré répondre « rien » pour conserver leur souveraineté. Ce qui est certain c’est que ce sujet est l’un des sujets structurants de la campagne présidentielle, et le sera encore par la suite. Et quand on voit le négociateur du Brexit, le commissaire européen chargé d’amener les britanniques à la raison, par la force si besoin était, Michel Barnier, s'indigner maintenant des pouvoirs trop important de l'Union européenne pour séduire son électorat, on mesure l'inquiétude que peuvent avoir certains face à la prise de conscience qui se fait au sein des peuples européens, démocraties « illibérales » ou pas, sur ce qui représente la plus grande captation du pouvoir par une oligarchie que l'on ait vue depuis longtemps.

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