Avec un modèle social le plus généreux du monde, les Français restent structurellement très pessimistes<!-- --> | Atlantico.fr
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Une manifestation en 2016 à Marseille.
Une manifestation en 2016 à Marseille.
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT AFP

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Les élites françaises qui détiennent le pouvoir économique et politique ne comprennent pas pourquoi les Français, qui disposent d'un modèle de protection sociale aussi généreux, sont aussi parmi les peuples les plus pessimistes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C'est un peu le mystère français. Nul besoin de lire et relire l'avocat-économiste Nicolas Baverez, qui s'est fait le pédagogue en chef du pessimisme à la française, pour s'en convaincre. Ses prédictions souvent très sombres sont partagées par une majorité de Français. Alors même que ces prédictions souvent catastrophiques ne se sont jamais réalisées. Et quand on signale aux analystes ce décalage entre la prévision et la réalité, beaucoup nous expliquent que les perspectives sombres sont très souvent combattues par des expédients qui calment la tempête mais qui préparent ou aggravent la suivante. Un peu comme le doliprane qui endort mais ne soigne pas. 

Cela dit, les chiffres sont têtus... L'État français tient la tête des pays les mieux équipés dans les systèmes de protection sociale et d'équipement collectifs. Cet État protecteur représente 60 % en termes de dépenses publiques, moitié dans le système social, moitié pour le fonctionnement des appareils administratifs (centraux et régionaux), alors que les Français se déclarent en permanence insatisfaits et parfois même très en colère, et toujours avec le sentiment d'être continuellement en risque. 

À quoi tient ce paradoxe ? Principalement à trois séries de raisons.

La première est que le fonctionnement de l'État et de ses filiales n'est pas à la hauteur de son coût et donc les résultats perçus ne sont objectivement pas à la hauteur des promesses qui sont faites : l'éducation nationale, qui représente les effectifs de la fonction publique les plus nombreux, n'inspire plus la confiance d'une éducation qui se devrait être exemplaire dans les formations de base et les conditions d'une vie en société cohérente. Le système de santé donne l'impression d'être saturé et incapable de répondre aux besoins. Le système social ne parvient pas à réduire les inégalités et à mutualiser les risques... Ce n'est pas une question de moyens financiers, mais de management et de compétence individuelle. Le budget est donc déficitaire et le pays vit à crédit.

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La deuxième série de raisons tient au modèle économique qui est de plus en plus déséquilibré. Il n'existe pas une offre nationale suffisante pour répondre à la demande... Nous avons depuis plus de trente ans choisi de développer un modèle de croissance "sans usine", c'est-à-dire une économie de services : assurances, banques, tourisme, conseil... les seules activités industrielles appartiennent au secteur du luxe, de l'aéronautique, de l'armement ou de l'agroalimentaire. Les consommateurs français gagnent en pouvoir d'achat en achetant leurs textiles "made in China", mais nourrissent la culpabilité de ne pas contribuer à la lutte pour le climat, tout en stressant devant les risques de ruptures d'approvisionnement comme c’est déjà arrivé dans le médicament par exemple ou le numérique. Par ailleurs la France a dû accueillir de la main d’œuvre émigrée pour effectuer souvent les taches les plus ingrates et s’étonne que cette France émigrée soit mal intégrée. Ce qui participe à l’inquiétude collective. 

La troisième raison du stress collectif, c'est l'absence de visibilité sur un projet politique à moyen et long terme. Sans visibilité, on lève le pied et on ne fait pas de croissance. La gouvernance française n'est pas capable de coaguler une majorité sur une stratégie offensive de développement économique. Cette absence de stratégie cohérente et puissante, sur laquelle les générations futures pourraient s'embarquer et se retrouver, alimente l'angoisse collective qui pousse les Français à se protéger et à réclamer toujours plus d'assurance et de réassurances, contribuant ainsi à aggraver le cas. Cette attitude est antérieure à l'arrivée d'Emmanuel Macron, lequel n'a pas su changer la donne. Le comble de cette politique avait été atteint quand un président de la République venu de Corrèze avait eu cette idée forte d'inscrire le principe de précaution dans la Constitution. On aurait voulu paralyser toute innovation, tout progrès qu'on n'aurait pas mieux fait.

Globalement la France a beaucoup d’atout pour fabriquer son bonheur collectif mais tout se passe comme si elle n’en avait pas très envie …la recherche systématique d’assurance contre tous les risques est légitime , mais elle ne fonctionne que si on laisse à la liberté individuelle la place de s’exprimer et s’accompagne de responsabilité personnelle . 

La responsabilité des personnels politiques est énorme , mais cette des personnels enseignants ou de  sante l’est tout autant. La question du projet collectif est centrale. Tant que les responsables politiques n’auront pas dégagé un projet, ils auront du mal à  constituer des majorité pour le mettre en route.  

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