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Attentats de Barcelone : ce qu’a découvert l’enquête 2 mois après
©AFP

Echec local, échec européen

Le 17 août dernier, 15 personnes sont mortes, renversées par une camionnette sur l'allée centrale piétonne de la Rambla, à Barcelone.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Deux mois après les attentats de Catalogne (Barcelone, Cambrils, 17 et 18 août, 16 morts, 130 blessés par véhicule-bélier), où en est l'enquête ? Ecoutons des officiels et experts espagnols au cœur des investigations, qui dénoncent clairement deux sérieux échecs : 
- celui du système espagnol/catalan de détection des menaces djihadies ; le ministre de l'Intérieur espagnol l'avoue : la cellule "a réussi à échapper au contrôle des menaces potentielles",
- et celui, pire encore, de la coordination antiterroriste de l'Union européenne (UE). 
Voyons ces deux points tour à tour.
LA CELLULE TERRORISTE - formée (classiquement) de deux cercles concentriques : un noyau central de 12 individus (tous morts ou sous main de justice), jeunes marocains de 17 à 24 ans, plus un gourou sur lequel nous reviendrons ; un second cercle logistique (fourniture de bonbonnes de gaz et précurseurs d'explosifs, véhicules, faux papiers, etc.), trois individus déjà repérés, dont deux arrêtés à ce jour au Maroc.
LE GOUROU, ABDELBAKI ES-SATY - retour à l'attentat de mars 2004 à Madrid (gare d'Atocha, 191 morts) ; l'Espagne découvre le terrorisme djihadi. En 2005, un noyau terroriste (le "Groupe de Vilanova"), est repéré à la mosquée al-Forkan de Vilanova I La Geltru (en Catalogne déjà). Son imam, Mohamed Mrabet Fashi, militant du Groupe islamique combattant marocain, recrute des djihadis pour des opérations-suicide en Irak. Dans ses papiers (voici douze ans...) des éléments sur Abdelbaki es-Saty, suspect d'opérer la logistique de réseaux djihadis en Espagne et en Europe (nous soulignons) ; Il est mis sur écoutes de 2005 à 2006, sans résultats. En janvier 2010, es-Saty rentre du Maroc et est arrêté avec 12 kilos de cannabis dans sa voiture. Dès lors il est incarcéré jusqu'en 2014 à Castellon (Espagne) où il est proche du Marocain Rachid Aglif, co-auteur de l'attentat d'Atocha, qui y purge 18 ans de prison. Sorti en 2014, es-Saty loge chez Mrabet Fashi puis arrive à Ripoll en 2015. Solitaire, discret - et plus du tout surveillé - il recrute des jeunes d'une ville où "personne ne le connaissait".
CATALOGNE, LE LAXISME - Catalogne, 268 mosquées déclarées, plus ou moins surveillées ; Ripoll (100 km. au nord de Barcelone), "des rues qui n'avaient jusqu'alors vu un uniforme" (14 policiers pour 11 000 habitants, dont quelque 700 Marocains).
DÉTECTION PRÉCOCE, L'ÉCHEC - Les terroristes amassent 120 à 150 bonbonnes de gaz ; 500 litres d'acétone ; 340 litres de peroxyde d'hydrogène, de quoi fabriquer 100 kilos de TATP (triperoxyde de triacétone) effarante quantité d'un célèbre explosif islamiste, d'usage produit (et parfois trouvé lors d'enquêtes) par kilos. Ce (fort instable) TATP explose dans une maison squattée d'Alcanar (Catalogne) le 16 août à 23h30. Or nul dans la police régionale ne flaire les prémisses ratés d'une imminente attaque. D'autant moins que la police catalane dit avoir ignoré le passé terroriste d'es-Saty (tué dans l'explosion).
DÉTECTION DU NOYAU TERRORISTE, L'ÉCHEC ENCORE - classique encore : trois mois avant les attentats, l'un des terroristes abattu par un policier à Cambrils le 18 août, fait encore la fête ; un copain le décrit comme saoul à tomber. Arrive le Ramadan (26 mai, 24 juin 2017) : les futurs terroristes jouent moins au foot... ne parlent plus de femmes, voitures ou jeux vidéos ; plus de musique sur leurs portables. L'un d'eux dit à un ami qu'il a trouvé "la vérité", quand d'autres restent "égarés dans le monde occidental". Un autre proche : "depuis qu'ils ont fait le Ramadan, je les ai vus porter des vêtements de musulmans. Tout le monde... Je ne les avais jamais vus habillés comme ça... Avant, ils avaient des vêtements normaux...". Or dans Ripoll nul n'a rien dit ni averti : l'"omerta".
GRAVES QUESTIONS EN SUSPENS - [Les terroristes] "voiture, appartement, argent, ils avaient tout, ils vivaient bien" : travail salarié ou trafics divers ? On ne sait encore trop.
- Préparatifs des attentats : les terroristes tenaient une comptabilité précise, avec notes de frais : pour qui ? A quel usage ?
- 2014-2016 : es-Saty circule en France et en Belgique (il est repéré à Vilvorde). Décembre 2016, juillet et août 2017 : des djihadis de Ripoll viennent (au moins) trois fois à Paris. En août passé, 2000 km. en 48 h. : tout cela, pourquoi ?
L'ÉCHEC EUROPÉEN - Résumons : un djhadi acharné depuis 12 ans au moins... pur hybride terreur-crime (trafiquant de drogue) et d'autant plus dangereux ; individu lié aux auteurs de l'attentat le plus meurtrier commis en Europe (191 morts, 1800 blessés) ; accumulant sans encombre assez d'explosifs pour détruire les grands monuments de Barcelone et circulant impunément d'Espagne en France et en Belgique - n'oublions pas le Maroc. Tel est Abdelbaki es-Saty, émir terroriste de Ripoll. Or que dit après l'attentat le coordinateur de l'UE, M. Gilles de Kerchove ? "La cellule était peu formée". Que lui faut-il ? Et que d'incompétence.

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