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Après, Zodiac, c’est Orange, Bouygues, PSA qui préparent des mariages ... Mais pourquoi vouloir être gros et pourquoi se précipiter ainsi pour signer avant la présidentielle ?
©Reuters/Charles Platiau

Atlantico-business

Les entreprises françaises sont prises d’une fièvre de fusions, acquisitions et concentrations record et elles se précipitent pour signer avant la présidentielle.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est du jamais vu en période électorale. D’ordinaire, la vie économique a tendance à s’arrêter dans l’année qui précède l’élection présidentielle. Tout le monde se replie sagement sur son pré carré et attend de voir quel sera le profil du président et les différents ministres ou directeurs de la grande administration.

Aujourd’hui c’est l’inverse, on n’a jamais annoncé autant d’opérations de restructurations, de fusions et de concentrations que depuis quelques mois.

Essilor le numéro mondial du verre correcteur va convoler en justes noces avec le numéro un mondial de la monture, Ray ban. Dans l’électronique, le rapprochement entre Zodiac et Safran devrait constituer un géant mondial dans l’électronique de défense, si toutefois les fonds d’investissement américains ne viennent pas troubler la cérémonie.

Dans la banque, on sent bien que les grandes manœuvres sont annoncées compte tenu de la mutation digitale et de la concurrence des banques américaines et anglo-saxonnes, il n’y a qu‘à voir le projet préparé par Orange pour constituer une des plus grosses banques en ligne. Sans parler de ses ambitions dans les télécom, on sait que Orange prépare outre une banque, son arrivée chez Canal plus pour élargir son offre de programme, Xavier Niel a choisi de labourer le marché italien du téléphone, Patrick Drahi, le dynamique patron de SFR, serait entré en négociation avec Martin Bouygues pour le rachat de Bouygues Téléphone que ça n’étonnerait personne.

L’opération annoncée d’un rapprochement entre le groupe PSA et la filiale Europe de General Motors, c’est à dire OPEL, va évidemment bouleverser un peu, le rapport de force sur ce marché très concurrencé.

Alors toutes ces opérations sont plutôt de bonne augure. Elles prouvent que l’industrie française ou ce qu’il en reste est en bonne santé. C’est vrai d’Essilor, de Zodiac, de tous les operateurs de téléphone. C’est vrai aussi de PSA qui, en 2012, était au bord du gouffre mais a récupéré tous ses moyens, son dynamisme, et regorge d’ambitions internationales au point de racheter OPEL, la seule et dernière marque d’automobile achetable en Europe, même si OPEL n’est pas en bon état. Les dirigeants de Peugeot font le pari que les méthodes qui ont permis le redressement de PSA réussiront à sauver OPEL.

Ces opérations sont plutôt de bon augure mais pourquoi se précipitent-elles maintenant, avant la présidentielle et surtout pourquoi faut-il nécessairement grossir dans la conjoncture actuelle ?

Pourquoi maintenant ? Pourquoi précipiter les opérations avant la présidentielle ?

Les financiers expliquent que les taux d’intérêt étant encore très faibles, il faut en profiter pour emprunter et acheter des actifs industriels. Ça ne durera pas. Les économistes, eux, parient sur les secteurs concernés par un potentiel de croissance encore important avant que le cycle ne se retourne. C’est évidemment vrai dans l’électronique, les télécoms et l’automobile. Dans tous ces secteurs, il existe des gisements de croissance. Ajoutons à cela, ce que les politiques vous expliquent. La présidence de Donald Trump va recentrer les moyens américains sur le marché américain. Du coup, les marchés européens et asiatiques seront plus accessibles. Il est évident que si Opel est aujourd’hui à vendre c’est parce que General Motors entend concentrer ses efforts sur le marché américain.

Mais ce n’est pas tout. Par rapport à la France, les chefs d’entreprise français craignent que la situation politique et sociale soit très compliquée après la présidentielle. Et quand le brouillard tombe sur le pouvoir politique, c’est l'administration qui tient les rênes. Pour un chef d’entreprise, le poids de l’administration est insupportable. S’il s’agit de préparer des grandes manœuvres industrielles, mieux vaut le faire avant que la situation politique soit complètement bouleversée.

Cela dit, pourquoi cette obsession de grossir dans une situation économique qui reste néanmoins incertaine et fragile. Les stratèges d’entreprise ont deux séries de raisons.

La première série de raisons est portée par la mondialisation. L’ouverture des marchés offre des potentialités de croissance qui n’existent plus sur les vieux marchés occidentaux. Encore faut-il se rapprocher de ces marchés émergents. Dans l’industrie automobile, tout le jeu consiste à installer des plateformes de montage au plus près des marchés locaux. Ces plateformes produisent partout les mêmes voitures, avec les mêmes composants, mais sortent sous des noms et des marques différentes qui collent le mieux avec les cultures locales. Pour pouvoir installer de telles plateformes, il faut être puissant et présent partout dans le monde.

La deuxième série de raisons tient à l’importance du digital dans la chaine de valeur d’un produit industriel. Dans l’automobile, cette part du digital va devenir considérable en valeur. Or ces composants digitaux, hard et software, sont fournis par quelques grandes entreprises de technologie qui agrègent le plus souvent les innovations développées dans des starts up qu’elles ont essaimées. Les grands du digital ont des moyens hyperpuissants. Les Google, Apple, Microsoft, Intel, Facebook ont envahi des voitures et fournissent tous les systèmes de connectivité. Ils préparent les packages qui permettront la révolution des voitures autonomes. Les capteurs, les caméras, les calculateurs, les logiciels ne seront pas mis au point et fabriqués par Peugeot, ou Renault. Ils seront achetés à l’extérieur.

Pour être capable de négocier avec Google ou Apple, dont la capitalisation permettrait d’acheter l’ensemble de l’industrie automobile mondiale, il faudra avoir les reins très solides. Le patron de l’alliance Nissan- Renault explique qu’il lui faut au moins 10 millions de véhicules par an pour être pris au sérieux par Google.

D’où la course à la taille. Alors, tous les constructeurs ne toucheront pas une telle taille, mais à coté de la première division où on trouve des constructeurs à 10 millions d’exemplaires, Toyota, Volkswagen, General Motors et Renault Nissan, on peut imaginer une seconde division avec des fortes ambitions pour attendre la voiture connectée avec 4 à 5 millions de voitures pas an. Les constructeurs à 4 millions de véhicules peuvent espérer survivre à la vague digitale qui va déferler avec les voitures connectées, et grimper ensuite en première division. C’est évidemment le pari tenté par Psa Peugeot Citroën. Arriver en seconde division du championnat du monde pour se hisser en première division dans les cinq ans. Pas évident, mais jouable. 

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