Après Merci patron, Outsider débarque sur les écrans... Verdict : quand le cinéma français s’empare de l’entreprise, c’est affligeant<!-- --> | Atlantico.fr
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Jérôme Kerviel est le héros d'un film
Jérôme Kerviel est le héros d'un film
©REUTERS/Jean-Paul Pelissier

Atlantico Business

En moins de deux mois, le cinéma a réussi à cibler deux des plus grandes entreprises françaises : la Société Générale avec le film sur Jérôme Kerviel, Outsider, qui sort aujourd'hui, et LVMH, le numéro un mondial du luxe, avec le film de François Ruffin, Merci patron.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quel programme ! La Société Générale d’un côté, le groupe LVMH de l’autre. Commençons par le plus récent. Le film sur Jérôme Kerviel, qui sort ce mercredi, est regardable. Il raconte dans le détail la vie professionnelle et personnelle d’un jeune trader, l'homme qui a été considéré comme ayant fait perdre 5 milliards d'euros à la banque.

Le réalisateur ne nous épargne aucun des clichés qui sont attachés à la vie des traders depuis la crise des subprimes. Ils travaillent dans des tours immenses de verre et d’acier, ils s’oublient dans des soirées aussi bruyantes qu'arrosées dans les boîtes les plus chères et chics de Paris, ils sortent avec les plus belles filles, dans les plus beaux hôtels... On devine qu'ils pourraient rouler en Ferrari.

Le film américain Le loup de Wall Street avec Leonardo Di Caprio a été tourné bien avant, et c’est devenu un film culte de la crise, écrit par l'un des réalisateurs les plus géniaux de ces vingt dernières années, Oliver Stone. Christophe Barratier n’a pas ce talent. Il avait eu celui de nous émouvoir avec Les Choristes. Il a eu avec Kerviel l'intelligence de ne pas tomber dans le manichéisme des histoires où sont confrontés des bons et des méchants. Et Dieu sait si dans le monde de la finance il y a des bancs de requins et des groupes de crocodiles.

Le film raconte tout simplement la vie d'un jeune homme d’origine plutôt modeste, qui n’a pas fait comme ses camarades de jeu polytechnique ou HEC, mais qui a appris le métier sur le tas, avec ses collègues et ses chefs. Très besogneux, il va même comprendre comment fonctionne le système et gagner beaucoup d'argent. Ou plutôt, il va en faire gagner beaucoup à la banque qui l'emploie.

Le film ne dit pas explicitement que Jérôme Kerviel a enfreint les règles de prudence, il ne dit pas que ses chefs de service le laissaient faire tant que ça gagnait, mais on comprend que le système tolérait que ces voitures de Formule 1 qui tournent à une vitesse folle devaient franchir les lignes jaunes ou prendre des sens interdits... Le réalisateur de ce film n’est pas un violent dénonceur de scandales, il est plutôt pédagogue d'un système qui marchait trop bien.

Jérôme Kerviel est magnifiquement joué par un inconnu, Arthur Dupont, qui reproduit cette espèce de naïveté d’un mec arrivé de nulle part, piégé dans une salle de marché et dont le seul moyen de se sauver sera de nager dans la mégalomanie ambiante. Une fois pris dans les phares des donneurs de leçons, la seule façon qu’il aura d'assumer une situation qui le dépasse sera de se tourner vers Dieu et de se mettre au services des prophètes de l’antisystème. D’autres seraient tombés dans la coke. Tout cela a-t-il été fabriqué par la défense ? Le film ne le dit pas.

Les amateurs de héros type Robin des bois seront un peu déçus... Les buveurs du sang de l'anticapitalisme seront également déçus, alors que la banque s'est tellement mal défendue dans cette affaire, mais on comprend bien pourquoi.

Le réalisateur n'a pas fait une bande dessinée comme Oliver Stone, ni un film politique. Il a montré un homme et un système qui va parfois trop vite, plus par logique interne que par cupidité.Christophe Barratier a dû être surpris de ce qu’il a découvert. Il a peut-être été déçu lui aussi, mais il a été honnête.

Le film de François Ruffin, Merci patron, qui est sorti deux mois avant et qui fait une assez belle carrière en salle, est beaucoup moins précautionneux. Lui ne s'embarrasse pas à chercher les teintes nuancées. Il ne donne pas dans le détail. Les choses sont noires ou blanches. Les hommes sont bons ou mauvais. Il tire carrément dans le fait divers social avec des racines politiques que l'extrême-gauche ne pourrait pas renier.

Pour ceux qui n’ont pas vu le film, Merci patron raconte l'histoire du couple Klur, anciens salariés de l’entreprise ECCE, qui a fermé ses portes et licencié ses employés. Un couple qui se retrouve endetté en plus à la suite d’un accident de voiture.

Tous les ingrédients pour arracher les larmes et pleurer sur la misère du monde. Là, François Ruffin perçoit qu’il peut récupérer l’affaire pour son propre bénéfice, son film, et surtout se payer un patron, dans la vieille opposition sans originalité des faibles employés face aux riches géants mondialisés.

Parce que la société en question, celle qui a des difficultés n’est pas très intéressante. Personne ou presque ne la connaît. En revanche, elle est fournisseur d’un grand groupe de luxe français, LVMH. Quelle aubaine !!! Alors, avec le couple et leur fils, le réalisateur va mettre au point un stratagème pour faire chanter la multinationale française et sa direction. Du coup, on assiste à un spectacle aussi affligeant pour le réalisateur (qui est aussi et surtout journaliste et rédacteur en chef du journal Fakir, collaborateur du Monde diplomatique) que gênant pour LVMH, qui a peur d'être déstabilisé par ce type d'affaire.

C’est grotesque car empreint de clichés sociaux bas de gamme, avec en prime une stratégie de chantage reposant sur le mensonge, que même la CGT aujourd'hui n'oserait pas imaginer.

C’est gênant quand LVMH répond, tentant de négocier à l’amiable avec ce couple, de peur d’un scandale, alors que ça ne les concerne pas directement mais implique un de leurs fournisseurs. Il faut dire qu’ils sont tombés en plein dans le piège tendu par le journaliste.

Ce film ne profite à personne. On ne comprend pas mieux qu’avant comment fonctionne une grande entreprise, on ne sait pas pourquoi le fournisseur a eu des ennuis. On retiendra que la vie des affaires est telle qu’on l’imagine quand on n’y a jamais mis les pieds.

Ce film ne profite à personne, sauf à son réalisateur qui va peut-être pouvoir entrer dans le club des riches.

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