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Après Barack Obama "premier Président noir", Hillary Clinton "première femme" présidentiable aux Etats-Unis : ces arguments électoraux sans aucun rapport avec ce qu’on attend d’un dirigeant politique
©Reuters

Victimocratie

A l'occasion d'un discours prononcé le mardi 7 juin, Hillary Clinton expliquait tout l'impact de son genre sur sa candidature et sa potentielle victoire. Si des arguments comme celui-ci peuvent (peut-être) avoir un poids sur l'opinion, ils n'en demeurent pas moins déconnectés des fonctions que les politiques devraient exercer.

Elisabeth Lévy

Elisabeth Lévy

Elisabeth Lévy est une journaliste, polémiste et essayiste française. Elle est également directrice de la rédaction du magazine Causeur et auteur de plusieurs livres dont La gauche contre le réel aux Editions Fayard et Les Maîtres-censeurs aux Editions JC Lattès.

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Atlantico : Le 7 juin dernier, Hillary Clinton a déclaré devant ses sympathisants à Brooklyn : "C’est la première fois dans l’histoire de notre pays qu’une femme est investie par l’un des grands partis". Et elle a ajouté : "La victoire de ce soir n’est pas celle d’une personne, elle appartient à des générations de femmes et d’hommes qui se sont battus et se sont sacrifiés et ont rendu possible ce moment". Dans l'histoire contemporaine, de nombreuses femmes ont accédé aux responsabilités politiques (Margaret Thatcher, Dilma Roussef, Elisabeth II...). L'exercice du pouvoir par une femme est-il vraiment différent de celui d'un homme ? Quels enseignements peut-on en tirer ?

Elisabeth Lévy : Hillary Clinton est la dernière d'une longue série de femmes qui ont été candidates, présidentes, et Premier ministre, y compris dans les pays musulmans. La question de savoir si les femmes peuvent exercer le pouvoir n'est plus posée nulle part, même dans des pays plutôt rétrogrades concernant le statut de la femme. Je ne vois pas en quoi il s'agirait d'un exploit particulier dans une société démocratique et égalitaire. Quant à l'idée selon laquelle les femmes exerceraient mieux le pouvoir ou avec des méthodes plus douces que les hommes, il suffit de penser à des femmes célèbres comme Agathe Uwilingiyimana ou encore Winnie Mandela pour se convaincre du contraire. En réalité il n'y a pas de spécificité dans l'exercice du pouvoir par une femme, comparativement à un homme. Ni sur le plan de l'efficacité, ni sur le plan des méthodes employées. Hillary Clinton a remporté l'investiture démocrate, mais ce n'est que sa propre victoire.

Il y a dans ses propos une sorte de victimisation à rebours, qui tend à dire : "C'est tellement formidable, toutes les femmes sont tellement opprimées..." De la victimisation, alors qu'elle est au sommet ? Il faut le faire...

On pourrait évoquer la séduction, mais les hommes séduisent aussi. Peut-être que la seule différence entre les deux, c'est qu'elles peuvent jouer les mijaurées, les oies blanches et les victimes. Il est vrai que cela plait beaucoup en ce moment... et que il est plus difficile pour un homme de jouer ce rôle.

Avec ces propos, Hillary Clinton montre qu'elle doit ratisser large pour remporter la présidentielle. Si elle vise l'Amérique bobo, elle doit passer pour la candidate "terranova". Mais elle connaît ses cartes électorales, et je ne pense pas qu'elle soit suffisamment bête pour se laisser enfermer dans la flatterie des minorités, d'autant qu'elle devra faire face à Trump. Sans doute se laisse-t-elle aller à ce genre de déclaration pour appâter le média. Ces propos, c'est de la viande jetée aux piranhas journalistes.

La vraie victoire des femmes aura lieu quand personne ne se souciera du fait qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme lorsqu'un nouveau dirigeant sera élu. Ce qui est d'ailleurs à peu près le cas : je doute que les Américains votent pour elle parce qu'elle est une femme. Ils le font parce qu'ils ne veulent pas de Donald Trump, ou parce qu'ils sont démocrates. 

Lorsque Margaret Thatcher est devenue Premier ministre en Grande-Bretagne, le pays a-t-il réellement fonctionné différemment ? La condition féminine, plus particulièrement, a-t-elle progressé ? 

Il a fonctionné différemment de la manière dont il avait fonctionné sous ses prédecesseurs et de celle dont il a fonctionné sous ses successeurs, mais pas parce que c'était une femme ! 

On se souvient du symbole que représentait Barack Obama lorsqu'il est entré à la Maison Blanche en 2008. Pour autant, les tensions interraciales sont loin d'avoir disparu sous son mandat aux Etats-Unis. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?

Pour Barack Obama, le symbole était important car l'histoire américaine est chargée d'une ségrégation raciale terrible. Symboliquement cela avait du poids, même si ça n'explique pas l'accueil qui lui a été réservé. Et il fallait être stupide pour imaginer que les tensions interraciales allaient s'évanouir avec l'élection de Barack Obama. Le prochain, ce sera quoi ? Un homosexuel ? 

Quels équivalents de cette attitude d'Hillary Clinton observe-t-on en France, notamment depuis le début du quinquennat Hollande ? Dans quelle mesure l'exercice du pouvoir dans notre pays est-il lié à l'origine, au sexe ou à la religion des personnalités qui nous dirigent ?

J'ai terminé un de mes articles en posant l'hypothèse que le rêve des bobos était en voie d'être réalisé : celui où une femme serait élue Présidente et nommerait un Premier ministre gay en France. Mais comme être une femme fait partie des marqueurs du camp du bien, alors que le Front national représente le mal, les scores de Marine Le Pen ne sont jamais crédités pour la cause des femmes. C'est amusant, non ?

L'exercice du pouvoir n’est lié à aucun de ces critères, même si au début c'est souvent un casting. Najat Vallaud-Belkacem n'est pas mauvaise parce qu'elle est d'origine marocaine, ou parce qu'elle est une femme. Elle est mauvaise parce qu'elle est mauvaise. Sa réforme du collège est pourrie, mais cela n'a rien n'a voir avec le fait d'être une femme. On a le droit d'être mauvais sans justification ! Et les femmes seront aussi nulles que les hommes, ne vous inquiétez pas pour ça... C'est la grande victoire du féminisme, et les féministes ne devraient d'ailleurs pas se plaindre parce que désormais, il y a une flopée de femmes toutes aussi idiotes que leurs congénères masculins, voire plus. 

Entre nous, je ne trouve pas que la parité ait produit une grande amélioration de l'intelligence à l'Assemblée nationale. Ce qui veut dire en termes choisis que l'on a fait passer des femmes stupides avant des hommes plus intelligents. 

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