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Anne Fillon, cette mère paisible qui a su couver François, ce fils "flegmatique"... Et "rebelle"
©JOEL SAGET / AFP

Bonnes feuilles

Elles s’appellent Luisa Valls, Anne Fillon, Pierrette Le Pen, Jeanine Mélenchon, Viviane Le Maire, Andrée Sarkozy ou Emma Bayrou… Qui sont les mères des femmes et des hommes politiques ? Ont-elles forgé leur caractère, et jusqu’à quel point ? Extrait de "Les politiques aussi ont une mère" de Bernard Pascuito et Olivier Biscaye, aux Editions Albin Michel (1/2).

Bernard  Pascuito

Bernard Pascuito

Bernard Pascuito est journaliste et éditeur. Il a notamment été reporter, puis rédacteur en chef à France dimanche. En 2004, il a fondé sa propre maison d'édition.

Biographe, il a publié des ouvrages sur des célébrités diverses, parmi lesquels : Gainsbourg, le livre du souvenir (Sand, 1991), Coluche, toujours vivant (Payot, 2006) ou Dalida, une vie brûlée (l'Archipel, 2007).

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Olivier Biscaye

Olivier Biscaye

Ancien directeur des rédactions du Groupe Nice-matin et Var-matin de 2009 à 2014, Olivier Biscaye, 38 ans, a occupé des fonctions de rédacteur en chef en presse quotidienne et hebdomadaire de 2003 à 2008. Journaliste politique, il a collaboré, animé et coanimé des émissions d'entretiens à la radio et à la télévision. Il a écrit la première biographie consacrée à Bruno Le Maire (Bruno Le Maire, l'insoumis, Editions du Moment, 2015).

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François Fillon est un rebelle. Cela n’apparaît pas au premier regard. Quand on l’observe avec attention, on découvre à quel point ce gentleman paisible, modéré, et qui ne lève jamais le ton, peut s’emballer en quelques secondes. Il en a fait la preuve pendant toute la campagne des primaires de la droite et du centre. Au début, personne ne s’en apercevait, ce qui n’est pas étonnant puisque personne ne faisait attention à lui. Et puis, lors des débats, on l’a vu parfois monter d’un ton et rembarrer adversaires ou journalistes dont les remarques l’avaient insupporté ou simplement irrité. Il peut être moqueur ou ironique. Il est ainsi et ça ne date pas d’hier. On se souvient qu’à peine nommé Premier ministre par Nicolas Sarkozy en 2007, il avait, lors d’un voyage en Corse, lâché cette phrase lourde de sens : « Je suis aujourd’hui à la tête d’un État en faillite. » C’était inquiétant pour tous, désagréable pour ses prédécesseurs, et l’emploi du « je » avait contrarié son président. Pour le moins. Peu importe à François. Capable de se taire longtemps, d’abriter ses humeurs sous des airs flegmatiques, quand il desserre les vannes, on sent que rien n’est décidé. C’est un barrage qui saute, et ça fait plus ou moins de dégâts selon les moments. Ce n’est plus son souci. Il est ainsi depuis l’enfance car, rebelle, François l’a toujours été.

Il l’assume, reconnaissant froidement qu’il n’aime pas être dépendant et ne supporte pas l’autorité. Il a commencé très jeune dans le registre, s’opposant à l’autorité de son père, avant de se frotter à celle de ses professeurs. Et des adultes en général. Ces rébellions qui étaient aussi parfois des révoltes, il ne les regrette pas plus aujourd’hui qu’il ne s’en excusait hier. Tout juste consent-il à expliquer que son père était quelqu’un de très autoritaire, comme si ceci devait expliquer cela. De toute son enfance, une seule personne a pu peser sur ses choix, ses désirs et les directions qu’il voulait prendre.

C’est Anne, sa mère, celle qui, entre autres, lui a transmis sa sérénité, son sourire paisible et ce calme impérial qui, souvent, dissimulent des bouillonnements intérieurs. Anne a compris très vite que François est un tendre, un affectif sensible à toutes les marques d’amour et de gentillesse, rétif à tout ce que l’on veut lui imposer par l’autorité ou la force des mots. C’est tout simple, Anne et François étaient faits pour s’entendre, il est donc bien heureux que le destin les ait unis pour toujours en tant que mère et fils. Le parcours d’Anne a pu servir de modèle à François tant il est exemplaire : intelligence, sérieux, patience et don de soi sont des qualités que l’on retrouve chez l’un comme chez l’autre.

Peu après leur mariage, et comme son jeune mari, stagiaire dans une étude de notaire, gagne mal sa vie, Anne arrête ses études pour entrer dans l’enseignement. Elle met ainsi entre parenthèses ses désirs de devenir historienne. L’essentiel est de soutenir Michel avec son salaire. L’intervalle durera vingt ans. Anne enseigne le latin, le français et l’anglais dans deux institutions au Mans pour des élèves allant de la sixième à la seconde. En 1954, François, le premier enfant du couple, arrive au foyer. C’est un bébé gracieux qui ne donne aucun souci. Sa mère n’est jamais aussi radieuse que lorsqu’elle le tient dans ses bras. Le destin va vite favoriser leur entente. François, à peine âgé de deux ans, se retrouve seul avec sa mère, en avril 1956, son père, Michel, ayant été appelé en Algérie en pleine guerre d’indépendance.

Les combats étaient meurtriers, les attentats aussi. La peur régnait partout, les militaires du contingent vivaient dans l’angoisse des jours et des nuits. Ils étaient des cibles privilégiées. Des appelés mouraient dans des affrontements. Le régiment de Michel Fillon attendait, tout près d’Alger, d’être envoyé d’un moment à l’autre dans le djebel s’il survenait un coup dur. Loin de là, en métropole, Anne Fillon, restée seule avec son premier fils, passait ses jours et ses nuits à attendre des nouvelles de Michel tout en craignant d’apprendre le pire. Les courriers qui arrivaient étaient des messages d’espoir tant qu’ils n’avaient pas été ouverts. La radio distillait des nouvelles régulièrement sans que l’on sache si elle disait vraiment tout. La nuit, Anne pleurait et priait. Le jour, elle essayait de cacher son angoisse pour que son petit garçon de deux ans ne s’aperçoive de rien. Mais on ne cache pas grand-chose à un enfant quand il s’agit du sort de son père et du chagrin de sa mère. Comme s’il voulait entrer lui aussi dans l’histoire de ces deux adultes séparés contre leur volonté, le petit François enserrait de temps en temps les jambes d’Anne, tout en murmurant : « Pleure pas, maman, papa, il reviendra. »

« Papa » a fini par revenir et la vie a pu reprendre. Presque normale. Michel a fini son stage de notariat, et s’est installé à vingt-cinq kilomètres du Mans, à Cérans-Foulletourte, village de la Sarthe. Il a racheté à bas prix une étude en plein laisser-aller. Pour retrouver une clientèle, dynamiser son activité, il faudra du temps et de l’argent. Et beaucoup de travail. Michel emprunte autant qu’il peut et se met à la tâche. Les débuts sont pénibles. Anne doit continuer à travailler. Il faut parer au plus urgent. Le problème se pose de faire garder son fils de trois ans pendant qu’elle donne ses cours. Les solutions ne sont pas nombreuses. Surgit une idée. Les religieuses qui dirigent l’institution autorisent la jeune mère à amener son petit garçon au jardin d’enfants de l’établissement. Cette nouvelle organisation va aussi permettre à François de prendre d’emblée une avance scolaire sur les enfants de son âge. S’étant retrouvé tout de suite avec des élèves plus âgés que lui et au contact d’adultes versés dans l’enseignement, il a commencé son apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’âge des bacs à sable. Voilà sans doute pourquoi, quelques mois plus tard, il s’exprimait d’une manière étonnante, avec des raisonnements d’adulte, ce qui n’est généralement pas le cas des enfants de trois ans et demi. Très tôt, il montre une maturité inhabituelle, que l’on retrouve dans certaines de ses réflexions.

Extrait de "Les politiques aussi ont une mère" de Bernard Pascuito et Olivier Biscaye, ©Editions Albin Michel 2017

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