Amis de la décroissance, retenez ce chiffre : vous devrez vivre avec… 18€ par jour et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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La bourse, photo d'illustration AFP
La bourse, photo d'illustration AFP
©Bryan R. Smith / AFP

Ah ! Non ! C'est un peu court !

L’idéologie décroissante séduit de plus en plus à gauche. Pour autant, le projet n’est pas nécessairement viable… et peut-être aussi assez méconnu de ses adeptes. Explications.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Max Roser

Max Roser

Max Roser est chercheur à l'université d'Oxford et fondateur et rédacteur en chef de Our World in Data.

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Max Roser, chercheur à l’université d’Oxford et économiste : 

"Certaines statistiques méritent d'être connues par cœur : Le revenu moyen dans le monde par personne est de 18 dollars par jour. Ce chiffre est ajusté pour tenir compte des différences de niveaux de prix. Cela signifie que si les revenus étaient répartis de manière parfaitement égale dans le monde, chacun d'entre nous vivrait avec 18 dollars par jour.

À titre de référence, les seuils de pauvreté dans les pays à revenu élevé se situent généralement autour de 30 dollars par jour, soit un peu moins de 1 000 dollars par mois. (Ces chiffres tiennent également compte des différences de niveaux de prix).

Cette source de données est la nouvelle plateforme Poverty and Inequality Platform, que vous pouvez explorer ici : https://ourworldindata.org/grapher/daily-mean-income?tab=chart&country=~OWID_WRL

Les gens disent que si on leur donnait 18 dollars par jour, ils iraient s'installer à Bali et y vivraient une vie heureuse. Non, ce n'est pas possible. Les différences de prix sont prises en compte. Où que vous soyez dans le monde, vos conditions de vie matérielles seront les mêmes que celles d'une personne disposant de 18 dollars aux États-Unis.

18 $ par jour est le revenu moyen mondial basé sur des données d'enquête. Si vous souhaitez en savoir plus sur la mesure du revenu et sur la différence entre cette mesure et le PIB par habitant, vous pouvez consulter mon article https://ourworldindata.org/what-is-economic-growth… En voici un extrait :

Certains s'interrogent sur le revenu médian mondial. Selon la même source, il est de 7,56 dollars par jour. Cela signifie que la moitié de la planète vit avec moins que cela. D'autres s'interrogent sur les revenus moyens et médians dans certains pays. Voici ce qu'il en est : https://ourworldindata.org/grapher/mean-versus-median-monthly-per-capita-expenditure-or-income"

Vous pouvez retrouver le thread initial (en anglais) en suivant ce lien : https://twitter.com/MaxCRoser/status/1661647776629899264. Traduit avec l'aimable autorisation de Max Roser.

Atlantico : Si les décroissants pouvaient fixer le salaire moyen, ou un équivalent, celui-ci s’élèverait à un équivalent 18 dollars par jour, à en croire les récents calculs de l'économiste Max Roser. Quels sont les enseignements que l'on peut en tirer ?

Pierre Bentata : C’est 18 dollars par jour pour vivre aux États-Unis. Ce chiffre doit être ramené en fonction du pouvoir d’achat. En moyenne, un Américain vit avec plus de 30 dollars. Il faudrait donc diminuer d’un tiers notre capacité à consommer au quotidien par rapport à ce qu’on consomme aujourd’hui. Cela signifie que la consommation devrait être en moyenne un peu plus de 30% inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui.

Peut-on soutenir que la décroissance est viable ?

Pierre Bentata :Si on avait une égalité parfaite des revenus et que l’on est favorable à la stagnation, les 18 dollars correspondent à ce qu’un individu aurait en moyenne, ce qui est complètement absurde. Cela voudrait dire qu’il faut que la population mondiale soit plus pauvre pour que l’on entre dans une phase de stagnation. Cela veut dire en moyenne que si vous répartissez de manière équitable, on vivrait tous à 18 dollars par jour. Aujourd’hui, près d’un milliard de personnes vivent dans la pauvreté. Leur proposer une décroissance me paraît humainement inacceptable.

Cela suppose que la croissance ne peut être infinie sur une terre finie. Les décroissants cherchent à répondre aux défis écologiques.  Comment concilier confort de vie, économie et environnement si on accepte que la décroissance n’est pas la solution ?

Pierre Bentata : Ils jouent sur l’ambiguïté, sur un faux raisonnement. Cela remonte à un économiste américain, Nicholas Georgescu-Roegen qui a démontré l'idée que les ressources du monde étaient finies dans les années 1970 et qui depuis a été repris partout. Il part d’un constat pourtant faux. Les règles d’organisation qui font émerger des innovations permettent de dépasser cette contrainte. Le moment fatidique où l’on n’aura plus de ressources n’arrive pas car on a la solution. Les pays les plus riches sont ceux qui innovent le plus sur le terrain écologique. On a une corrélation très forte entre développement, PIB par tête et qualité de l’environnement, ou encore en matière de protection de la biodiversité et de l’habitat. Ce n’est pas pour rien que ce sont les pays les plus riches qui ont le meilleur allongement de la vie ou la meilleure protection de la biodiversité. Il arrive, à un certain moment, comme le montre Kuznets, où le niveau de richesse à partir duquel l’environnement en tant que tel prend de la valeur. En réalité, la solution émerge d’un système que détestent les décroissants qui est le marché. Cela montre que le libéralisme fonctionne. Ils sont dans une sorte de dissonance cognitive car ils voient bien où est la solution, mais cette dernière porte sur un système qu’ils détestent. Ils préfèrent finalement lutter contre le capitalisme que protéger l’environnement.

Quelles seraient les limites en matière de répartition si tout le monde vivait avec 18 dollars ?

Pierre Bentata : Sur terre, les richesses sont énormes mais si on suit la logique des décroissants, on aurait une pauvreté qui s’accroîtrait par rapport à aujourd’hui. On voit bien que cela n’est pas satisfaisant, sauf à accepter que le milliard qui vit sous le seuil de pauvreté soit ceux que l’on va sacrifier pour une cause telle que la lutte contre le capitalisme. C’est aberrant.

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