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Alerte aux actions terroristes imminentes en Europe : où et comment auront-elles lieu ?
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En mai, le directeur de la sécurité intérieure française alertait quant au recours aux voitures piégées par des groupes terroristes sur le sol européen. Une crainte confirmée par un récent rapport d'Europol.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Tous les responsables politiques craignent que plusieurs actions terroristes aient lieu en Europe dans les prochains temps. Mais, une partie du public ne semble plus vraiment y croire car rien ne se passe depuis quelques temps et l’oubli fait rapidement son œuvre, bien sûr, en dehors des personnes qui ont été directement ou indirectement victimes des derniers évènements tragiques. Cette capacité d’absorption est d’ailleurs fascinante. Elle constitue une véritable parade qui participe à la résilience des populations. Après une période de sidération, ces dernières reprennent leurs activités normales même si elles sont traversées par quelques moments d’inquiétude au moment où elles empruntent les transports en commun ou participent à des manifestations de masse.

Mais tous les spécialistes en sont certains, les seules questions qui se posent désormais sont : "quand" et "où" ? Les services de sécurité font tout pour contrecarrer ces menaces, et des arrestations ont lieu presque tous les jours mais la tâche est disproportionnée, les effectifs et les moyens restant limités. Il ne faut pas s’illusionner : ils ne pourront pas être augmentés indéfiniment. De plus, à être trop aux créneaux, la lassitude due à la fatigue peut parfois gagner certains, même si leur motivation reste intacte. Il est impossible de rester en permanence totalement attentif. Les agresseurs ont l’avantage de la surprise car ce sont eux qui choisissent les réponses aux questions "quand" et "où", ne se préoccupant que du "comment". 

Tous les signaux sont aujourd’hui au rouge. Depuis des semaines, et plus particulièrement depuis la fin novembre, la propagande de Daech déverse de multiples appels au meurtre via ses différents canaux comme le "centre de médias" An-Nur (édité en français) qui écrit le 29 novembre : "en tant que musulman, je me sens obligé de prendre mon camion et de me diriger vers mes ennemis à qui je vais infliger une vraie punition jusqu’à les affliger". La référence à l’attentat de Nice du 14 juillet de cette année est flagrante. Le 27 novembre, An-Nur publie le texte suivant : "Ô Partisan du Califat, Les Soldats du Califat ont entraîné les adeptes de la mécréance dans une guerre et sanglante et éprouvante. Des affrontements féroces font rage dans chaque contrée et les mujahidin, arme à la main, affrontent, sans répit, les ennemis d’Allah afin d’éradiquer l’idolâtrie. Quant à vous, ô partisan(e)s du Califat, ô frères et sœurs en Allah, ne soyez pas dans l’attente des publications et communiqués ! Invoquez Allah, sans qui les victoires ne sauraient être possibles. Publiez et partagez les informations, prenez le contrôle des réseaux sociaux et participez à la guerre médiatique. Qu’Allah bénisse les mains par lesquelles la vérité éclate jour après jour". L’intérêt porté par Daech aux réseaux sociaux et à la guerre médiatique est criant.

Indéniablement, ces messages sont destinés à des fidèles à la cause islamiste radicale qui séjournent déjà en Europe afin qu’ils se décident à passer à l’action. A noter que la référence à l’islam est permanente et répétée. Le problème réside dans le fait que les sympathisants de Daech trouvent dans les textes sacrés (le Coran, la vie de Mahomet, et les hadiths) ce qu’ils viennent y chercher : la justification du recours à la violence. Il n’est pas question de leur parler d’interprétation des textes car ils revendiquent leur pureté originelle. Pour eux, ceux qui interprètent la parole de Dieu telle qu’elle est transcrite dans les textes sacrés sont des "apostats" (des traîtres à l’islam) au premier rang desquels se trouvent les chiites.

Le dernier rapport d’Europol souligne d’ailleurs que la menace pourrait être le fait d’ "acteurs solitaires" (pour ne pas employer l’appellation controversée de "loups solitaires") qu’ils aient ou non des contacts sur des théâtres de guerre extérieurs. Les moyens qu’ils pourraient employer vont de l’arme blanche au poids lourd lancé sur la foule.Il n’est pas impossible, toujours selon cette étude, que des véhicules piégés et même des armes chimiques ne soient employées. En ce qui concerne les cibles, l’hypothèse la plus probable est l’attaque de "cibles molles" mais pas d’objectifs protégés comme des infrastructures du type centrales nucléaires.

L’éventuelle entrée en lice de résidents semble être évident car les volontariats au martyre pour venger les "frères" musulmans "assassinés" par les infidèles sur les différents théâtres de guerre se multiplient. Même des femmes -souvent très jeunes- expriment leur intérêt pour le djihad et font l’éloge de la violence contre les non musulmans, ainsi que du martyre. Il convient de rappeler que l’idéologie prônée jusqu’ici par Daech leur refuse un rôle combattant direct, mais l’urgence faisant, cela est peut-être en train de changer.

Selon Europol, il n’est pas impossible que des commandos soient envoyés depuis le front syro-irakien mais aussi de Libye. Et même, "plusieurs douzaines" d’activistes pourraient être déjà en place.

Et c’est là que l’on reparle des Inghimasi (les "immergés"), les héritiers des Heyssessini (la secte des "assassins", 1090-1257, qui dépendait toutefois du chiisme). Cette appellation apparue en 2011 fait référence à des activistes qui partent au combat sans espoir de retour mais qui, à la différence des kamikazes -les Istishhhadi- doivent combattre. Ce sont eux qui choisissent de se sacrifier s’ils risquent d’être capturés ou de se retrouver à court de munitions.

Fréquemment employés en petits groupes sur le front syro-irakien, mais aussi en Libye et sur le front AfPak (Afghanistan-Pakistan), ils existent au sein de tous les mouvements salafistes et Al-Qaida "canal historique" en a beaucoup fait l’usage. Il convient de ne pas oublier que cette organisation est responsable de l’attaque de la rédaction de Charlie Hebdo en janvier 2015 à Paris. Les frères Kouachi en étaient peut-être.

Les Inghimasi sont équipés d’armes d’infanterie -majoritairement de fusils d’assaut- et portent un gilet explosif. Si sur les champs de bataille, ils participent aux combats aux avant-postes souvent revêtus de l’uniforme de leurs adversaires pour mieux les tromper(1), ils peuvent aussi mener des opérations de type terroriste à l’extérieur, et plus particulièrement en Europe. Les activistes de Daech, qui se sont attaqués au Bataclan et aux terrasses de café à Paris le 13 novembre 2015, peuvent être assimilés à des Inghimasi. A la différence des kamikazes (Istishhadi) du stade de France qui n’étaient pas équipés d’armes à feu et qui devaient uniquement se faire exploser au sein de la foule, ils ont conduit des combats d’infanterie (plutôt des massacres puisqu’ils s’attaquaient à des civils désarmés) et ne se sont fait sauter qu’au dernier moment. En fait, le but des Inghimasi est de combattre le plus longtemps possible pour faire un maximum de victimes ce qui les amène finalement à être coincés par les forces adverses sans être en mesure de s’exfiltrer. Ils choisissent alors de se sacrifier.

Aux résidents islamistes convaincus et aux commandos infiltrés(2), il convient d’ajouter les migrants qui constituent un cheptel de recrutement particulièrement intéressant, que ce soit des salafistes-djihadistes ou des membres du crime organisé. Europol relève d’ailleurs des connexions probables entre les deux structures, le crime pouvant fournir la logistique, et en particulier les armes qui sont délicates à acheminer depuis l’étranger. A savoir que les migrants rencontrent des conditions de vie pitoyables et certains risquent d’être tentés de rejoindre des recruteurs qui viennent leur expliquer que leur salut est dans la lutte ou dans les trafics divers et variés.

Le sentiment principal qui motive tous ces aspirants au martyre est la haine de l’autre(3) et la possibilité de rédemption par la violence qui va jusqu’au sacrifice suprême. C’est d’ailleurs là leur grande différence avec les révolutionnaires marxistes-léninistes (et quelques maoïstes) des années 1970. Ces derniers voulaient bien assassiner mais ils tenaient à rester en vie. Leur lecture de l’islam des origines sert de support central à leur démarche mortifère. Et puis aujourd’hui, tuer n’est plus tabou. De derniers faits divers relevant du domaine du droit commun viennent encore de le démontrer. On sort le couteau pour un oui ou un non.

1.        Ils sont alors utilisés en forces de rupture, accompagnant souvent un (ou des ) véhicule(s) bourré(s) d’explosifs conduits  par des kamikazes dits Istishhadi. Ils peuvent aussi être employés en combat retardateur pour permettre aux autres combattants de s’exfiltrer plus facilement.

2.        Qui peuvent comprendre à la fois des Inghimasi et des Istishhadi.

3.        Une radicalisée avoue avoir des "pulsions meurtrières" quand elle emprunte les transports en commun.

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