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Aimez-vous la cochenille ? Parce que vous en mangez tout le temps sans le savoir...
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Hmmmm... miam miam !

La cochenille permet de colorer une énorme partie des plats que nous mangeons régulièrement, de la charcuterie aux sodas, en passant par les yaourts. Ce petit insecte produit un colorant qui permet de produire le E120, notamment utilisé dans le Coca-Cola.

Jean-Baptiste de Panafieu

Jean-Baptiste de Panafieu

Jean-Baptiste de Panafieu est auteur scientifique, qui cherche avant tout à vulgariser des procédés scientifiques parfois méconnus ou complexes. Il a fait des études en biologie, puis s'est attelé à des recherches en océanologie. Il a ensuite enseigné, à des élèves de collèges et de lycées, les sciences naturelles. Il a écrit, notamment, Les insectes nourriront-ils la planète (Le Rouergue) en 2013.

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Atlantico : Si certains sont persuadés de ne jamais manger d'insectes, il s'avère pourtant qu'ils ont déjà avalé des cochenilles. Comment celle-ci est-elle utilisée dans l'agro-alimentaire et en cuisine ?

Jean-Baptiste de Panafieu : La cochenille est utilisée comme colorant, c'est d'elle que certains plats et aliments – comme la saucisse de Francfort et d'autres formes de charcuteries – tiennent leur teinte rosées. Elle permet également de colorer d'autres mets, comme certains yaourt mais aussi des boissons et des sodas. Le colorant extrait de la cochenille, le E120, est notamment utilisé par le coca-cola.

La cochenille est, aujourd'hui, le seul insecte autorisé à la consommation en France, tandis qu'il existe une douzaine d'espèces disponibles sur le marché Belge. Elle n'a, néanmoins, aucune autre utilisation que celle de colorant, ne serait-ce qu'en raison du coût que son élevage représente : il s'agit d'un insecte particulièrement petit, complexe à cultiver et qui, finalement ne représente qu'un complément alimentaire anecdotique en termes de consommations d'insectes. Particulièrement quand on sait que nous avalons en moyenne entre 300 et 500 grammes d'insectes par an – soit l'équivalent d'un steak bien fourni. La nourriture que l'on ingère compte évidemment des restes d'insectes, que ce soit dans les farines ou les pâtes alimentaires et les céréales. Il est, dans les faits, impossible de se débarrasser d'absolument tous les résidus, aussi il existe une certaine forme de tolérance quant à cela.

La cochenille a également inspiré un colorant semblable, mais synthétique, qu'on appelle le carmin de cochenille.

Dans quelles conditions ce colorant est-il produit ? Dans quels pays ? Avec quelles garanties de traçabilité ?

La cochenille est un insecte parasite, qui vient se fixer sur une variété de cactus qu'on appelle Opuntia. Les cochenilles se fixent sur la raquette du cactus et se nourrissent de sa cève – ce qui peut potentiellement tuer le cactus quand trop de cochenilles s'installent. Et puisqu'ils s'agit d'insectes particulièrement aplatis, ils ont une capacité singulière à se fixer sur ces feuilles de cactus.

Dans le cadre d'un élevage, comme on peut en trouver aux Canaries (qui ne représentent qu'une petite partie de la production mondiale de cochenilles), il faut ensuite passer à la récolte des insectes. Bien souvent, pour pouvoir nourrir les cochenilles on dispose également de cultures d'opuntia, et puisqu'il faut récolter l'ensemble des cochenilles à la main, les coûts peuvent vite enfler, et faire du colorant un bien coûteux. Pour extraire le colorant, il convient d'abord de tuer l'insecte. Selon la façon dont c'est réalisé, celui-ci ne sera pas exactement le même. On utilise un solvant pour extraire le colorant, naturellement produit par la cochenille – qui lui sert à repousser les prédateurs.

La majeure partie de cette production, qui reste cependant assez réduite, se situe en Amérique du Sud, et tout particulièrement au Pérou. Etant donné que le colorant issu de la cochenille est particulièrement puissant, il n'y a pas besoin d'énormément de cochenilles pour colorer efficacement un aliment ou même un tissu. En raison de la taille relativement minime de cette culture, je ne crois pas que l'on connaisse de vrai problèmes de traçabilité.

Quels peuvent-être les risques, notamment d'allergie, liés à la coloration par la cochenille ? Certains produits utilisés pour stabiliser la couleur posent-ils également problème ?

Je ne suis pas sûr qu'il y ait des résultats secondaires particulier avec le colorant E120 dont nous parlions plus tôt, pas plus qu'avec la cochenille. Il s'agit de structures moléculaires que nous connaissons bien, et depuis longtemps. La cochenille était déjà utilisée durant l'antiquité Romaine et servait notamment de teinture pour les toges des plus aisés. On utilisait à l'époque des cochenilles méditerranéenes qui au lieu de se fixer sur des cactus s'installaient sur des petits chènes. Quant au colorant E120, ce n'est pas l'amarante : il est aujourd'hui utilisé dans nombres de préparations toutes plus banales que les autres, tant et si bien qu'on en avale vraisemblablement tous les jours. S'il est encore autorisé aujourd'hui, c'est bien parce qu'il est considéré comme innofensif. Les colorants dont on s'est apperçus qu'ils étaient dangereux comme le E123 qui correspond à l'amarante ont été retirés du marchés. Les substances dangereuses sont rapidement écartées de notre alimentation.

Néanmoins, il peut effectivement exister un risque réel, qui réside dans l'allergie. Davantage que l'allergie au colorant c'est, à mon sens, l'allergie à la cochenille en tant que telle (et à différents insectes) qui peut s'avérer dangereuse. De la même façon que l'allergie à la crevette, cela peut devenir un danger pour une partie de la population, puisqu'on rencontre les mêmes molécules chez les insectes et les crevettes. Ce qui peut effectivement être un problème de santé publique, dans la mesure où tout un pan de la population est susceptible d'être touchée. C'est toutefois quelque chose à nuancer, dans la mesure où ce danger est le même quelque soit l'allergie dont on parle. Comme pour l'allergie aux pollens, aux acariens ou aux poils de chat, par exemple, on constate divers degrés de sensibilité et donc divers degrés de risques. Il faut donc être particulièrement vigilant. De plus, quelqu'un déjà sensible aux crustacés devrait sans doute éviter de consommer des insectes car cette abstention serait bien plus prudente. Les deux allergies ne sont pas nécessairement liées, elles peuvent l'être néanmoins.

Faut-il éviter de consommer des produits colorés de cette façon ? Quels substitutifs existent ?

Dans le passé, on utilisait également des petits coquillages pour teinter les tissus et les toges, en méditerrannée. Cependant, ce colorant était particulièrement onéreux, et a petit à petit disparu au profit de la cochenille. Elle même a partiellement disparu quand nous avons commencé à maîtriser les colorants chimiques. Ils représentent aujourd'hui la majorité des colorants utilisés et disponibles sur le marché. On assiste donc régulièrement à un processus de remplacement, pour des colorants moins chers et souvent de plus en plus efficaces. Néanmoins, si la cochenille refait surface aujourd'hui, c'est aussi parce que de plus en plus de consommateurs demandent une alimentation plus saine, plus naturelle. C'est cela qui traduit ce phénomène.

L'autre alternative à la cochenille, outre le synthétique comme le rose-cochenille, c'est le fruit. On est aujourd'hui capable d'extraire des colorants de fruits, qui pourraient donc devenir une piste intéressante.

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