Aider les pauvres plutôt que de punir les riches : comment Obama inverse la problématique de la lutte contre les inégalités <!-- --> | Atlantico.fr
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Barack Obama veut se concentrer sur le sort des plus pauvres sans en faire payer le prix aux riches.
Barack Obama veut se concentrer sur le sort des plus pauvres sans en faire payer le prix aux riches.
©Reuters

Mieux qu'à la française

Barack Obama a déclaré à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union vouloir "faire accélérer la croissance, renforcer la classe moyenne et créer des nouvelles passerelles vers la classe moyenne".

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Deslol est avocat fiscaliste et président de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscale, IREF, essayiste dont le dernier ouvrage est Civilisation et libre arbitre paru en 2022 cher Desclée de Brouwer.

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Atlantico : Barack Obama a déclaré à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union vouloir "faire accélérer la croissance, renforcer la classe moyenne et créer des nouvelles passerelles vers la classe moyenne".  Il s'est notamment prononcé en faveur d'une hausse du salaire horaire minimum, pour le faire passer de 7,25 dollars de l'heure à 10,10 dollars. Quelle philosophie se cache derrière cette déclaration ? Quelles en sont les vertus ?

Jean-Philippe Delsol : Les vertus, ou l'absence de vertus ! En effet, Barack Obama a en ligne de mire un modèle européen, et plus particulièrement, français, d'Etat-providence. D’où l'Obamacare, ou l'encadrement des contrats d'assurance. Beaucoup d'Américains sont de ce fait obligés de s'assurer à des prix plus élevés. On voit qu'il veut nous copier, notamment lorsqu'il dit vouloir accélérer la croissance. Mais il oublie que ce n'est pas l'Etat qui accélère la croissance. Ce n'est pas une politique de l'offre qu'il prône, puisqu'il déclare que c'est l'Etat qui pilote l'économie. Il doit rendre l'initiative aux acteurs de la société, tant les chefs d'entreprises que les consommateurs, c’est-à-dire tous ceux qui ont en main des moyens d'intervention dans le marché. Là est la faille majeure de ce discours.

Il veut augmenter les revenus de tous grâce à un salaire minimum qui passerait à 10,10 dollars de l'heure. L'augmentation est conséquente. En réalité, les économistes s'accordent à dire que là où le revenu minimum est trop élevé, c'est l'emploi qui en pâtit. L'Allemagne n'a pas de salaire minimum, avec un chômage à 5,5 % ; la France a un salaire minimum, avec un chômage de personnes à plein temps à 11 %. 3,3 millions de chômeurs officiels, qui en réalité sont au moins au nombre de 5 millions avec les chômeurs à temps partiel, soit un taux proche de 18 %. Mieux vaut ne pas avoir de salaire minimum et davantage de travailleurs. Ils pourront certes avoir des salaires plus modestes, mais tout est relatif en fonction du coût de la vie. Bières, logements modestes  et sandwichs par exemple sont moins chers à  Berlin qu'à Paris.

On sait qu'en part relative par rapport aux autres pays de l'OCDE, le modèle français est un échec, avec une dégradation du niveau de vie, et notamment chez les plus pauvres.

Se concentrer sur le sort des plus pauvres sans se dire que ce sont les riches qui paieront, n'est-ce pas tout de même positif ?

Fondamentalement, il est tout de même mieux, comme c'est le cas aux États-Unis, de ne pas couper les ailes aux entrepreneurs comme on le fait en France. De ce point de vue-là, la démarche des Américains est préférable. Néanmoins elle s'est engagée sur le mauvais chemin.

Il est vrai que les Etats-Unis ont connu un accroissement des inégalités, mais il faut se poser la question autrement. Quel est le plus important ? Moins de riches, ou que les plus pauvres puissent s'enrichir ?  Et si les riches pouvaient être restreints  dans leurs revenus,  y aurait-il moins de pauvres ? Je n'en suis pas si sûr... Pour illustration, depuis 20 ans la pauvreté dans le monde a été divisée par deux, dans le même temps que les écarts entre riches et pauvres se sont accrus. Cette réalité ne vaut pas  démonstration, elle vient juste rappeler qu'ils faut éviter les déductions trop hâtives. En empêchant les riches d'être plus riches, on ne permet pas aux pauvres de sortir de leur condition, ce serait même l'inverse qui se produirait.

Aux Etats-Unis sous l'ère Reagan ou au Royaume-Uni sous l'ère Thatcher, on constate qu'en réalité une catégorie s'est beaucoup enrichie, et qu'en même temps l'ensemble de la population a gagné en pouvoir d'achat. Il faut aussi dire que lorsque les écarts entre riches et pauvres deviennent trop grands et incompréhensibles pour un certain nombre de gens, ils peuvent créer de la révolte chez ceux qui n'ont pas accès à de tels revenus. Il est du devoir de l'Etat de veiller à ce que ces écarts restent acceptables. Néanmoins le gouvernement de Barack Obama, par une politique de l'argent facile, a multiplié par cinq les actifs de la FED au cours de sept dernières années. C'est en faisant cela que les Etats-Unis ont trop enrichi les plus riches. Il faut donc revenir à plus de libertés pour parvenir à un marché "vrai", qui donne le prix réel des choses. Avec un tel marché les riches s'enrichiraient plus raisonnablement, en rendant de vrais services, et non en utilisant de l'argent facile. Pourquoi empêcher un Xavier Niel de proposer un abonnement téléphonique qui coûte 10 à 20 euros de moins que ses concurrents ? Ainsi il s'enrichit, mais il enrichit également tous les Français.

La France est-elle majoritairement réfractaire à cette vision libérale de l'économie et du marché de l'emploi, ou bien s'y convertit-elle progressivement ?

En l'état, la France reste réfractaire. La réforme, souhaitable en soi, de François Hollande,  n'obéit pas à un bon état d'esprit. Le président continue de se dire que c'est à l’État de forger les bons comportements. L'Etat doit empêcher les mauvais comportements, il ne doit pas dicter les bons. Il est inquiétant de constater que François Hollande persiste à vouloir lui donner ce rôle à.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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