Affaire Assange : les dessous du pied de nez équatorien<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Equateur a accordé l'asile politique au fondateur de WikiLeaks Julian Assange, réfugié depuis deux mois dans son ambassade à Londres, une décision qui "ne change rien" pour le gouvernement britannique, pour qui le blocage pourrait s'éterniser.
L'Equateur a accordé l'asile politique au fondateur de WikiLeaks Julian Assange, réfugié depuis deux mois dans son ambassade à Londres, une décision qui "ne change rien" pour le gouvernement britannique, pour qui le blocage pourrait s'éterniser.
©Reuters

Provocation

Pour le président équatorien Rafael Correa, l'affaire Assange constitue une excellente opportunité de construire un nouveau scenario d’hostilité vis-à-vis des Etats-Unis et leur principale alliée européenne, la Grande-Bretagne.

Gabriel Soto

Gabriel Soto

Gabriel Soto est écrivain et spécialiste de l'Amérique latine.

Il écrit ici sous pseudonyme.

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Après avoir hésité pendant plusieurs semaines, le président équatorien, Rafael Correa, vient d’annoncer sa décision d’accorder l’asile politique au hacker australien Julian Assange réfugié, depuis deux mois, à l’ambassade d’Equateur à Londres.

Etant donnée la position très ferme du gouvernement britannique qui ne veut pas permettre qu’ Assange échappe à la justice suédoise, laquelle réclame l’extradition du fondateur de Wikileaks, dans le cadre d’une procédure judiciaire pour violences sexuelles, la question que tout le monde est en droit de se poser est pourquoi le gouvernement équatorien, si éloigné, géographiquement et politiquement  de tout ce remue-ménage, a-t-il accepté de se mêler à un dossier aussi brûlant.

Quelles peuvent être les motivations de Rafael Correa pour agir de la sorte, au risque d’une grave crise diplomatique entre son pays, la Grande-Bretagne et la Suède, qui pèsent sur le commerce extérieur équatorien ?

Il est évident que les arguments présentés tout récemment  par Quito, plus précisément ceux évoquant une nécessaire et urgente  protection d’Assange, lequel se trouverait "menacé de mort" et qui n’aurait "aucune garantie" d’avoir un procès équitable en Suède et même aux Etats-Unis, sont loin de convaincre quiconque.

Rappelons que Quito, sans rougir, a déclaré : “L’évidence juridique montre clairement qu’en se livrant à une extradition vers les Etats-Unis, Assange n’aurait pas un procès juste, il pourrait être jugé par des tribunaux spéciaux ou militaires et il n’est pas invraisemblable qu’on lui applique un traitement cruel et dégradant et qu’on le condamne à une peine à perpétuité ou à la peine capitale, dans laquelle ses droits humains ne seraient pas respectés".

L’ironie est flagrante dans ces arguments téléguidés par le président équatorien qui, au cours de ses deux mandats, n’a pas hésité à mettre au pas et avec une grande brutalité la justice, le pouvoir législatif et la presse de son propre pays.

Pour beaucoup d’observateurs, il est difficile d’accepter l’idée que Rafael Correa, avec sa trajectoire autoritaire, prétende donner des leçons de démocratie et de justice à des pays comme la Grande-Bretagne, la Suède et  les Etats-Unis.

Non, la position du gouvernement équatorien n’a rien à voir avec un quelconque respect de la justice et des droits de l’homme. Dans l’état actuel du dossier, il est évident que la principale motivation du président Correa est idéologique et politique.

Pour Rafael Correa il s’agit d’une nouvelle bataille de son gouvernement, et de son courant idéologique, contre les outrances d’un soi-disant "impérialisme".

Cette position risquée du chef de l’état  équatorien, vise à conforter le supposé camp "anti-impérialiste" en Amérique latine c’est-à-dire les pays gouvernés par des régimes influencés par l’idéologie castriste et chaviste.

Correa agit de la sorte pour se gagner aussi les faveurs du gouvernement argentin de la présidente Cristina Kirchner, laquelle s’obstine à rouvrir le dossier des Malouines et qui exige de Londres d’accepter de se mettre à une table de négociation avec elle. Or tout le monde connaît le résultat de cette démarche : un refus net et sans appel du gouvernement du premier ministre britannique David Cameron.

Dans ce contexte, la péripétie d’Assange à l’ambassade de l’Equateur à Londres ressemble à une tentative de Correa pour  prouver que derrière la position argentine sur les Malouines, se trouve un bloc de pays latino américains capables de se montrer eux aussi très intransigeants vis-à-vis de Londres.

Mais la cible principale de la manœuvre de Correa est les Etats-Unis. Le chef d’Etat équatorien veut rendre inutile, dans la mesure du possible, les démarches de Washington à l’encontre d’Assange accusé par les autorités américaines d’avoir livré sur le Net par centaines, sinon par milliers, des dépêches diplomatiques hautement confidentielles concernant les Etats-Unis.

Correa fait ainsi d’une pierre deux coups : il saisit l’occasion qui lui permet de construire un nouveau scenario d’hostilité vis-à-vis des Etats-Unis et leur principale alliée européenne, la Grande-Bretagne. L’UNASUR, l’organisme avec lequel Hugo Chavez voudrait éclipser l’OEA, dont font partie les Etats-Unis et le Canada, est en train de s’activer sur  la question des Malouines.

Tout cela tombe à pic surtout pour Hugo Chavez, le maître à penser de Correa. En effet, Chavez se trouve actuellement dans une campagne électorale très difficile pour lui au Venezuela. La continuité du projet continental de Chavez dépend de son succès à l’élection présidentielle du 7 octobre 2012.

Cette agitation « anti-impérialiste » en Amérique latine, censée défendre l’angélique Julian Assange, tout en soutenant les aspirations argentines sur les Malouines, est pain bénit pour Chavez et pour les groupuscules chavistes qui cherchent à prendre le pouvoir, de façon définitive et par tous les moyens, même les plus violents, dans tous les pays d’Amérique latine.

Il est évident que Londres et Washington sont parfaitement conscients de ce qui est en jeu et qu’ils ne se laisseront pas berner par les gesticulations du président équatorien.

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