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Abaisser la retraite à 60 ans quand eux la passent à 67 est-il vraiment le meilleur moyen de convaincre les Européens du Nord de mutualiser nos dettes ?
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Tous ensemble, tous ensemble... Oh !

Le ministre allemand des Finances a critiqué mercredi la décision de François Hollande de ramener l'âge de départ à la retraite à 60 ans pour une partie des Français, estimant que cette mesure allait à l'encontre des évolutions démographiques. Tour d'horizon de l'opinion publique des "bons élèves" de la zone euro et de l'UE...

Ariejan  Korteweg, Michael Seidelin, Michaela Wiegel

Ariejan Korteweg, Michael Seidelin, Michaela Wiegel

Ariejan Korteweg est un journaliste néerlandais, correspondant du Volkskrant en France. Michael Seidelin est un journaliste danois, correspondant de Politiken en France. Michaela Wiegel est une journaliste allemande, correspondante du Frankfurter allgemeine zeitung en France.

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Atlantico : Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a critiqué mercredi la décision de François Hollande de ramener l'âge de départ à la retraite à 60 ans pour une partie des Français, estimant que cette mesure va à l'encontre des évolutions démographiques. Vos concitoyens partagent-ils la position du gouvernement d'Angela Merkel face à la France ?


Ariejan Korteweg (Pays-Bas) :
Il y a peu, j’ai publié l'interview d'un chauffeur de bus de 51 ans, en pleine santé, qui pouvait aller s’entraîner au Gym Studio tous les jours parce qu’il était à la retraite. Il avait bien profité de tous ses années de bonus, du temps additionnel et d’autres mesures lui ayant permis de partir très tôt à la retraite. Désormais, il gagne encore un peu d’argent comme chauffeur privé.

Cette interview compte parmi les articles ayant été les plus commentés. C’est un comportement que les Néerlandais ne peuvent pas comprendre... Les Pays-Bas sont un pays calviniste. Il faut travailler dur pour mériter son existence. Donc oui, mes concitoyens partagent le point de vue d'Anglela Merkel.


Michael Seidelin (Danemark) :
Le gouvernement de centre gauche à direction socialiste (Parti Social-démocrate) - et la majorité de la population - ne souhaite pas du tout une réforme du système des retraites. L'âge de retraite va passer de 65 à 67 ans pour tout le monde. Cela concerne évidemment la retraite commune, en sachant qu'une grande partie de la population cotisent avec leurs employeurs à des caisses de retraite privées (négociées entre patrons et syndicats).


Michaela Wiegel (Allemagne) :
La majorité des Allemands considère que chaque pays est libre de déterminer l'âge de départ à la retraite, et que cela ne nous regarde pas - à condition d'assurer le financement du régime de retraite.

Or, l'opinion publique allemande a l'impression que le signal venant de la France n'est pas le bon : il va à contrecourant de l'évolution démographique, mais aussi des progrès dans de la santé et l'employabilité. En Allemagne, les générations futures partent à la retraite à 67 ans. Cette décision a déjà eu un effet bénéfique sur le travail des seniors.

L'enlisement de la zone euro dans la crise de la dette a révélé une fracture entre l'Europe du Nord obsédée par la rigueur budgétaire et le "laxisme" du Sud. Vos compatriotes ont-ils le sentiment de "payer" pour les pays en difficulté n'ayant pas adopté des réformes structurelles à temps ?


Ariejan Korteweg :
Les Pays-Bas figurent parmi les pays fondateurs de l’Union européenne. On comprend aisément les responsabilités que cela suppose. Alors oui, les pays du Sud ont été laxistes, et tout le monde en Europe le paie très cher ! Par contre, ce sont les pays du Nord qui leur ont permis d’être laxistes, en ne surveillant pas leur comportement.

Reste que je ne peux pas généraliser. Les avis de mes compatriotes divergent sur cette question. Par exemple, les adhérents du Partij voor de Vrijheid (Parti pour la liberté) en ont clairement marre des Grecs, tandis que beaucoup d’autres font preuve de davantage de patience.


Michael Seidelin
:
Ce sentiment n´est pas répandu au Danemark... Par contre, à l'égard de l'euro, le ressenti est plus mitigé. Les gens considèrent que la monnaie unique fonctionne mal, du fait notamment d'un manque de coordination politique. Enfin, les Danois sont étonnés du laxisme fiscal dans certains pays de la zone euro, comme en Grèce et en Italie.


Michaela Wiegel :
C'est un peu plus compliqué... L'Allemagne n'est pas "obsédée" par la rigueur ou par l'austérité, la preuve est l'énorme endettement public de l'Allemagne. Cependant, l'opinion publique allemande est dominée par le principe de prudence.

La majorité des Allemands ne souhaite pas s'engager dans des aventures financières avec des pays partenaires, en particulier s'ils ne peuvent pas au-préalable avoir un mot à dire sur les décisions politiques arrêtées dans ces derniers. C'est le raisonnement du bon père de famille qui prévaut : il veut savoir comment son fils utilise l'argent qu'il lui donne, et pouvoir le punir s'il ne l'utilise pas à bon escient.

En temps que "bons élèves" de la zone euro et de l'UE, vos pays ont-ils le sentiment d'être pointé du doigt et critiqué pour leur "rigidité" ?


Ariejan Korteweg :
Exception faite de ce pauvre touriste âgé qui, il y a quelques semaines, s'était fait agresser en Grèce parce qu’il était Néerlandais, on ne se sent pas réellement pointé du doigt. Globalement, on se rend compte que la réciprocité est importante en Europe. Qui plus est, nous avons nous aussi du mal à tenir le cap. Pour l’instant, rien n'indique que le gouvernement des Pays-Bas puisse tenir les 3% de déficit pour 2013. Les partis de gauche estiment que l'important n'est pas là.


Michael Seidelin : Non, pas du tout... Le Danemark est entouré de pays conduisant la même politique : l' Allemagne, la Suède, la Norvège, la Finlande, l'Estonie. C'est une nécessité pour des pays qui dépendent entièrement de l'exportation. Mais c'est aussi le résultat d'un passé douloureux ! Durant les années 1980, le Danemark était au bord du gouffre, et il a fallu 12-15 ans pour redresser le pays... Bon courage à l'Europe du Sud ! En sachant qu'au Danemark, le gouvernement de centre-gauche mène encore une politique très prudente en matière économique.


Michaela Wiegel :
Malheureusement, il est plus facile de conquérir l'opinion publique avec des promesses alléchantes mais financièrement irresponsables, qu'avec un discours raisonnable. Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, il manque à Angela Merkel un allié de poids sur la scène européenne.

Cela énerve une partie de l'opinion publique allemande, qui se trouve injustement ciblée et qualifiée "d'égoïste", alors que les imposables allemands contribuent plus que les autres aux différents plans d'aide européens.

Les opinions publiques de vos pays respectifs se prononcent-elles pour le maintien de la zone euro, la création d'une alliance des pays nord-européens ou pour la sortie définitive de la zone euro ?


Ariejan Korteweg : Les trois positions co-existent. Il n‘y a que le Parti des libertés qui veut sortir de la zone euro. Officiellement, on ne parle pas d’une alliance nordique. Mais en réalité le neuro (euro du nord) est bien evoqué, comme le zeuro (euro du sud). Il faut savoir que le mot "zeuro" a en Néerlandais une connotation très négative. Le verbe "zeuren" veut dire "harceler".

Le zeuro doit donc être la monnaie des gens qui harcèlent, qui réclament, qui "mendient presque". Les Néerlandais souhaitent pour le moment le maintien de la zone euro, notamment parce que la monnaie unique profite au pays sur le plan commercial. Mais si l’export tombe en panne, rien n'indique que l'opinion publique ne tournera pas le dos à l'euro.


Michael Seidelin
:
Les Danois ont rejeté l'euro par référendum, et une majorité - en Suède aussi - préfère toujours rester en dehors, malgré la proximité entre les politiques économiques allemande et danoise. Bien qu'il y ait un refus de l'euro, la majorité ne souhaite toutefois pas un démantèlement de la zone, une fois encore pour des raisons économiques. En tant que pays exportateur, le Danemark compte avant tout sur la stabilité, c'est essentiel.


Michaela Wiegel : Une nette majorité des Allemands était contre l'abandon du Deutsche Mark, et cette majorité souhaite aujourd'hui une sortie ordonnée de la zone euro. 

Propos recueillis par Franck Michel et Olivier Harmant

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