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70 ans et aucune dent : pourquoi l’ONU ne sert plus à rien
©REUTERS/Adrees Latif

L'ONU est morte ce soir

L’ONU fête ses 70 ans et cet anniversaire illustre l’inadaptation patente de son modèlre à notre époque contemporaine. Sur les futurs défis et conflits de nos sociétés, le fonctionnement et la méthode de travail de l’ONU ne sont plus adaptés.

Béatrice Giblin

Béatrice Giblin

Béatrice Giblin est géographe et membre fondatrice, avec Yves Lacoste, de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote, dont elle est actuellement codirectrice. Elle a fondé, en 2002, l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII.

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Atlantico : L'ONU fête ses 70 ans. Sur les dix dernières années, sur quels dossiers son action s'est-elle montrée déterminante ? Son rôle a-t-il évolué à la mesure des enjeux auxquels l'organisation doit désormais faire face ?

Béatrice Giblin : Sur le plan des interventions militaires elle n'a pu se montrer déterminante sur aucun puisque pour qu'une intervention soit possible il faut l'aval du conseil de sécurité qui doit prendre la décision d'intervenir à l'unanimité. Or sur la plupart des dossiers il  y a désaccord entre les 5 membres permanents d'une part, les Etats-Unis et ses alliés, la France et le Royaume - Uni, et d’autre part, la Russie, de nouveau très opposée aux Etats-Unis, et la Chine, car celle-ci au nom de la souveraineté nationale s'oppose systématiquement à toute intervention extérieure pour régler une situation conflictuelle interne. La dernière décision unanime des 5 membres du Conseil de sécurité a été l'intervention au Koweït envahie par l'armée irakienne, et c'était en 1992 quand la Russie dirigée par Boris Eltsine était en grande difficulté. Quelque temps après, lors de la guerre des Balkans la situation avait changé et la Russie s'est opposée à toute intervention onusienne, c'est Bill Clinton qui a décidé de faire intervenir l'OTAN pour sauver les musulmans de Bosnie Herzégovine. La diversité de la nature des conflits et le fait que les conflits sont de plus en plus infra-étatiques rendent les résolutions de plus en plus complexes. De plus l'ONU compte (en 2011) 193 pays contre 51 en 1945 date de sa création. Ajoutons encore qu'elle n'a pas les moyens militaires et financiers d'intervenir dans les nombreuses situations géopolitiques où cela serait nécessaire.

En revanche la Cour de justice internationale joue un rôle actif depuis 1947 (elle a eu à traiter 161 affaires) entre autres pour régler les différends frontaliers mais seuls les Etats qui ont choisi d'adhérer au Statut de la CIJ (texte annexé à la Charte de l’ONU) ou ceux qui ont accepté sa juridiction, à certaines conditions, peuvent s’adresser à la CIJ. Les différends ne sont examinés que si les Etats concernés donnent leur accord. Ces décisions (arrêts) sont obligatoires ; sont elles pour autant respectées ? ça c'est une autre histoire... 

Précisons que la cour pénale internationale (CPI) n'appartient pas au système des Nations Unies. En revanche le tribunal international pour l'ex-Yougoslavie (le TPIY) a été créé en 1993 par une résolution de Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, avec pour mission de juger les personnes accusées d’avoir commis les crimes les plus graves dans les Balkans au cours des conflits des années 1990. Il sera dissous une fois sa mission achevée

Les Nations Unies ne sont-elles pas démunies face à des enjeux qui dépassent aujourd'hui largement le cadre des Etats souverains ? On pense à l'intelligence artificielle, à la lutte contre le dérèglement climatique sur lequel l'ONU patine d'ailleurs depuis plusieurs années...

Enjeux ne signifient pas forcément conflits, les conflits infra étatiques sont nettement plus nombreux et meurtriers que ceux qui concernent le cyberespace. Pour le dérèglement climatique il est difficile de pouvoir faire directement le lien entre catastrophe naturelle (tsunami par exemple) et dérèglement climatique. Par ailleurs les dirigeants des pays émergents ou en développement pensent que les pays qui ont connu la révolution industrielle et un important développement économique ont largement contribué à la pollution atmosphérique et qu'ils portent donc une très lourde responsabilité dans le réchauffement climatique actuel. Ils estiment donc que ce sont eux qui doivent faire les principaux efforts de réduction de leur production de CO2. Tous les Etats disent être d'accord les dangers du réchauffement climatique mais aucun n'est prêt, et surtout pas les plus grands Etats, à faire les efforts nécessaires. Les Etats-Unis parce que les lobbies des énergies fossiles sont extrêmement puissants, la Chine parce que le régime a impérativement besoin de maintenir la croissance économique pour d'une part, continuer son développement et affirmer son statut de puissance mondiale de premier rang et d'autre part, parce que la stabilité sociale et politique interne dépend du maintien d'un fort taux de croissance économique, tant que les Chinois voient leurs conditions de vie s'améliorer ils supportent un régime policier.  

De même la nouvelle nature des conflits, notamment celui contre l'Etat islamique, ne rend-elle pas caduque l'approche des Nations Unies ? En quoi ?

Plus que l'approche c'est la règle de l'unanimité des membres permanents qui bloque la décision. Ainsi à propos de l'Etat islamique la Russie qui soutient le régime syrien craint qu'une intervention onusienne avec des troupes au sol n'entraîne la chute de Bachar el Assad, son allié. La Chine au nom de la non ingérence dans les affaires internes s'y oppose.

S'agit-il d'un problème de méthode ou d'un problème structurel ? L'ONU peut-elle s'adapter à la nouvelle donne ?

L’ONU ne peut adapter ses règles, en l'état des rapports de force entre les Etats qui la composent.

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