51% des Français opposés à l’accueil des migrants : de la crise humanitaire aux ratés de l’immigration, les clés pour comprendre ce qui structure vraiment l’opinion <!-- --> | Atlantico.fr
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Malgré la diffusion de la photo choc d'un enfant noyé, 51% des Français restent opposés à l’accueil des migrants.
Malgré la diffusion de la photo choc d'un enfant noyé, 51% des Français restent opposés à l’accueil des migrants.
©Reuters

Sondage exclusif IFOP pour Atlantico

Selon un sondage Ifop pour Atlantico, 49% des Français sont favorables à ce que les migrants qui arrivent sur les côtes italiennes et grecques soient répartis dans les différents pays d'Europe et à ce que la France en accueille une partie. Le sujet reste encore clivant.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quel poids accorder à l'émotion à travers les résultats de cette nouvelle enquête sur l'opinion des Français face aux migrants, après la publication de la photo du petit Syrien mort et échoué sur une plage en Turquie ?

Jérôme Fourquet : Cette nouvelle enquête contenant une question déjà posée sur l'adhésion des Français à l'accueil des migrants dans notre pays permet d'évaluer si la publication de la photo du jeune Syrien sur les côtes turques - et aussi l'information selon laquelle l'affaire des migrants retrouvés morts étouffés dans un camion en Autriche - avait eu un impact ou pas sur l'opinion française et sa disposition à accueillir les migrants. D'après les résultats, indubitablement ces informations chocs ont eu un vrai impact dans l'opinion. Les personnes opposées à l'accueil représentaient 64% des Français sondés début juillet, et aujourd'hui on est à 50% après la publication de la photo du jeune Syrien. L'impact est donc indéniable.

Il peut y avoir une émotion qui peut aboutir à une prise de conscience et à un choc. Mais comme on mesure à chaud et qu’on est précisément là dans le domaine de l’émotion, il se peut que dans 15 jours ou 3 semaines, l'émotion retombe quelque peu et que si d’autres éléments d’actualité ayant trait à d’autres thématiques viennent occuper l’espace, le score obtenu baisse. C'est propre à une mesure d'opinion, un ressenti. Les choses peuvent aussi évoluer en fonction de l’évolution du débat européen : est-ce que les autres partenaires sont prêts à jouer le jeu, quel sera le nombre de personnes attribuées à la France, est-ce que les Français ont bien compris qu’il s’agissait de quotas, comment cela va se passer quand les premiers vont arriver...

Comment lire ces résultats ?

Il faut s'interroger sur les causes de cette opposition. A la lecture des autres questions de l'enquête, une opinion publique française reste partagée sur ces évènements. Une majorité absolue de concitoyens pensent que les migrants sont plutôt de véritables demandeurs d'asile fuyant les persécutions dans leur pays, plus que des migrants économiques à la recherche de conditions meilleures de travail. Manuel Valls a expliqué qu'un tri devait être fait, les premiers devaient être accueillis, mais pas les seconds. Il faut donc examiner à quelle catégorie se rattachent ces migrants.

Pour autant, 50% des Français sont opposés à l'idée qu'ils soient accueillis. Deux facteurs l'expliquent.
D'abord un facteur économique ; il y a une incertitude, une majorité pense que ce sont des gens peu formés difficilement employables rapidement sur le marché français. Une autre minorité estime que ce sont des gens avec un bon bagage intellectuel, enseignants ou techniciens par exemple, parlant anglais, qui pourront s'intégrer économiquement. 

Beaucoup d'éléments entrent en compte dans le jugement : émotion, principe de compassion et humanisme. Mais aussi, un aspect plus pragmatique, terre à terre : peut-on les accueillir, sous quelles conditions. Or, ce n'est pas la même chose s'il s'agit de gens formés, ou si au contraire ils risquent d'être sans emploi car sans formation.

Pourquoi 50-50 quasiment ? Leur profil socio-culturel, leur accueil poseraient des problèmes économiques pour certains sondés. Contrairement à ce que l'Allemagne pense en affirmant qu'il n'y a pas de problème pour les intégrer, ce n'est pas le sentiment majoritaire en France.
Ensuite, une majorité des citoyens français pensent que dans le flux de migrants se trouvent des terroristes potentiels. C'est l'argument sécuritaire. Cela renvoie aux déclarations de l'EI qui affirmait qu'il y aurait dans les bateaux de migrants des terroristes envoyés par le groupe terroriste. On observe un continuum dans l'opinion de certains Français, car ils sont nombreux à estimer qu'un lien peut être fait entre l'entrée de flux migratoires, les ratés de l'intégration, la montée de l'islamisme, voire la radicalisation djihadiste.

Nous avons deux tiers des CSP+ qui sont favorables à l’accueil contre deux tiers des catégories populaires qui y sont opposés. Chez les CSP+ l'impact a été le plus fort, il est de 20 points. Dans les catégories populaires cela n’a progressé que de 10 points. On peut voir derrière ces chiffres des logiques de difficultés économiques, le coût perçu de cette initiative, les difficultés associées à l’intégration sur le marché du travail, la concurrence qu’il peut y avoir avec des salariés exerçant des fonctions manuelles, les lieux où ces populations seront logées, donc les difficultés de coexistence… Tous ces éléments font qu'on observe une résistance plus grande au sein des catégories populaires que des catégories dites privilégiées. L'impact n'est donc pas identique dans toutes les catégories de populations.

De la même façon, l’accueil des migrants déjà majoritaire à gauche, à 57% en juillet, est de 77% aujourd’hui donc 20 points ont été gagnés alors que la progression de l’adhésion n’est que de 14 points dans l’électorat des Républicains. Ainsi, près de 6 électeurs sur 10 électeurs de l’ex-UMP sont opposés à l’accueil d’une partie des migrants. On comprend aussi pourquoi Christian Estrosi et Eric Ciotti par exemple campent sur des positions très fermes en la matière, ils savent à qui ils s’adressent. Quant à l’électorat frontiste, il était ultra-majoritairement opposé à l’accueil de migrants en juillet, près de 10% étaient favorables, et là cela n’a quasiment pas évolué, on est à 12%.

Les écarts qui existaient sont donc creusés davantage, qu’il s’agisse de sociologie – CSP  ou de positionnement politique. Les catégories plus enclines à accepter ont encore davantage basculé dans le camp du favorable, et ceux qui n’étaient pas pour ont moins changé d'avis après l'exposition à cette photo. On comprend mieux les positions politiques. François Hollande sorti du bois et qui a emboîté le pas à Angela Merkel doit être très bien ressenti par son électorat puisque ce dernier est très majoritairement en faveur de l’accueil d’une partie des migrants.

Méthodologie 

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