50 ans après Vatican II, l'Eglise catholique à la peine face à l'allergie contemporaine au dogme et à l'engagement<!-- --> | Atlantico.fr
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Selon Kristoff Talin, "il y a une crise des vocations au sein de la religion catholique".
Selon Kristoff Talin, "il y a une crise des vocations au sein de la religion catholique".
©Reuters

Crise de foi

L'année de la foi est lancée ce jeudi au même moment que le 50ème anniversaire du Concile Vatican II. L' occasion de faire le point sur les pratiques et les vocations qu'engendrent la religion catholique.

Kristoff Talin

Kristoff Talin

Kristoff Talin est politologue et sociologue, spécialiste des religions. Il est actuellement chargé de recherche au CNRS.

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Atlantico : Actuellement en France, y a-t-il une crise des vocations au sein de la religion catholique ? Y aura-t-il à l'avenir assez de prêtres ou serons-nous forcés de les faire venir de l'étranger ?

Kristoff Talin : Oui il y a une crise des vocations au sein de la religion catholique, qui n'est pas propre au catholicisme ni à la religion d'ailleurs. Les engagements à long terme - dont la vocation catholique est le parangon – effraie.

Les partis politiques ont beaucoup de mal à avoir et encore plus à fidéliser leurs adhérents et à les transformer en militants. En plus de ce désengagement social et global s'ajoute dans le cas de la religion catholique le fait que le statut vocationnel (prêtres, religieux, religieuses - apostoliques ou monacales -) est très exigent en matière de renoncement (argent et célibat...) et paradoxalement la société offre de plus en plus de possibilités de réalisation personnelle. Ce double mouvement rend le "métier" ou la vocation religieuse plus difficile à vivre. Donc, oui il y a une crise et non il n'y aura pas assez de prêtres (d'où les regroupements de paroisses en secteur mis en place depuis 20 ans par les synodes diocésains).

Avec l'absence de prêtres, il y a donc ces regroupements d'unités pastorales qui sont inévitables et l'appel à de la "main d’œuvre" étrangère de plus en plus fréquente. Mais cet appel à l'étranger est déjà en place mais a ses limites. Les pays capables d'exporter de la "main d’œuvre" de prêtres sont aussi ceux qui en ont le plus besoin dans leur pays où les fidèles sont très nombreux. Exporter leur prêtre revient donc pour eux à déshabiller Paul pour habiller Pierre... Je crois sincèrement que l'avenir, si avenir il y a, des formes territoriales de l’Église catholique, passe par une "laïcisation" des cérémonies avec une place de plus en plus grande des laïcs. Ainsi les paroisses deviendraient ainsi de moins en moins des lieux de consécration.

Les Journées Mondiale de la Jeunesse (JMJ) parviennent à réunir des milliers de jeunes catholiques chaque année. Cela démontre-t-il une plus grande attirance des jeunes pour le catholicisme ?

Non les jeunes ne sont pas plus attirés par le catholicisme surtout pas en France. Les JMJ et les lieux comme Taizé ne signifient pas que les jeunes sont plus attirés par le catholicisme (la pratique religieuse baisse y compris chez les jeunes tout comme les demandes de sacrements). S'ils sont attirés par les JMJ c'est pour faire groupe et se sentir moins isolés. Ils vont communier avec d'autres jeunes venues d'ailleurs et après le mouvement retombe. En tous les cas, la raréfaction de jeunes dans les paroisses, les mouvements de jeunes ou les aumôneries en témoignent.

Comment les comportements et les pratiques religieuses des catholiques ont-ils évolué ces dernières années ?

Toutes les formes de pratiques sacramentelles s'amenuisent (communion, confirmation; confession, mariage et pratique religieuse). L'entrée dans la vie (baptême) et sa sortie (enterrement religieux) bénéficient d'un moindre ralentissement, un peu comme si il fallait s'assurer d'appartenir à une communauté et de se garantir d'y être encore au moment de la mort. Mais même ces deux derniers sacrements baissent d'intensité.

Ces évolutions démontrent-elles que les gens se détournent de la religion catholique pour des croyances plus libres et moins cadrées ?

Cette question est selon moi la plus actuelle. Le déclin du catholicisme en France ne signifient pas pour autant qu'ils ne croient plus. Simplement les structures d'adhésion à la religion catholique ne correspondent plus à la réalité qu'ils vivent. Ils préfèrent devenir ce que Grace Davie appelle les "croyants sans appartenance". C'est à dire des gens ayant des croyances (catholiques ou plus floues) mais qui ne veulent pas ou plus des dogmes catholiques dont la rigidité - supposée ou réelle - est mal perçue.

Dans les sondages d'opinions, on trouve ainsi des gens qui se déclarent catholiques, qui se sentent religieux, mais qui ne pratiquent jamais, qui ne suivent pas les enseignements doctrinaux de l’Église, et qui croient en des croyances religieuses ésotériques au sens où elles ne sont pas reconnues par l’Église. Mais peu importe pour eux, car ils ont recomposé un univers de sens qui leur convient. Donc oui la tendance est à aller en partie vers des croyances mais surtout des normes, des dogmes, moins cadrés. Mais soyons clair, ce qui est dominant c'est la sortie de la religion catholique. La première statistique c'est que de moins en moins de gens se disent catholiques.

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