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5 graphiques pour comprendre pourquoi François Hollande pourrait affirmer que l’inversion de la courbe du chômage a eu lieu (et pourquoi il n’y est pas pour grand chose...)
©Reuters

Paroles de stats

Après avoir promis l’inversion de la courbe du chômage pour l’année 2013, François Hollande lie désormais son sort présidentiel à cette même prédiction. Pourtant, et si le détail des chiffres permettait de mettre en évidence une légère amélioration de la situation, des nuages couvrent désormais l’horizon.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 14 juillet 2015, lors de la traditionnelle intervention présidentielle en ce jour de fête nationale, François Hollande s'engageait auprès des Français en liant solennellement son destin personnel à la courbe du chômage : "S’il n’y a pas de baisse du chômage, je l’ai dit plusieurs fois, je ne serai pas candidat". Une promesse que le Président a pu reformuler sur France Inter le 19 février dernier en indiquant : "Je n'ai de ce point de vue-là qu'une seule parole. J'ai été candidat pour que nous créions les conditions pour qu'il y ait une baisse du chômage et il doit y avoir une baisse du chômage. Ets'il n'y a pas de baisse du chômage, vous savez quelles conclusions j'en tirerai".

Une promesse a minima

Ce qui peut frapper au premier abord, c'est la désinvolture de l'engagement. Car François Hollande ne s'est jamais engagé à permettre une réduction nette du chômage sur la totalité de son quinquennat, ce qui aurait pu pourtant apparaître comme étant une évidence. Non, le Président a choisi de promettre le minimum, c’est-à-dire une simple inversion de la tendance négative qui frappe l'emploi en France. Ce qui revient à promettre, non pas une amélioration, mais à éviter une aggravation. Et sur ce point, la stabilisation, à un niveau élevé, du nombre de chômeurs en catégorie A, pourrait laisser entrevoir la possibilité de la réalisation de l'objectif recherché par François Hollande.

Nombre de chômeurs supplémentaires en catégorie A depuis mai 2012. France. Source Dares. 

Des emplois créés… mais à un rythme encore insuffisant

La progression du nombre de chômeurs, depuis mai 2012, a atteint un chiffre proche de 700 000 personnes. Ainsi, une stabilisation, voire une légère baisse, semble aujourd'hui à portée de mains. Une amélioration qui trouve son origine dans une progression réelle des chiffres de la création d'emplois, au cours de l'année 2015. Soit une hausse de 82 300 emplois marchands au cours de cette année qui vient, en partie, compenser les pertes subies depuis le début du quinquennat (- 89 000 emplois). 

Emploi - Ensemble des secteurs marchands (hors agriculture). En milliers.

Si ce chiffre des créations d'emplois 2015 semble très favorable à l'exécutif, il n'a pourtant pas suffi à engendrer une baisse du chômage. En effet, les chiffres du chômage sont le résultat de deux variables : la variation de l'emploi et la variation de la population active. Or, la croissance de la population active est une réalité en France. En prenant en compte une moyenne sur 10 ans, la population active française a crû à un rythme annuel de plus de 150 000 personnes. Ce qui signifie que la création de 80 000 emplois ne suffit pas à absorber les nouveaux arrivants sur le marché de l'emploi, et empêche, de facto, une véritable baisse du chômage.

Moyenne sur 10 ans de l'évolution annuelle de la population active en France. Source INSEE

Quelle tactique de communication ?

Dès lors, si François Hollande souhaite pouvoir s'appuyer sur des chiffres favorables pour justifier une nouvelle candidature présidentielle, la tentation pourrait être, comme a pu d'ores et déjà le faire Myriam El Khomri, de s'appuyer, non pas sur les chiffres du chômage, mais sur ceux, favorables, de la création d'emplois. Ainsi, la ministre de l'Emploi a pu commencer à défendre un tel point de vue au cours de son intervention, ce 10 mars, sur France Info :

"C’est plus que ce que nous espérions, et c’est après plusieurs années de destruction d’emplois, ce qui montre bien que la politique menée, le pacte de responsabilité, le CICE, l’aide embauche PME (...) commence à porter ses fruits, c’est encourageant".

La politique de François Hollande produit-elle réellement des résultats ?

Les réformes mises en place par François Hollande et son Gouvernement Valls reposent sur une stratégie : la compétitivité. Par le biais du CICE et du pacte de responsabilité, l'exécutif a donc choisi de mener une politique de baisses de charge afin de rendre les entreprises françaises plus attractives au niveau international. Ce que Manuel Valls défendait en septembre dernier lors d'une visite en Suède :

"Le coût du travail dans l'industrie est désormais moins élevé en France qu'en Allemagne. Le taux de marge des entreprises est en forte progression. Et donc, la confiance revient : le nombre d'investissements directs étrangers a bondi de 8% en 2014, après trois années de stagnation. Le résultat, c'est la croissance qui repart, même si elle est encore trop faible : elle dépassera sans doute 1% cette année, c'était notre objectif, et probablement 1,5 % en 2016".

Mais c'est là un autre aveu d'échec de la politique menée par le Gouvernement. Car la réalité de la "compétitivité industrielle" française ne tient tout simplement pas la route. Au regard des statistiques publiées par l'INSEE, l'emploi industriel est en forte baisse en France, et ce, en tendance constante depuis le début du quinquennat. Pour un résultat total de 126 000 emplois industriels détruits depuis le T2 2012. A l'inverse, ce sont les emplois du secteur tertiaire qui ont pu progresser depuis la fin de l'année 2014:

Un allié imprévu

Un résultat qui ne fait que traduire l'échec de la politique menée. Car s'il existe une progression de l'emploi en France, ce n'est donc pas grâce à l'industrie, ce qui était pourtant le plan de François Hollande, mais grâce aux services. Or, la bonne santé du secteur tertiaire dépend de la demande intérieure, arme qui n'a jamais été mise en œuvre par François Hollande. En effet, si l’emploi dans les services a pu offrir de bons résultats au cours des derniers mois, c’est en raison de la politique menée par Mario Draghi à la BCE, qui expliquait en juin 2015 :

"Au cours des derniers trimestres, la demande intérieure, et la consommation privée en particulier, ont été les principaux moteurs de la reprise en cours. Les données d’enquêtes les plus récentes couvrant la période jusqu’en mai demeurent compatibles avec une poursuite de la croissance modérée au deuxième trimestre. Dans la période à venir, nous nous attendons à ce que la reprise économique s’appuie sur une base plus large. La demande intérieure devrait être encore confortée par nos mesures de politique monétaire et leur incidence favorable sur les conditions de financement ainsi que par les progrès réalisés en matière d’assainissement budgétaire et de réformes structurelles".

Ainsi, la revendication de paternité, de la part du Gouvernement, de la création d’emplois en France peut être qualifiée d’abusive, si ce n’est de désespérante. Une réalité qui devient encore plus cruelle au regard des résultats de l’ensemble de la zone euro. Car si la BCE a permis une amélioration de l’ensemble de la conjoncture intérieure à la zone euro, la France figure parmi les mauvais élèves en termes de "captage" de cette nouvelle tendance. Ce qui se révèle notamment en observant l’évolution comparée du taux de chômage de la zone euro avec celui de la France.

Chômage de la zone euro – chômage France ; Source Eurostat. (Avantage comparatif du chômage français par rapport à la zone euro)

"L’avance" dont disposait la France, en termes de chômage, par rapport à la zone euro, a fondu comme neige au soleil sous le mandat de François Hollande. Ce qui signifie que la politique nationale a été pénalisante pour le pays, dans un contexte qui était pourtant en voie d’amélioration.

Des nuages à l’horizon qui enterrent la promesse

Pour finir, et pour clore le débat de l’inversion de la courbe du chômage, il suffit de se référer aux dernières prévisions de la BCE pour la croissance 2016 de la zone euro. Alors que les anticipations de décembre faisaient état d’une croissance de 1,7%, celles de ce mois de mars ont été révisées à la baisse, et s’affichent désormais à 1,4%. Ce qui devrait conduire, également, à une révision à la baisse de la croissance française. La France n’a pas su profiter d’une meilleure conjoncture économique entre la mi-2014 et la fin 2015 pour faire baisser son chômage, et les nuages pointent à l’horizon pour la suite.

Pour François Hollande, difficile de faire pire. Une promesse a minima, une amélioration de la conjoncture qui ne doit rien à la politique menée, une douteuse tentative de récupération des chiffres, et pour finir, un retournement de tendance. L’alignement des planètes auquel François Hollande voulait croire s’est bien produit, mais dans le sens inverse à celui recherché. 

Les multiples révisions de croissance à la baisse, ce jeudi encore de la part de la BCE, qui a abaissé ses prévisions de 1,7% à 1,4% pour l'année 2016, imposent au chef de l'Etat une solution rhétorique. 

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