2024, l’année des deux présidentielles Ukraine & Russie <!-- --> | Atlantico.fr
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L'année 2024 sera marquée par les élections en Russie, le 17 mars 2024.
L'année 2024 sera marquée par les élections en Russie, le 17 mars 2024.
©MANDEL NGAN, MIKHAIL METZEL / AFP / SPUTNIK / AFP

Campagne électorale

A quoi pourront ressembler des campagnes présidentielles par temps de guerre et à quelles issues s’attendre ?

Galia Ackerman

Galia Ackerman

Galia Ackerman est docteure en histoire et chercheuse associée à l'université de Caen, Galia Ackerman est spécialiste de l'Ukraine et de l'idéologie de la Russie post-soviétique. Elle a été journaliste à RFI et à la revue Politique internationale. Elle est notamment l'auteure, aux éditions Premier Parallèle, de Traverser Tchernobyl (2016, rééd augmentée 2022). Elle a cofondé la revue Desk-Russie. Elle a également dirigé le numéro 77 de La Règle du jeu consacré à l'Ukraine (octobre 2022). 

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Atlantico : Vladimir Poutine a fait part ce vendredi 8 décembre de son intention de se présenter à sa propre succession à la présidentielle, qui se tiendra du 15 au 17 mars 2024. A quoi va ressembler la campagne présidentielle en Russie en 2024 par temps de guerre ?

Galia Ackerman : Poutine ne parlera pas beaucoup de la guerre durant la campagne électorale. Certains analystes prédisent que des célébrations seront organisées dans les régions nouvellement annexées. En plus de la Crimée, quatre régions de l'Ukraine ont été annexées. Aux yeux du régime et de beaucoup de Russes, il s’agit d’une grande réalisation. Même si la guerre patine, ils ont quand même, comme l'avait déjà dit Prigogine de son vivant, pu avoir un « morceau gras » du territoire ukrainien. Une grande exposition est aussi organisée à Moscou. Il s’agit d’une sorte de forum comme à l'époque soviétique. Beaucoup d'argent a été investi, Poutine va essayer de convaincre son peuple que sous sa présidence, malgré la guerre, malgré les budgets militaires démentiels dont il ne sera pas question, l'économie progresse et que, malgré les sanctions, l'agriculture se développe, que les gens vivent de mieux en mieux, que les nouvelles régions sont très heureuses.

Vladimir Poutine va essayer de montrer au peuple que leurs conditions de vie se sont améliorées alors que ce n’est pas tout à fait vrai. Le chef du Kremlin affirme également que la Russie a déjà obtenu une victoire importante sur l'Ukraine, même si la pression militaire continue.

Vladimir Poutine va essayer d'avoir plus d’échanges et de nouer des relations diplomatiques avec les pays où il peut jouir d'une certaine sympathie. Avec son récent voyage dans les pays du Golfe en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, le chef du Kremlin a épousé la cause palestinienne et a pratiquement abandonné Israël. Poutine est ouvertement du côté arabe. Il va bénéficier durant sa campagne des sympathies du monde musulman. Il va essayer de démontrer qu'il n'est pas isolé sur la scène internationale. Il va aussi montrer qu’il a gagné de nouveaux alliés et qu’il a signé des contrats pour le bien de la Russie.

Dans sa rhétorique, c'est l'Occident qui est minoritaire en comparaison avec le Sud et l’Orient qui sont avec la Russie. Tels seront les thèmes de la politique étrangère et de la politique intérieure de Vladimir Poutine lors de la campagne en 2024. Il va essayer de montrer que globalement la situation est positive pour la Russie.

A quelles issues s’attendre en Russie avec ce scrutin l’an prochain ? Quelles pourraient être les conséquences du maintien au pouvoir de Vladimir Poutine ?

Le dirigeant russe est déjà au pouvoir depuis 23 ans. Il n’y aura pas beaucoup de conséquences. Le régime russe tombe de plus en plus profondément dans la déchéance, dans la réaction la plus noire, dans une sorte de société de plus en plus fascisante, avec une sacralisation des valeurs traditionnelles.

Concernant ces valeurs, la Russie peut s'allier avec les ayatollahs iraniens, avec des mouvances musulmanes extrêmes qui glorifient les valeurs traditionnelles comme la Russie.

Les lignes politiques ne devraient pas fondamentalement changer en Russie. La campagne et l’élection seront une sorte de kermesse populaire. Tout l'argent injecté dans la campagne sera utilisé pour montrer que tout va bien. Il y aura beaucoup de concerts, de meetings pour Poutine dans le grand stade Loujniki.

L'élection de 2024 sera-t-elle une formalité pour Vladimir Poutine ? Cette élection sera-t-elle un simulacre de démocratie ?

La Russie est de moins en moins démocratique depuis qu'il est arrivé au pouvoir. On ne sait pas encore quels seront les autres candidats face à Vladimir Poutine. Personne n’ose se présenter face à lui. Le Kremlin va désigner les candidats de l'opposition qui n'en est pas vraiment une. Il y aura probablement encore une fois Guennadi Ziouganov, un candidat communiste, peut-être Sergueï Mironov du mouvement Russie juste. Selon les commentateurs, il ne devrait pas y avoir de jeunes candidats afin de ne pas souligner l’âge de Vladimir Poutine.  

Bien qu'il soit plus ou moins en bonne forme, malgré toutes les rumeurs qui courent sur sa santé, Vladimir Poutine n’est plus si jeune. Les candidats de l’opposition seront validés par le Kremlin. Tout cela constitue un véritable simulacre de démocratie.

Alors que les élections législatives en Ukraine auraient dû avoir lieu en octobre de cette année et la présidentielle en mars 2024, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé en novembre que le moment n'était pas propice à la tenue d'élections. Quelles pourraient être les perspectives politiques en 2024 en Ukraine ? Les élections pourront-elles être maintenues en Ukraine l’an prochain ? Quelles seront les conséquences pour la vie politique ukrainienne et pour l’avenir du pays en cas d’annulation des élections ?

Cette décision de reporter les élections en Ukraine tant que la guerre se poursuit est approuvée par l'écrasante majorité des Ukrainiens. Il est tout simplement impossible de maintenir les élections actuellement pour plusieurs raisons. D'une part, il y a des millions d'Ukrainiens qui sont partis à l'étranger à cause de la guerre. Il y a des millions de personnes déplacées. Les bombardements sont toujours aussi nombreux. Comment voulez-vous organiser la campagne électorale, des rassemblements, la venue des citoyens dans les bureaux de vote dans de telles conditions ? La Constitution ukrainienne prévoit clairement la possibilité qu’en cas de guerre, l'élection peut être officiellement reportée. Il s’agit d’une sage décision.

Avec la campagne électorale, il y aura plusieurs prétendants. Des tensions se font déjà sentir, notamment sur la conduite de la guerre. Plusieurs candidats pourraient surgir pour venir défier Zelensky dans les urnes notamment Vitali Klitschko, le maire actuel de Kiev, Oleksiy Arestovitch, l’ancien conseiller de la présidence ukrainienne, qui est actuellement à l’étranger ou bien même des pro-russes.

Il y aura une compétition, des accusations mutuelles et des rivalités démocratiques entre les candidats. Or avec la poursuite de la guerre, ce n'est pas le moment pour le pays de se déchirer dans des contradictions politiques alors qu'il n’y a qu'un seul objectif, la victoire militaire contre la Russie, et qui maintenant particulièrement difficile à atteindre tant qu'on ne sait pas si l'aide américaine sera finalement octroyée ou non.

Il faut que le peuple soit soudé en Ukraine. Il est impossible dans ces conditions d’organiser une élection.

La Russie va donc organiser des élections en 2024 et l'Ukraine a décidé de les reporter. Mais la situation politique dans les deux pays est totalement différente. L'Ukraine, malgré la guerre, reste un pays démocratique où il y a un vrai combat politique, des partis différents, de vives critiques émises contre Volodymyr Zelensky sur son action politique et sur sa conduite de la guerre.

Mais en Russie, de toute façon, il n'y a plus d'opposition. Les lois sont tellement répressives que plus personne ne peut contester le pouvoir en place ou manifester librement.

Même si l'Ukraine sortait gagnante, il y aurait eu des voix pour accuser Zelensky de ne pas avoir mené correctement la guerre, de ne pas avoir pris telle décision, de ne pas avoir tenu ses promesses.  Dans le contexte de la guerre et avec un climat politique tendu, il ne faut pas que les Ukrainiens s'entre-déchirent au sujet de la campagne électorale.

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