2022 l’Ukraine, 2023 Gaza : quelle pourrait être la guerre que (presque) personne ne voit venir en 2024 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats Houthis, photo d'illustration AFP
Des soldats Houthis, photo d'illustration AFP
©MOHAMMED HUWAIS / AFP

Imprévisible

Les années précédentes ont été marquées par des conflits qui devraient se poursuivre en 2024. Mais cela ne signifie pas que l'an qui vient ne sera pas le théâtre d'une nouvelle guerre. Analyse.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Atlantico : En quoi la situation en mer Rouge avec l’action des rebelles yéménites Houthis qui menacent les navires qu’ils estiment être liés à Israël pourrait être le terreau de la guerre de 2024 que personne ne voit venir après l’Ukraine en 2022 et le Hamas en 2023 ?

Dov Zerah : Le pogrom du 7 octobre constitue une victoire iranienne en bloquant le rapprochement israélo-saoudien, mais, la réaction israélienne ainsi que l’arrivée de porte-avions américains en Méditerranée et dans le golfe persique a mis en porte à faux les mollahs iraniens. Pour montrer leur solidarité avec les terroristes du HAMAS, ils laissent le Hezbollah provoquer Israël et les Houthis envoyer des missiles ou prendre possession de navires. Mais, ils veillent à ce que certaines lignes ne soient pas franchies, car ils ne veulent pas être pris dans un embrasement général susceptible de conduire à des frappes préventives sur leurs centres nucléaires.

Ces attaques des terroristes yéménites ne sont pas censées dégénérer en conflit ouvert… mais à force de jouer avec le feu…

Quelles sont les forces en présence et que représente la menace des Houthis dans la région ? Quels sont leurs principaux alliés ?

Long d'environ 103 km, situé entre Djibouti et le Yémen, le détroit de Bab El Manded (« porte des lamentations ») est un point crucial de la route maritime la plus courte entre l’Asie et l’Europe, en passant par le canal de Suez ; 15 % du transport maritime transite par ce passage.

Les Houthis font partie du réseau tissé par l’Iran depuis 20 ans dans sa stratégie de conquête du leadership musulman ; l’Iran a financé et formé le Hezbollah au Liban, profité de la guerre civile en Syrie pour y prendre pied directement et indirectement par la milice libanise, a étendu ses tentacules au HAMAS…

Pour contrer les attaques des Houthis, les Américains ont constitué une coalition, dénommée « Gardiens de la prospérité », composée d’une vingtaine de pays.

N’oublions pas le rôle de la Chine qui devrait « calmer le jeu » ! Certes, Pékin soutient l’Iran, l’aide à contourner les sanctions, a parrainé le rapprochement entre Ryad et Téhéran, mais a besoin de cette voie maritime pour assurer l’exportation de ses marchandises. Cet intérêt pour la zone a expliqué l’installation militaire des Chinois à Djibouti.

Les Chinois auront du mal à accepter une éventuelle fermeture de cette voie maritime, ou un allongement des délais d’acheminement de leurs produits en Europe ou le renchérissement des primes d’assurance.

En ces temps de remise en cause du droit international, rappelons-nous que le principe de la libre circulation dans les détroits est fondamental. La nationalisation du canal de Suez le 27 juillet 1956 a conduit à la guerre du Sinaï ; les décisions de Nasser en mai 1967 de bloquer le détroit de Tiran et le départ des casques bleus du Sinaï a conduit à la « guerre des six jours » ; dans les deux cas, Israël a considéré que c’était « un casus belli ».

Comment la crise en mer Rouge risque de se dégrader et d’aboutir à une guerre en 2024 ? Pourrait-elle enflammer le Moyen-Orient ?

L’embrasement en 2024 pourrait venir du Liban ; si le Hezbollah refuse de respecter la résolution 1701 et de se retirer derrière le Litani, Israël, prenant acte de l’échec des démarches diplomatiques, pourrait prendre l’initiative militaire.

La situation pourrait dégénérer dans la corne arabique si la coalition emmenée par les Américains venait, de réaction en réaction, à intervenir sur le sol yéménite.

La propagation de la guerre sur un de ses deux fronts pourrait conduire à une action contre le commanditaire de ses milices terroristes, l’Iran. Depuis plus de 40 ans, l’Occident accepte les nombreuses opérations de déstabilisation de l’Iran, les attentats, le programme nucléaire, les attaques directes et indirectes contre les installations pétrolières de Ryad… La récente multiplication des zones de tension à Gaza, au Liban et dans le détroit de Bab El Mandeb… peut constituer « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » !

La campagne électorale américaine en 2024 va-t-elle freiner l’action protectrice des Etats-Unis dans la région et conduire à un embrasement ?

Probablement pas. L’importance de cette voie maritime pour le commerce mondial est telle que Washington ne peut s’en désintéresser ; les Américains sont obligés de réagir, quel que soit le contexte électoral.

Ne nous trompons pas. La problématique proche-orientale est différente de celle de l’Ukraine. Même si tous les présidents américains depuis Obama ont voulu solder les comptes des guerres de Bush Jr en Afghanistan et en Irak, et se retirer du Proche Orient, cal n’a pas empêché à Donald TRUMP de déployer les Accords d’Abraham ou Joe BIDEN de soutenir activement Israël depuis le 7 octobre.

Au-delà de l’intérêt économique du détroit de Bab El Mandeb, la déstabilisation de la zone aurait des répercussions sur l’Arabie saoudite. Si l’intérêt stratégique de la Syrie est limité pour les États-Unis, l’Occident ne peut se désintéresser de Ryad.

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