2008-2014, ceux que la crise a transformés, ceux qu’elle a plombés : voilà à quoi ressemblent aujourd’hui les 6 premières économies du monde<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
2008-2014, ceux que la crise a transformés, ceux qu’elle a plombés : voilà à quoi ressemblent aujourd’hui les 6 premières économies du monde
©Reuters

L'heure du bilan

Si les principales économies nationales connaissent à ce jour des bilans disparates, six ans après la crise, il en va du même constat pour les différents secteurs de l'industrie et de service de chacun des pays. Ainsi, l'industrie culturelle en France voit de nouveaux acteurs émerger, et la concurrence entre le Yen et le Won a profité aux exportations de biens de haute-technologie japonaise vers le Corée.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

Voir la bio »
Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio

Jean-François Di Meglio est président de l'institut de recherche Asia Centre.

Ancien élève de l'École normale supérieure et de l'Université de Pékin, il enseigne par ailleurs à l'IEP Lyon, à l'Ecole Centrale Paris, à HEC ParisTech, à l'École des Mines Paris Tech et à Lille I.

Voir la bio »
Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

Voir la bio »
Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

Voir la bio »

La Chine

Jean-François Di Meglio : La Chine n’a pas connu d’effondrement de certains secteurs, même si l’immobilier donne des signes sérieux de ralentissement et de faiblesse. Certains secteurs-clés qui pouvaient attester de la ré-orientation de l’économie chinoise souffrent du ralentissement en direct, en particulier l’automobile, qui, après une croissance supérieure de 10% à celle de la consommation, elle-même un moment plus forte que celle du PIB, est désormais retombée en –dessous du taux de croissance de l’économie elle-même, avec une augmentation du parc de 4% probablement pour la seule année 2014, loin des prévisions.

La question est désormais celle des externalités négatives liées au modèle de la croissance chinoise, pollution et qualité de la vie en particulier.

En revanche, il est frappant de voir la poursuite du développement de l’économie numérique, du e-business et de formes de consommation, en particulier dans les couches les plus jeunes et les plus urbanisées de la population, extrêmement innovantes. Le tourisme, domestique, régional et international se développe aussi à grande vitesse, la Chine produisant désormais l’une des plus grandes et plus puissantes classes moyennes du monde. Pour autant c’est une classe moyenne atypique, à la fois difficile à "modéliser" et en même temps fascinée aussi d’une certaine façon par le mode de consommation américain. L’une des clés de la réussite chinoise sera donc au-delà de l’ "harmonisation" annoncée, la réussite d’une nouvelle forme d’urbanisation, centrée sur des villes moyennes "intelligentes" sinon "vertes", capables d’absorber les énormes quantités de population qui vont quitter les campagnes, faisant passer la population vivant dans les villes de 55% environ aujourd’hui à environ 70% dans les quinze années qui viennent. Il faut s’attendre au développement d’infrastructures urbaines et de technologies de la dépollution certainement très performantes, de même que des recours plus rapides que prévu à des énergies moins polluantes, malgré le poids encore important du charbon. A cet égard, l’attitude de la Chine dans les négociations "climat" qui ont été amorcées à Lima et vont se poursuivre jusqu’ à Paris en décembre 2015, alors qu’elle se posait jusqu’ici en leader des "77" c’est-à-dire des pays revendiquant sans honte leur part de croissance, quitte à en financer l’assainissement par le fonds alimenté par les pays développé, sera éclairante : il semble bien qu’elle cherche désormais à identifier une nouvelle voie dans ce importantes discussions.

On voit bien qu’après avoir été annoncé depuis longtemps, le virage attendu commence à être envisagé pour l’économie chinoise. Est-ce à dire qu’il est déjà entamé, voire pris ? C’est encore difficile à dire, parce que les signaux sont confus, et que, d’un autre côté, malgré les déséquilibres évidents et les menaces sérieuses (de ralentissement, de creusement des écarts de richesse, de bulle immobilière), la capacité d’amortissement est encore très grande.

Il demeure que les défis sont nombreux et que ce sont surtout leur télescopage et les contradictions qu’ils suscitent qui rendent la tâche de réorientation difficile.

Pour résumer :

  • La croissance chinoise a "décroché" : le chiffre magique de 8%, longtemps tenu comme le rempart de la  prospérité, qu’il soit reporté exactement ou même symboliquement (ce qui compte dans les statistiques chinoises, c’est plus la "série" que le chiffre absolu) avait été sauvegardé malgré les cahots de la crise financière de 2008. Désormais, plusieurs facteurs confirment qu’il ne sera plus rattrapé :
  • après trente années glorieuses, il est naturel que, sans parler d’essoufflement, on voie désormais des chiffres moins forts : après tout l’assiette (le chiffre absolu du PIB chinois) suffit à garantir que même un pourcentage plus faible de croissance appliqué à une telle masse produit encore une richesse additionnelle considérable
  • ce chiffre important de croissance était aussi atteint grâce à un afflux chaque année régulier de nouveaux travailleurs sur le marché. Désormais, la pyramide des âges, sans peser encore trop (malgré une probable augmentation de 20% des coûts horaires en moins de dix ans) sur les prix, ne permet plus d’alimenter la machine industrielle chinoise
  • la production industrielle elle-même connaît une croissance plus faible, sinon même un ralentissement

Cette croissance a finalement beaucoup profité aux "SOE" ("state-owned entrprises"), bastions de l’économie planifiée, mais surtout des "capitalistes d’état" (sociétés pétrolières, de travaux publics, d’infrastructures) qui aspirent l’essentiel du crédit. Or ces SOE ne versent pas de dividendes quand elles sont profitables, et reçoivent des aides lorsqu’elles essuient des pertes. Il y a donc là une perte en ligne d’efficacité, due à la difficulté d’évaluer le coût et la rentabilité du capital investi.

Enfin, malgré la multiplicité des circuits de financement, et alors que les financements officiels sont allés aux grands groupes, le secteur immobilier, qui a commencé par absorber l’épargne en l’absence d’autres instruments financiers accessibles, s’essouffle à la suite des premières réformes financières. En effet, le "shadow banking", c’est-à-dire le circuit non réglementé du financement hors des banques, qui menace grandement la stabilité économique, a subi des attaques en règle, largement relayées par une publicité abondante. Les anticipations sur ce secteur menacé ont commencé, dans certaines villes, à influer sur les prix de l’immobilier qui connaissent dans les villes de seconde et troisième catégorie (entre 1 et 6 millions d’habitants, souvent éloignées des principaux centres industriels et des grandes voies de communication, même si aucun endroit de la Chine n’est plus désormais inaccessible) des baisses allant jusqu’à 30% en quelques mois

Les choix du nouveau régime ont été clairement annoncés : Combattre la corruption, non pas seulement pour des raisons éthiques naturellement, mais du fait de la déperdition d’énergie et d’efficacité que cette corruption a fait subir à la Chine

Réformer là où c’est absolument nécessaire, sans desserrer pour autant le système rigide et centralisé : les principaux domaines de réforme semblent être celui de la finance, avec en particulier les spectaculaires mesures liant la bourse de Shanghai à celle de Hong Kong, et l’engouement nouveau que la bourse de Shanghai a désormais connu depuis six mois, devenant l’une des plus performantes du monde

Se pencher sur les questions préoccupant directement les populations : relâchement de la politique de l’enfant unique, élargissement du système de l’ "enfant unique", donc possibilité, au moins théorique, d’une plus grande mobilité sociale, et pour finir, effets d’annonce concernant la pollution, ou du moins une plus grande transparence vis-à-vis des problèmes créés par le développement "non durable" entamé par la Chine depuis des années.

On voit bien que l’ambition sous-jacente est celle d’un véritables changement de paradigme, où la croissance ne serait plus assurée par le moteur des exportations de produits fabriqués parfois sans préoccupation majeure des conditions de travail ou de pollution, mais par un accent plus fort porté sur la consommation des ménages. Ce changement de paradigme est assurément possible. La Chine a réussi ses transformations en moins de temps que la plupart des pays n’en ont pris pour passer de l’époque pré-industrielle à l’ère industrielle, puis à l’ère post-industrielle, c’est-à-dire en moins de cinquante ans. Mais des disparités trop fortes existent encore entre les provinces, et entre les catégories de richesse pour que ces transformations opèrent rapidement et en profondeur. Par ailleurs, la confiance en ce modèle encore imparfaitement défini n’est pas telle que la consommation puisse se développer au rythme qui lui permettrait de soutenir la croissance en relayant la construction d’infrastructures (trains à grande vitesse, autoroutes) qui a porté la Chine depuis des années.

Les choix qui ont été annoncés sont ceux consistant à éviter une inflation qui risquait de menacer si le crédit n’était pas contrôlé. La Banque centrale s’est donc lancée dans une politique de restriction, qui, à l’inverse, menace la diffusion de la croissance. Pour rassurer, des ajustements spécifiques et par secteurs sont donc apportés de façon ciblée : la "relance ciblée" lancée au milieu de l’année 2014 consiste à justifier l’injection de crédit par la précision du "tir" et l’aide spécifique à certains secteurs.

Mais les effets sont à la fois extrêmement difficiles à assurer et à mesurer. Pour l’instant, "the jury is still out", alors que la Chine est devant une situation comme elle n’en a effectivement pas connue même pendant la crise asiatique de 2007-2008.

Les Etats-Unis

Antoine Brunet : La crise trouva son nadir avec l’éclatement de l’affaire Lehman en septembre 2008 peu avant la victoire d’Obama en novembre 2008. Alors même qu’il aurait été à la fois très opportun et très légitime de se confronter à Pékin sur sa politique du yuan, celui-ci y renonça malheureusement très vite.

Sa chance consista à ce que, dès 2008, l’exploitation du pétrole de schiste aux Etats-Unis prit son envol. De ce fait, assez vite, le déficit extérieur se réduisit de 5% du PIB environ avant 2007 à 3% du PIB après 2008.

Cela modifiait l’équation mais il demeurait que pour obtenir une croissance trimestrielle du PIB à simplement 0,5%, il fallait quand même que se maintienne un écart entre l’endettement et l’épargne des agents non plus de 6% du PIB comme avant 2007 mais encore de 3,5% du PIB. Or cela n’était pas du tout facile à atteindre : les banques étaient sinistrées, les ménages américains étaient traumatisés et très pessimistes, les entreprises petites et moyennes avaient perdu confiance, les recettes fiscales de l’Etat fédéral se contractaient…

Entre 2009 et 2011, des mesures très audacieuses et très cohérentes.

Pour conjurer cette adversité, les autorités firent flèche de tout bois. En mars 2009, les autorités comptables du pays autorisèrent les banques à provisionner à leur gré les risques qu’elles encouraient. Cela évita un comportement trop restrictif des banques en matière de financement.

Par ailleurs, très vite, la Fed porta son taux fed funds à zéro pendant que l’Etat fédéral s’engageait dans une relance budgétaire massive.

Mais très vite apparut un conflit entre la relance budgétaire programmée et la protection des sphères immobilière et financière qui étaient sinistrées. Même avec un taux Fed funds maintenu à zéro, le déficit fédéral qui avoisinait 10% du PIB, s’il avait été financé traditionnellement, aurait fait grimper très haut les taux longs, ce qui aurait très inopportunément prolongé et aggravé le krach immobilier. Ce qui aurait été gagné d’un côté aurait alors été reperdu de l’autre.

Au total, les dirigeants américains ont réussi pour l’instant à éviter les deux dangers auxquels les exposait la crise de 2007/2008 : une crise systémique économique et financière ; la perte du statut privilégié du dollar.

Si le premier danger semble largement écarté, le deuxième danger, lui, n’est écarté que provisoirement. Pékin n’a pas renoncé à retirer au dollar son privilège de monnaie du monde et a même programmé de nouvelles offensives diplomatiques en ce sens dès 2015.

>> Et pour lire la contribution intégrale d'Antoine Brunet sur la gestion de la crise américaine 2008-2014 : Comment les Etats-Unis de Barack Obama ont réussi à se prémunir des effets de la crise dont elles sont l'épicente

Le Japon

Antoine Brunet : La situation du Japon n'est pas franchement catastrophique. Il ne faut pas oublier que si leur population active diminue, ils n'ont pas besoin d'une croissance forte comme en Europe ou aux Etats-Unis. Le Taux de chômage au Japon reste faible, la situation sociale n'est pas catastrophique, mais le problème du Japon est le suivant : depuis presque 20 ans, le Japon arrive à avoir une croissance au niveau réel de 0%, une inflation autour de -1%, et donc un PIB nominal de -1% par an. Pour contenir cette performance modeste, le Japon est obligé de renouveler des déficits budgétaire importants (autour de 3% 4% du PIB), et le son ratio d'aides publiques/PIB nominal s'est donc accentué à toute vitesse. Aujourd'hui, sa dette a atteint le record historique de 250% du PIB.

Evidemment, pour l'instant, cette dette publique reste largement entre les mains des résidents japonais. Mais  le risque qu'elle perde son statut de solvabilité n'est pas, avec les risques que cela entraînerait pour les marchés financiers et l'Etat n'est pas exclus.

C'est ainsi que M Abe a lancé toute une série de mesures -les abenomics- pour renforcer la croissance, le PIB réel, et enfin sortir de cette spirale. Pour cela, le principal outil à été de mener une action de quantitative easing de grande envergure, avec pour mérite de faire reculer le Yen contre le Dollar et le Yuan, repositionnant la production japonaise en haut de la liste des pays compétitifs. Par exemple, cette baisse a permis de profiter des difficultés d'exportations de son voisin coréen, qui, en période de faible demande mondiale, a perdu de nombreuses part de marché sur des secteurs concurrentiels entre les deux pays, etnotamment sur les marchés de haute technologie (avec la robotique) et aussi dans le secteur de l'automobile.

Allemagne

Jean-Yves Archer : Le modèle social allemand pose question : niveau inégal du salaire minimum, mini-jobs payés la moitié du Smic français, question du niveau de certaines retraites. En revanche, le modèle économique est clairement impressionnant d'efficacité. En suivant une dynamique de spécialisation (les avantages comparatifs théorisés par David Ricardo en 1817), l'Allemagne a réussi à confirmer depuis sa réunification, sa capacité à bâtir de puissants conglomérats pluri-métiers. De Krups à Bayer en passant par Siemens, ce pays s'est doté de grandes firmes avec des unités d'excellence dans la chimie, la pharmacie, les phytosanitaires (Bayer) ou dans les transports ferroviaires et l'imagerie médicale (Siemens). Cette capacité à alimenter des groupes pluriels leur permet de résister en cas de reflux dans tel ou tel segment d'activité. En un sens, nombre de groupes allemands ont, en quelque sorte, pris General Electric comme emblème.

Parlant de GE, un de ses anciens Présidents Jack Welch aimait à rappeler le slogan suivant : "Le marché est plus grand que vos rêves". Toute l'Allemagne a adopté de facto cette feuille de route et est désormais tournée vers la grande exportation après avoir essentiellement assuré son développement en vendant à ses partenaires européens (qui constituent encore la majorité numérique de ses exportations). L'Allemagne a su monter en gamme et proposer des produits de qualité dans bien des secteurs : machine-outil, automobile, etc.

Cette image de marque positive des produits allemands parcourent l'esprit de bien des consommateurs de la planète. Parallèlement, pour tenir ses coûts, l'Allemagne a tissé des liens étroits avec ses pays voisins : Hongrie, Autriche, Tchéquie. Il est clair que Skoda est désormais voisin de la qualité de son actionnaire VW et n'est pas le Dacia allemand indirect....

En plus de la réalisation de son hinterland, l'Allemagne a su délocaliser avec pertinence et audace : il faut savoir que depuis 3 ans, il est assemblé plus de scanners Siemens en Chine qu'en Allemagne. Loin de n'être qu'une machine à savoir vendre, l'Allemagne sait partager son savoir-faire dans des joint-ventures équilibrés.

Mais ce tableau ne saurait être parfait. L'Allemagne de l'Est reste bien souvent une terre de friches industrielles et il y a encore beaucoup de chemin à accomplir avant de voir le PIB par tête de l'ex-RDA approcher celui de l'ex-RFA.

Deuxième point très préoccupant : la politique énergétique allemande sera bientôt confrontée au principe de réalité car l'abandon progressif du nucléaire a été une décision peu rationnelle pour qui songe aux émissions de CO2 des centrales à charbon et aux besoins d'importation de gaz du pays. L'indépendance énergétique de l'Allemagne est un concept du passé, en l'état actuel des puissances des technologies de remplacement. Ce point pourrait être, à moyen terme, une vraie difficulté pour la première économie de la zone euro.

France

Jean-Yves Archer :La crise a achevé le laminage de certains secteurs dont le textile et la confection, l'imprimerie, les points d'attache de la métallurgie. Certaines entreprises, qui se sont modernisées parviennent à tenir le choc de compétitivité mais globalement le constat de 2012 du rapport Gallois sur le décrochage de notre pays reste pleinement pertinent.

Deux éléments de dynamique doivent être introduits, en perspective de 2015. D'une part, l'âpreté des rapports entre grands donneurs d'ordre et sous-traitants va se maintenir et risque de contraindre les PME à recourir à une variable d'ajustement hélas connue : l'emploi. L'Unedic a pour projection 140.000 chômeurs de plus en 2015.

D'autre part, la relance de la concentration et des OPA (voir Lafarge-Holcim ou Peugeot et Dongfeng) sera probablement un marqueur de 2015 puisque la valorisation des entreprises est actuellement dégradée. (voir décotes de holdings).

L'exemple de Peugeot montre que la stratégie peut déboucher sur des quasi-rachats forcés là où Renault aura – pour l'instant – évité cet écueil au prix de fortes délocalisations et d'une marque low-cost : Dacia.

Très succinctement, il faudra suivre l'évolution du secteur bancaire dont la croissance a rendu certains établissements "too big to be bailed out" (trop gros pour être sauvé) et dont certaines composantes posent question comme la prestigieuse Deutsche Bank ce qui représenterait un risque systémique pour nos propres banques, mécanisme d'union bancaire oblige.

Puis, il faudra suivre l'évolution du secteur de la communication au sein duquel se livre une bataille complexe entre le gratuit et le téléchargement payant, entre la vivacité des séries et les résultats contrastés des long-métrages. Google est en passe de préparer une offre sans publicité ("add-free") et des groupes comme Pathé, comme celui de Luc Besson ou Canal Plus font preuve d'un vrai dynamisme sectoriel. Il y a là une spécificité française voire une amorce de spécialisation réussie.

En situation dynamique, l'état de notre pays est d'apparence simple. Depuis bien des années, la France a continué la tertiarisation de son économie au détriment de son potentiel productif industriel et de sa position de nation agraire. Depuis 20 ans, notre recul de l'emploi industriel est vraiment très conséquent. En face de ce phénomène, les différents gouvernements ont davantage traité les causes – par le "traitement social du chômage" – que rechercher à porter un diagnostic, à établir l'étiologie de nos difficultés. Cette politique d'emplois aidés (directement ou via des allègements de charges) ont donné des résultats contrastés et n'ont pas évité le chômage de masse (plus de 3,5 millions de personnes) qui est un fléau social et un manque à gagner économique de plusieurs dizaines de milliards d'euros par année.

A part le plan de relance Chirac-Fourcade de 1975 et les deux premières années (1981-1982) du premier septennat de François Mitterrand, la politique dominante a été une politique d'apparente rigueur qui n'a toutefois pas empêché le dérapage de l'endettement public et n'a guère traité de questions structurelles.

Combien de plans de relance de la machine-outil depuis celui de René Monory en 1978 ?  Combien de plan d'essor de nos exportations ?  Un par ministre ! Y  compris ceux qui avait le désavantage de ne pas parler anglais comme Madame Nicole Bricq...

Au dogme économique deloriste (et barriste) du franc fort a succédé, au sein de l'Union européenne, le dogme de l'euro fort. Or, une monnaie doit trouver un savant équilibre entre sa fonction de réserves (parité et monnaie de rentier) et sa fonction de soutien à l'exportation (monnaie pro-compétitive). La crise oblige désormais à un véritable assouplissement de la politique monétaire car les échanges interbancaires, les contraintes de respect des règles prudentielles, les besoins de financement de l'économie réelle imposent d'écorner certains principes pour éviter le spectre dangereux de la déflation.

Parallèlement, la France n'a pas fait le choix de l'austérité salariale mais il est important de noter que certains indices de pouvoir d'achat n'intègrent pas des dépenses incompressibles notamment l'intégralité des frais de logement.

Si l'évolution des salaires parait avoir été maintenue (avec répétons-le, des inégalités) , il ne faut pas non plus gommer le poids des solidarités familiales qui permettent à tel ou tel de bénéficier d'un appui (monétaire ou habitation) et qui sont difficiles à retracer dans les statistiques.

Après plus de 6 années de crise, le corps social est las de tant d'efforts et vit dans la crainte de la précarité à laquelle répond la crainte d'investir et d'embaucher des entrepreneurs qui n'ont pas de visibilité pour leurs carnets de commandes.

Ce face à face se traduit par un piètre dialogue social : l'échec d'efficacité de la réforme de la formation professionnelle ( qui touche toutes sortes de public mais proportionnellement peu les plus faibles ) et l'enlisement de la question de la réforme des seuils sociaux en disent long sur ce handicap français.

Le Royaume-Uni

Pierre-François Gouiffès : L’économie britannique avait été violemment frappée par la récession en 2008-2009. La croissance était encore faible en 2012 (+0,3% de croissance en volume) mais elle s’est renforcée en 2013 (+1,7%) et encore plus en 2014 (+3%), très au-dessus des standards d’Europe continentale. Toutefois, les bonnes performances récentes n’empêchent pas que le Royaume-Uni soit seulement à +2,9% par rapport à la situation d’avant-crise. Les dernières projections font apparaître à terme un léger ralentissement dans les années à venir.

Le taux de chômage était pour sa part passé de 5 à 8% de la population active entre 2008 et 2009. Il est depuis 2012 – grand élément de fierté pour l’équipe gouvernementale en place – quasiment revenu à son niveau d’avant crise, autour de 6%. Cette forte réduction du chômage est à mettre en regard de la faible évolution (voire de la baisse des salaires réels) et de la faiblesse de la hausse de la productivité du travail.

La politique économique a été fortement transformée pendant la crise. La politique monétaire est passée en mode « quantitative easing » de façon très importante : ainsi le total de bilan de la Banque d’Angleterre est passe de 60 milliards de livres à 400 milliards, avec notamment un programme significatif de rachats de titres publics. Le choc de 2008 avait très fortement creusé le déficit (11% en 2009) qui reste encore aujourd’hui supérieur au déficit français (-4,8%), d’où une augmentation très forte de la dette publique qui a quasiment doublé depuis 2008. Le gouvernement Cameron met en œuvre depuis son arrivée au pouvoir un programme budgétaire basés sur la maîtrise des dépenses publiques : baisse de 2 points, avec des mesures symboliques lourdes comme le plafonnement global des dépenses sociales. Le Royaume-Uni a ainsi pu garder son triple A auprès de Standard & Poors.

Les moteurs de la croissance actuelle, remarquable au regard des standards français, sont portés par l’investissement privé et la consommation privée.

Un point d’attention particulier sur l’économie britannique concerne son secteur immobilier où l’on constate une hausse important du prix des actifs dans certaines zones géographiques (+32% de hausse par rapport aux prix d’avant-crises à Londres selon le FMI). Cette situation semble particulièrement favorisée par les taux d’intérêt et beaucoup d’économistes s’interrogent sur le risque de bulle immobilière liée à cette situation.

Au Royaume-Uni, il y a toujours un regard particulier sur le secteur financier dont un rapport récent de la Banque d’Angleterre a récemment indiqué qu’il représentait 5.000 milliards de livres soit 450% du PIB britannique. Mais le poids du secteur financier dans la valeur ajoutée a reculé depuis 2008, passant de 14% à 12% du total.

La situation britannique, qui apparaît enviable sur le front de la croissance et de l’emploi au regard par exemple de la situation française (700.000 emplois créés en 2014) , n’exclut toutefois pas différents points de préoccupations ;l’enjeu de la compétitivité globale de l’économie, marquée par un déficit récurrent de la balance courante (-4,5% du PIB en 2013), et la faible croissance de la productivité et des salaires, permettant à l’opposition travailliste de mettre en avant les « petits boulots » et la précarisation croissante de la condition salariale.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !