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"Nouvelles routes de la soie" contre "Make America Great Again" : Chine ou États-Unis, qui gagnera le match du 21e siècle ?
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Confrontation

Les deux pays s'affrontent avec de nouvelles stratégies.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Deux nouvelles stratégies se partagent le monde : chinoise et américaine. Avec Xi Jinping, la Chine entend, depuis cinq ans, ouvrir et nouer partout des « routes de la soie » à partir de ses villes, gares, ports et aéroports, pour aller vers l’Europe, notamment en Allemagne et en Angleterre (post-Brexit). En même temps, elle n’exclut pas un détour par l’Afrique, pour y trouver terres agricoles, métaux et plus encore ces « terres rares » (scandium, ytrium…), décisives pour le numérique ! L’idée chinoise est, officiellement, de nouer des partenariats économiques mutuellement avantageux entre les pays émergents, qu’elle entend représenter, et les pays industrialisés, auxquels elle veut les présenter.

Avec Donald Trump, les États-Unis sont entrés dans une nouvelle stratégie. Elle se veut bien sûr mondiale elle aussi, mais part du renforcement des Etats-Unis sur le territoire national. Ensuite, parce qu’ils auraient plus de croissance interne, plus d’innovations, un site industriel plus efficace, ils seraient moins déficitaires en termes de commerce extérieur. Ils seraient alors mieux à même de recouvrer leur puissance antérieure, puis de s’étendre à partir d’une base plus stable.

Au fond, la Chine entend renforcer sa projection externe, en la rendant moins dépendante des exportations aux Etats-Unis, grâce à d’autres relations. Et les Etats-Unis veulent, eux, se ressourcer en interne, pour mieux repartir en externe. Ces deux politiques ont deux points communs : la course aux armements, pour mieux assurer la paix mondiale évidemment, la course aux endettements, pour tout financer. La Chine croît ainsi à 6,8 %, avec un crédit qui augmente de 13%. Sa masse monétaire est désormais égale à 2,3 fois son PIB, contre 0,9 fois pour les Etats-Unis et 1,3 pour la zone euro. La course américaine à l’endettement passe par les obligations publiques. La dette publique américaine représente 1,05 fois le PIB américain, contre 0,46 fois le PIB chinois pour la dette publique chinoise. Le point faible chinois est la dette bancaire, l’américain est la dette obligataire.

D’où les questions voisines, derrière ces deux stratégies : quelle est donc la qualité de ces crédits chinois, qui achètent la dette publique américaine, jusqu’à combien et jusqu’à quand ? Que vaut le crédit de l’un, qui achète celui de l’autre ?

Sans trop le dire, la Chine est très inquiète de la montée de ses crédits. Le FMI parle même de « zombies crédits » faits par des « zombies banques » à des « zombies entreprises », privées et publiques, « zombies connectivités locales » et « zombies ménages ». La montée du crédit ces dernières années, notamment depuis deux ans, est évidemment derrière la croissance maintenue de la Chine, au moment même où elle change de stratégie économique. En effet, décider d’exporter moins vers les Etats-Unis (notamment), de faire monter le Yuan et de soutenir la demande interne implique nécessairement moins de croissance, la productivité augmentant moins vite dans les entreprises de biens de consommation et de services que dans les entreprises de biens industriels exportés, sauf si on soutient le tout à crédit. Mais c’est aussi plus risqué pour les exportations industrielles, d’acier notamment, taxées comme faisant du dumping aux Etats-Unis et en zone euro. Ces entreprises chinoises doivent alors réduire leur voilure ou fermer, ce qui fait apparaître des crédits « compromis ». Même chose avec les dépenses d’infrastructures ou avec les projets immobiliers de certaines collectivités, souvent pharaoniques et de piètre qualité. Là encore, les crédits sont « compromis ». Même chose quand des entreprises chinoises s’endettent à l’intérieur pour acheter à l’extérieur des entreprises, des hôtels de grand luxe, des demeures de prestige, toutes au plus haut de leurs prix, donc avec une rentabilité fragile malgré des taux d’intérêt bas (qui monteront).

La Chine est au fait de ces(ses) travers. Le FMI (prudent) estime à 10% du PIB le montant des crédits zombie et pense que sa croissance, hors cette bulle du crédit, serait plutôt de 4%. La banque centrale chinoise prévient qu’elle va serrer les crédits, augmenter les taux et surveiller les banques. Et les autorités mettent en prison certains responsables de multinationales coupables d’investissements extérieurs jugés dispendieux et hors du métier de l’entreprise (patron de l’assureur Anbang par exemple). Le ralentissement du crédit interne et la montée du Yuan vont donc ralentir la croissance interne chinoise et faire naître des « déconvenues de crédits ». Mais ce n’est pas pour autant que le financement des routes de la soie devrait être freiné par les autorités, même s’il est plus risqué par ces temps de montée des taux. On peut même penser que le freinage de crédit interne est en bonne part étudié pour laisser plus de place aux « routes », stratégie oblige !

Les Etats-Unis se lancent surtout dans la dette publique, et veulent faciliter aussi le recours à la dette privée, pour soutenir une croissance au-delà de 3% et l’emploi, avec un taux de chômage qui irait au-dessous de 4%. Donald Trump lance une politique de baisses d’impôts en haut de cycle, « ce qui ne se fait pas », sauf qu’il prétend que ce haut de cycle peut être rehaussé, vers 4% (?). Plus d’Américains pourraient être ramenés vers le travail, s’ils sont mieux payés et si les allocations chômages sont diminuées (carotte et bâton). Plus d’entreprises seront incitées à investir et attirées aux Etats-Unis, si les impôts sont plus faibles et les infrastructures meilleures. Mais le déficit budgétaire est parti vers 1,1 trillion de dollars, contre 600 puis 800 milliards de dollars en 2017 ! Le plafond de la dette a été repoussé d’un an, le temps des joutes politiques de mi-mandat. Et après ? Les caisses de retraite américaines vont-elles continuer d’acheter, puis les Chinois ?

La dette chinoise est énorme. La dette publique américaine est en train d’exploser, elle va faire monter les taux dans le monde et peser sur la Chine (mais pas seulement). Routes de la soie (Chine) contre Make America Great Again (Etats-Unis) : qui gagnera ? Dollar contre Yuan : c’est l’idée américaine. Sauf si on paye en Yuan, dans les routes de la soie : c’est l’idée chinoise !

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