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"Les impôts, histoire d'une folie française" : des réformes de Charles VII à la fiscalité déclarative
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Bonnes feuilles

Jean-Marc Daniel se livre à une véritable analyse historique de la fiscalité depuis les débuts de la Ve République. Il commence avec les réformes mises en ouvre par Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances à partir de 1958. Il s'achève avec le matraquage fiscal de François Hollande. Le livre retrace à la fois les évolutions quantitatives, les réformes mises en ouvre et les propositions et études sollicitées par les pouvoirs publics pour inspirer ces réformes. Extrait de "Les impôts", de Jean-Marc Daniel, aux Éditions Tallandier (1/2).

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Sous l’Ancien Régime, la fiscalité est déjà complexe, variable et, bien qu’assez souvent confiscatoire, largement inefficace. Elle s’appuie sur deux piliers  : des péages qui frappent le transport des hommes et des marchandises ; des prélèvements sur les récoltes, comme la dîme qui consiste à en verser 10 % à l’Église. Lorsqu’elle disparaît avec la Révolution, elle a mal vieilli, même si ses débuts en tant que fiscalité organisée avaient été assez bien réfléchis. Ces débuts « modernes » remontent au roi Charles VII. Les principes qui le guident gardent une étonnante modernité dont nos dirigeants devraient s’inspirer… 

La tradition a donné à Charles VII deux surnoms : le « Victorieux », d’abord, pour avoir mis fin à la guerre de Cent Ans avec la victoire de Castillon en 1453. Fin heureuse pour la France puisque les Anglais, après cette bataille, ne contrôlent plus que Calais sur le continent. Le « Bien Servi », ensuite, pour avoir mené de façon exemplaire plusieurs réformes dans l’administration du royaume grâce à une équipe de conseillers hors pair. Parmi elles, il y a la remise à plat de la fiscalité, concré- tisée par la création en 1439 de la taille, un impôt qui va rester l’élément clef de la fiscalité jusqu’à la refonte due à la Révolution de 1789. 

L’histoire de Charles VII est celle d’un rétablissement de situation spectaculaire. Lorsque son père Charles VI meurt en octobre 1422, il a 19 ans. Il se proclame roi de France, mais, sept ans après le désastre d’Azincourt et deux ans après la signature du calamiteux traité de Troyes qui donne la couronne de France au roi d’Angleterre Henry V, cela paraît à la fois audacieux et vain. Personne ne mise à l’époque sur l’avenir du jeune Charles VII, pourchassé de Bourges à Chinon, roi sans couronne et sans autorité d’un royaume déchiré par la guerre civile entre bourguignons et armagnacs et par la guerre contre les Anglais. En réalité, c’est une femme aujourd’hui mondialement connue et dont nos dirigeants se disputent la mémoire qui lui fait confiance : Jeanne d’Arc. Avec elle commence l’épopée de la reconquête, qui va conduire Charles  VII à Reims où il est sacré en 1429, puis à Paris en 1436 où il s’installe en libérateur. 

Le roi a devant lui l’immense tâche de la reconstruction d’un pays qui n’est pas encore entièrement délivré de la présence étrangère et qui a été ravagé par cent ans de guerre. Il commence par se concilier le monde intellectuel, incarné à l’époque dans le clergé, en promulguant la « pragmatique sanction de Bourges » en 1438. Cette dernière marque le début de ce que l’on appelle le « gallicanisme », c’est-à-dire une certaine forme d’indépendance de l’Église de France vis-à-vis du Vatican. Puis il s’attaque au redressement des finances du royaume. Ce qui frappe quand on étudie sa démarche fiscale, c’est qu’il part de l’idée qu’il faut une fiscalité simple, compréhensible par tous et surtout prévisible. Il a compris que la population souhaite avant tout savoir combien elle devra payer et avoir la certitude que le montant fixé ne sera pas revu de façon arbitraire, au gré des foucades du roi ou de l’avidité des collecteurs d’impôt. Jules Michelet, dans sa célèbre Histoire de France, parlant du règne de Charles  VII, emploie le mot de « guérison ». Il souligne que sous ce règne, on « invente une chose alors inouïe en finances : la justice ». Le second objectif de la réforme est de légitimer l’impôt par le contenu des dépenses qu’il servira à financer. Charles VII présente donc simultanément sa réforme fiscale et un projet de restructuration de l’armée dont le but est d’éviter de nouveaux désastres militaires de l’ampleur d’Azincourt. 

Cette nouvelle fiscalité est centralisée : les agents du roi perçoivent les impôts dus au roi et non les divers échelons de la pyramide féodale. Les impôts sont réorganisés en deux grands types. D’abord, des impôts indirects qui sont assis sur certains biens de consommation courante. On les appelle les « aides ». Le principal est la gabelle, un impôt sur le sel1 . Un impôt direct, ensuite, sorte d’impôt sur le revenu ou sur les récoltes. Il reprend des impositions plus ou  moins disparates existant dans certaines régions pour les uniformiser et les étendre à l’ensemble du pays. Ce nouvel impôt est la taille. À l’occasion du paiement, on reçoit un morceau de bois – une taille – qui fournit, en cas de contrôle, la preuve que l’on s’est acquitté de ses obligations. On aurait pu envisager un reçu écrit, mais dans un pays où l’immense majorité de la population ne sait ni lire ni écrire, il est évident qu’une telle pratique n’inspirerait aucune confiance.

Extrait de "Les impôts", de Jean-Marc Daniel, aux Éditions Tallandier 

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