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"LECTURE D'ETE": Sérotonine : Quand Houellebecq donne raison à Musset ("Les plus désespérés etc")
©Capture d'écran / Fnac

Atlanti-Culture

AUJOURD'HUI :"Sérotonine" de Michel Houellebecq publié aux ed. Flammarion.

Valérie de Menou pour Culture-Tops

Valérie de Menou pour Culture-Tops

Valérie de Menou est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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LIVRE

Sérotonine

de Michel Houellebecq

Ed. Flammarion

352 pages

22 Euros

RECOMMENDATION

En priorité

THEME

Florent-Claude Labrouste, ingénieur agronome quadragénaire, fumeur compulsif et roulant en 4X4, a quitté les laboratoires Monsanto pour un obscur service du ministère de l’agriculture. Il rédige des notes censées défendre les petits producteurs et  destinées à l’administration européenne. Comme tout héros Houellebecquien, sa vie professionnelle et sa vie personnelle sont un désastre. Partageant sa vie avec une jeune  japonaise égoïste et libertine, il hésite entre l’idée de la défenestrer de leur tour du quartier Beaugrenelle ou de fuir. Il opte pour une disparition promptement organisée –toute sa vie tient dans un ordinateur- mais son mal-être s’aggrave.  Le voilà donc sous antidépresseur : le « Captorix », qui libère une hormone régulatrice de l’humeur, la sérotonine, mais anéantit sa libido.

Il entame alors une pérégrination existentielle et sentimentale, dans la France de nos territoires, celle du monde rural et du quotidien tragique de nos agriculteurs d’aujourd’hui, à la recherche de ses amours ratés et d’un sens à sa vie.

POINTS FORTS 

- La presse a largement commenté les scènes du roman qui évoquent le mouvement des gilets jaunes, anticipé par Houellebecq, et que les politiques n’avaient pas vu venir. L’auteur est, une nouvelle fois,  conforté dans son rôle d’entomologiste de notre société.

 - Une analyse cynique et cruelle des maux de notre monde occidental : un monde déshumanisé où  règne une grande solitude, à Paris comme en province.

 - De très belles pages sur la beauté de la campagne normande.  Cette errance conduit d’ailleurs le héros à retrouver un ami d’agro,  descendant d’une vieille famille aristocrate, pris à la gorge par les quotas laitiers et qui essaie de sauver ses terres familiales jusqu’au désespoir. Un chevalier des temps modernes lié au monde paysan en révolte contre la technocratie.  

-  Dans les 100 premières pages, qui posent le décor dans une ambiance à la Houellebecq, pur jus,  quelques savoureux coups de griffe aux retraités hollandais naturistes, aux bobos parisiens écoresponsables, aux supermarchés.  Puis suit une galerie de destins brisés comme cette actrice ratée devenue alcoolique et définitivement paumée, ou le drame des parents du héros, un couple mythique,  mirage d’un monde qui n’existe plus.

- Pour la première fois chez Houellebecq, le personnage principal  est un vrai personnage romantique. Il prend conscience, insidieusement, qu’il est rongé d’amour par une fille qu’il n’a pas vue depuis 10 ans et qu’il a perdue par stupidité. Son profond tourment sera d’ailleurs étonnamment confirmé par une analyse sanguine.

POINTS FAIBLES

Comme dans tous les romans de l'auteur, il faut parfois faire abstraction de ses références incessantes au sexe. Les scènes de pédophilie et de zoophilie n'étaient vraiment pas indispensables.

EN DEUX MOTS

Le roman le plus désespéré de Houellebecq et le plus poignant parce que l’espoir semble vain.

Il  est d’autant plus transperçant qu’il fait écho à la souffrance ambiante et à la fracture avec nos territoires qui s’est récemment révélée dans la douleur.

Par la voix de son héros, porte-parole de la détresse sociale, Houellebecq nous infuse son amour pour notre pays, un véritable cri de compassion qui retentit contre les donneurs de leçons et contre la mondialisation.   

Un roman qui fait mal.

UN EXTRAIT

Ou plutôt deux:

 - « Le monde extérieur était dur, impitoyable aux faibles, il ne tenait presque jamais ses promesses, et l’amour restait la seule chose en laquelle on puisse encore, peut-être, avoir foi » page 180

 - « J’avais toujours proposé des mesures de protection raisonnables, des circuits courts économiquement viables, mais je n’étais qu’un agronome, un  technicien et on m’avait toujours donné tort, les choses avaient toujours au dernier moment basculé vers le triomphe du libre-échangisme, vers la course à la productivité, alors j’ouvris une nouvelle bouteille de vin, la nuit était maintenant installée sur le paysage, Nacht ohne Ende, qui étais-je pour avoir cru que je pouvais changer quelque chose au mouvement du monde ? » page 251

L'AUTEUR

Ou plutôt deux:

 - « Le monde extérieur était dur, impitoyable aux faibles, il ne tenait presque jamais ses promesses, et l’amour restait la seule chose en laquelle on puisse encore, peut-être, avoir foi » page 180

 - « J’avais toujours proposé des mesures de protection raisonnables, des circuits courts économiquement viables, mais je n’étais qu’un agronome, un  technicien et on m’avait toujours donné tort, les choses avaient toujours au dernier moment basculé vers le triomphe du libre-échangisme, vers la course à la productivité, alors j’ouvris une nouvelle bouteille de vin, la nuit était maintenant installée sur le paysage, Nacht ohne Ende, qui étais-je pour avoir cru que je pouvais changer quelque chose au mouvement du monde ? » page 251

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