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"Le dernier pharaon" de François Schuiten, Jaco Van Dormael et Thomas Gunzig : Schuiten, vous connaissez ? Et bien là, il fait du Schuiten. Un peu trop même...
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Dominique  Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse pour Culture Tops

Dominique Clausse est chroniqueur pour Culture Tops

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BD

LE DERNIER PHARAON

Scénario : Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et François Schuiten, dessin : François Schuiten

Editions Blake et Mortimer

91 pages

17,95€

RECOMMANDATION

           BON

THEME

Il y avait une grande excitation à attendre la parution du dernier Blake et Mortimer, proposé par François Schuiten. L’excitation est souvent un piège pour le lecteur, car elle crée une attente déraisonnable, qui ne peut jamais être complètement satisfaite. C’est le cas ici, avec un sentiment de demi-réussite. Schuiten est un des grands maîtres de la BD moderne, connu essentiellement pour sa collaboration avec Peeters sur la série des Cités Obscures (11 albums parus chez Casterman). Les auteurs y imaginaient les évolutions sociétales et architecturales de grandes villes contemporaines.

Le récit du Dernier Pharaon suit chronologiquement une aventure mythique de Blake et Mortimer, le Mystère de la Grande Pyramide, qui se déroulait en Egypte, alors qu’ici, l’histoire se situe à Bruxelles, en confrontant Mortimer à un étrange rayon cosmique. C’est le même principe que le dernier opus paru avant celui-ci, La Vallée des Immortels, qui suivait Le Secret de l’Espadon. Mais la comparaison s’arrête là, car, contrairement à cette Vallée des Immortels, qui respectait les codes de la série Blake et Mortimer, de façon presque obsessionnelle, Schuiten a choisi pour son Dernier Pharaon une rupture complète avec l’univers des célèbres héros.

Et c’est tout le débat qui agite le chroniqueur au moment de rédiger ces quelques lignes. Une moitié de mon cerveau réagit positivement en trouvant cette aventure bien menée et très originale dans son écriture, tandis que l’autre moitié a un sentiment plus mitigé en n’ayant à aucun moment l’impression de lire un « bon vieux » Blake et Mortimer.

Essayons d’alimenter ces contradictions.

POINTS FORTS

Le scénario est ambitieux, en s’inscrivant dans le genre « fable écologique ». On rentre dans la course contre la montre à laquelle est soumis Mortimer, et on ressent un vrai effet de suspens, avec l’envie d’arriver à la dernière page. L’idée, en particulier, de donner un rôle essentiel au Palais de Justice de Bruxelles est très intéressante, en créant des liens, parfois ténus, entre ce bâtiment et les pyramides égyptiennes. On apprend ainsi que la coupole du célèbre bâtiment devait, initialement, être une pyramide !

La maîtrise graphique de Schuiten fait merveille dans un style qu’il maîtrise totalement, et qu’on pourrait appeler la BD architecturale. Toutes ses vues de la capitale belge soumise à un cataclysme destructeur sont impressionnantes et donnent un cadre somptueux à cette aventure.

POINTS FAIBLES

A aucun moment, on n’a réellement l’impression de lire une histoire de Blake et Mortimer. Nos deux héros semblent plutôt un prétexte à mener cette aventure ésotérique. Parfois, l’histoire frise même le ridicule, comme, par exemple, lorsque les auteurs nous expliquent que les Egyptiens sont venus construire une pyramide secrète sur le futur lieu de la capitale belge.

Le caractère des personnages se dilue complètement dans l’« histoire belge », gommant le côté « so british » des héros de Jacobs. Schuiten phagocyte Jacobs, privilégiant son univers à celui de son illustre aîné, comme le prouve, symboliquement, la présence de La Douce, la locomotive héroïne d’une autre aventure de Schuiten. Et il assume cette « belgicisation », puisque, à la fin de cette histoire, Mortimer envisage de s’installer à Bruxelles.

EN DEUX MOTS

SCHUITEN OUBLIE BLAKE ET MORTMER .                                                        

Si Jacobs est un roi de la BD belge, alors Le Dernier Pharaon est un crime de lèse-majesté. Cela peut plaire aux révolutionnaires qui aimeront ce parti-pris audacieux, refusant d’être prisonniers des conventions liées à une série. Et cela peut être insupportable pour les fidèles adorateurs de l’œuvre du Maître.

Au final, mon cœur a penché du côté des fidèles, et, même en trouvant cette BD réussie, je regrette que Schuiten ait autant fait du Schuiten, au détriment des codes de la série. Il gardait sûrement en lui l’idée de faire une BD sur ce Palais de Justice. Il suffit de relire les notes d’avant-page de Brüsel, un des albums de la série des Cités Obscures, où, dès 1992, sa fascination pour ce bâtiment, et son architecte atypique, Poelaert, est déjà présente ! Nul doute que le bâtiment le mérite (Jacobs l’avait également envisagé) et que sa mise en valeur est très réussie.

Cette BD est pour moi une très belle œuvre, mais ne sera jamais réellement une aventure de Blake et Mortimer.

UNE IMAGE

LES AUTEURS

(d’après BDGest)

J’ai concentré cette revue d’auteurs sur Schuiten, mais sans oublier les contributions au scénario du metteur en scène Jaco Van Dormael (Toto le Héros) et de l’écrivain Thomas Gunzig, ainsi que la superbe mise en couleur de Laurent Durieux.

François Schuiten est né à Bruxelles le 26 avril 1956 dans une famille d'architectes. Il n'a que 16 ans lorsque ses planches sont publiées pour la première fois : Mutation, une histoire courte entièrement dessinée au bic, paraît dans l'édition belge de Pilote. À l'atelier bande dessinée de l'Institut Saint-Luc, il rencontre Claude Renard avec qui il réalisera deux albums : Aux médianes de Cymbiola et Le Rail, regroupés sous le titre Métamorphoses, paru chez Casterman. Avec son frère Luc, il élabore au fil des ans le cycle des Terres creuses dans Métal Hurlant. Trois albums sont parus à ce jour : Carapaces, Zara et Nogegon, bientôt réédités chez Casterman. Depuis 1982, il travaille avec son ami d'enfance Benoît Peeters à la série Les Cités obscures, publiant successivement Les murailles de Samaris, La fièvre d'Urbicande, L'Archiviste, La Tour, La route d'Armilia, Brüsel, l'Echo des Cités, L'Enfant penchée, Le Guide des Cités, L’ombre d’un homme et La Frontière invisible, ainsi que The Book of Schuiten et Les Portes du Possible (tous aux éditions Casterman). Ces albums ont été traduits dans une dizaine de langues et ont obtenu de nombreuses récompenses. François Schuiten a obtenu en janvier 2002 le grand Prix d’Angoulême, la plus haute distinction européenne du domaine.

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