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#FillonGate :  l’arbre qui cache la forêt de l’hypocrisie générale des français et de leurs élus à l’égard du financement de la vie politique
©wikipédia

Transparence

Suite à "l'affaire" dite PénélopeGate, François Fillon souhaite être reçu au parquet national financier pour "faire taire la calomnie". Cette affaire, loin d'être une première dans la vie politique française ne serait-elle pas "l'arbre qui cache la forêt" de l’hypocrisie des Français et de leurs élus à l'égard du financement de la vie politique.

Bertrand Mathieu

Bertrand Mathieu

Bertrand Mathieu est un professeur et juriste français, spécialiste de droit constitutionnel. Il est notamment professeur de droit à Paris-I, membre du Conseil de la magistrature et Président de l'Association française de droit constitutionnel. C'est un ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature. Il est Vice président de l’Association internationale de droit constitutionnel. Son dernier ouvrage paru s'intitule "Justice et politique: la déchirure?"  Lextenso 2015.

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Atlantico : Derrière l'affaire Fillon révélée le 25 janvier par le "Canard enchaîné", ne peut-on pas voir une forme d'hypocrisie générale relative aux pratiques de la vie politique française. Quelles sont les formes les plus fréquentes, voire "usuelles" qui ont pu être dévoilées au cours de ces dernières années ?

Bertrand Mathieu : D'abord ce qu'il faut rappeler c'est qu'il n'y a pas une multiplication des affaires. Elles sont plus connues et il  a une augmentation considérable de l'absence de tolérance par rapport à ces pratiques. Le niveau d'exigence a monté.  Il y a les affaires que l'on connaît et qui donnent le sentiment que le phénomène est nouveau, comme Cahuzac, les déboires du Front National au parlement européen, un peu avant les emplois fictifs à la mairie de Paris sous Chirac… Mais en réalité cela n'a rien de nouveau. Les scandales sous la IIIe République étaient 10 fois plus importants que ceux-là, il suffit de prendre l'exemple du canal de Panama.

Dans l'affaire Fillon la pratique d'employer un conjoint comme attaché parlementaire c'est probablement pas ce que l'on fait de mieux mais c'est entièrement légal. Le problème est de savoir si elle a travaillé ou pas mais pour l'instant on en sait rien. Ce qui est dangereux dans cette affaire c'est qu'elle sert de substitut au débat public. S'il y a une affaire judiciaire la justice le tranchera.  Ce dont il faut se méfier c'est qu'un idéal de transparence et de rigueur absolu ne fera pas nécessairement une bonne politique.  Evidemment il faut sortir les affaires et les sanctionner lorsqu'elles le méritent mais ce qui est vraiment dangereux c'est que la presse et la justice peuvent faire et défaire les carrières politiques comme ils l'entendent. Le jour où quelqu'un est condamné pour une pratique il est normal que sa capacité à diriger le pays soit mise en cause. Mais il faut que cela soit avéré, gare aux jugements hâtifs.

Comment expliquer que le "système" français puisse être aussi vulnérable à ce type de pratiques ? Quelles en sont les causes profondes ?

Il y a plusieurs choses: le manque de moyens financiers, une tradition d'impunité (pendant très longtemps les hommes politiques n'ont pas été inquiétés par la justice, aujourd'hui c'est l'inverse qui semble se produire), la toute-puissance du pouvoir étatique et le fait que le parlement n'agit pas assez comme un organe de contrôle. Si l'affaire Fillon est une occasion de poser le débat, pour l'instant il faut la relativiser.  Une enquête est ouverte mais on ne sait rien d'autre à part le fait qu'il ait employé sa femme et cette pratique est relativement courante et était tout à fait acceptée quelques années auparavant.

Concernant l'absence de moyens donnés aux politiques, il suffit de prendre l'exemple des Etats-Unis. Là-bas, les parlementaires ont une armada de conseillers, par rapport à la France cela n'a rien à voir, d'autant plus qu'un parlementaire en France a des attachés à Paris mais aussi en province, chose que l'on oublie trop souvent. C'est le système qui n'est pas sain en lui-même. Un parlementaire qui aurait un cabinet directement financé par les assemblées n'aurait pas ce genre de problèmes.  

Quelles sont les principales pistes permettant d'empêcher ce type de pratiques ? Comment frapper las "causes" plutôt que de condamner sans réformer, c'est à dire en ne traitant que les conséquences ?

Depuis 15 ou 20 ans on essaye de mettre en place un financement public de la vie politique, cela dit nous n'arriverons jamais à faire un système totalement transparent. On progresse de lois en lois et globalement on a une situation qui s'assainie. Quant aux cabinets parlementaires il faudrait trouver un système où les membres de cabinets seraient payés par l'assemblée ou que l'assemblée ai un droit de regard et qu'ainsi cela ne se fasse plus à la discrétion des parlementaires. D'un autre côté on peut comprendre qu'un membre de cabinet puisse s'appuyer sur quelqu'un en qui il a confiance.

Un bon critère qui pourrait être mis en place serait d'instaurer une obligation de capacité. Si on repart de la déclaration de 1789 dans laquelle il est stipulé que les fonctions doivent être occupées en fonction des capacités,  il est évident que si quelqu'un emploi sa femme alors qu'elle n'a aucun diplôme, le problème devient évident. Toutefois si vous employez quelqu'un de votre famille qui a toutes les compétences et les diplômes pour assumer la fonction, pourquoi l'interdire? Il faut rétablir une forme de confiance. On ne peut pas tout réglementer, on essaye depuis des dizaines d'années mais c'est sans effet. Il faut travailler à rétablir la confiance entre les électeurs et les élus et revoir l'équilibre des pouvoirs.

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