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 Comment le Jean-Luc Mélenchon de 2017 s'est réinventé par rapport à celui de 2012
©Reuters

Meeting à Marseille

Inflexions sur la question de l'immigration et sur les mesures de justice sociale, plus grande place accordée à l'écologie, interviews moins agressives... Jean-Luc Mélenchon, par rapport à 2012, a changé sur la forme, mais aussi sur le fond.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Quels sont les "erreurs" que Jean Luc Mélenchon a pu corriger depuis sa campagne de 2012 ? Sur quel point observe-t-on un changement de position de fond de la part du candidat par rapport à la précédente élection présidentielle, notamment sur les questions liées à l'immigration ? 

Bruno Cautrès : En 2012, Jean-Luc Mélenchon avait déjà fait un bon résultat avec 11.1% des voix mais un peu éloigné des sondages d’intentions de vote plus favorables qu’il avait obtenus quelques semaines avant. Il en a clairement retenu des leçons et l’on a vu d’importants changements dans sa communication et a infléchi son programme tout en conservant les fondamentaux de ses positions. 

Au plan économique, son programme comporte toujours d’importantes mesures de justice sociale, clairement ancrées à gauche : par exemple, l’augmentation du Smic de 16%, pour le porter à 1300 euros nets (une hausse inférieure à celle proposée en 2012), une sixième semaine de congés, le retour de la retraite à 60 ans, la perspective de réduction du temps de travail à 32h, l’abrogation de la loi El Khomri, l’interdiction des "licenciements boursiers". Par rapport à 2012, la question écologique occupe une place plus importante encore: Jean-Luc Mélenchon propose de « constitutionnaliser la règle verte ». Il inscrit cette vision dans une vaste politique publique qui est qualifiée de « planification écologique » et qui comporte des propositions plus nettement écologistes qu’en 2012 en matière d’énergies renouvelables ou de sortie du nucléaire ou encore de politique de la mer. Il est d’ailleurs l’un des seuls candidats  à parler de la mer. Ces deux volets, économiques et écologiques, sont davantage en interaction qu’en 2012 dans son programme tandis que la 6ème République est toujours là mais avec des nouveautés : droit de vote à 16 ans, vote obligatoire, révocation possible des élus par exemple. 

Sur l’immigration, alors qu’en 2012 il indiquait que « l’immigration n'est pas un problème », il met aujourd’hui en avant davantage la lutte contre les causes des migrations et résumé ceci par « chacun doit pouvoir vivre dans son pays, et cela est valable en Corrèze comme au Zambèze ». Il propose la régularisation des travailleurs sans papiers. Malgré une certaine inflexion sur cette question, le programme reste un programme caractérisé par une forte dimension de tolérance culturelle et d’intégration socio-politique des étrangers. 

Sur la forme également Jean Luc Mélenchon semble avoir appris de ses erreurs. En colère il y cinq ans il apparaît aujourd'hui plus apaisé, plus rassurant. En quoi le candidat de la France Insoumise paraît il avoir progresser ? 

La communication de Jean-Luc Mélenchon dans cette présidentielle 2017 est reconnue comme assez réussie par tous les spécialistes de communication politique. Tout en conservant les fondamentaux de son positionnement politique, il a su se renouveler dans la forme. Il est le candidat de la « France insoumise » et plus seulement du Front de gauche. Sur la forme on retiendra bien sûr sa campagne sur le web, les vidéos sur Youtube, le meeting avec son hologramme. Mais aussi une forme verbale moins agressive vis-à-vis des médias et des journalistes, moins de drapeaux rouges dans les meetings et une volonté d’apparaître plus « assagi » et rassembleur. Récemment il a reconnu, dans une interview au JT de 20h sur France 2, cette évolution. Ses discours restent fortement structurés par des références historiques mais il a su trouver, dans cette campagne électorale qui déboussole de nombreux électeurs, un style oratoire qui tranche avec d’autres candidats qui sont davantage dans le vocabulaire classique de la politique. Le style de ses meetings, son style vestimentaire (pas de costume-cravate mais une veste-cravate moins classique que ses concurrents) le différencie également. 

Quels sont, au contraire, les points sur lesquels le candidat du Front de Gauche n'a pas changé et qui peuvent empêcher encore son électorat d'accroître d'avantage ? Quels sont les élements de son programme qui peuvent encore agir comme un repoussoir pour les électeurs ? 

Jean-Luc Mélenchon reste bien sûr un candidat de gauche et les électeurs de droite ou du centre ont bien sûr peu d’inclinaison pour son programme économique. Son rapport à l’Europe peut également freiner certains électeurs. Mais dans cette élection, Jean-Luc Mélenchon joue une autre carte : il parvient à attirer des électeurs de gauche qui sont déçus du mandat de François Hollande et qui le trouvent plus convaincant et meilleur candidat que Benoit Hamon.  Ses récentes performances en intentions de vote montrent clairement les vases communicants entre le deux. 

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