"Captain America" : ohé, ohé, capitaine, abandonnez !, "Aimer, boire et chanter" : voir, soupirer et ronfler, "Her" : c’est toi, c’est moi, c’est nous, c'est l'amour - le vrai !<!-- --> | Atlantico.fr
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Trois films ont attiré l'attention des médias.
Trois films ont attiré l'attention des médias.
©Allo ciné

La revue des critiques ciné

"Captain America : le soldat de l'hiver" des frères Russo, "Aimer, boire et chanter" d'Alain Resnais, "Her" de Spike Jonze : tous vos journaux en ont parlé, les ont aimés, détestés, encensés ou dézingués. Leurs critiques étaient-elles méritées ? On est allé vérifier, hé, hé...

Barbara Lambert

Barbara Lambert

Barbara Lambert a goûté à l'édition et enseigné la littérature anglaise et américaine avant de devenir journaliste à "Livres Hebdo". Elle est aujourd'hui responsable des rubriques société/idées d'Atlantico.fr.

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"Captain America : le soldat de l’hiver" d’Anthony et Joe Russo

Vous ne serez pas trop surpris de l’apprendre : « Le Monde » n’a pas aimé, mais pas aimé du tout ce nouvel épisode des aventures du super héros des Avengers. «Confié à deux réalisateurs de comédie, les frères Russo, le film est dépourvu d'inspiration et abat le cahier des charges avec un ennui sidéral, assène le quotidien du soir. Reste un film assemblé dans le style du docteur Frankenstein (...). Une recette bien indigeste », conclut le journal. Houlà ! C’est si grave que ça, docteur ? Pas à en croire « Les Inrocks », qui ne sont pourtant pas les plus faciles à contenter  : « Rien de neuf sous le soleil, indique le mag, mais du cinoche du samedi soir d’une facture inattaquable ». « TéléCinéObs » est assez sur la même ligne :  « Dans la lignée du réjouissant "Iron Man 3", écrit le mag, le divertissement, malin, spectaculaire et plein d’humour, remplit dignement sa mission ». De l’ouvrage de qualité moyenne mais honnête, ce « Captain America » ? C’est à noter : si la presse "grand public" est plus enthousiaste, elle ne l’est pas non plus excessivement : « Construit à la manière d'un bon vieux thriller conspirationniste, raconte « Métro », "Captain America, le soldat de l'hiver", réserve l'habituel déluge d'effets spéciaux pour sa dernière partie, proprement apocalyptique. Avant ça, le scénario multiplie les rebondissements, les bons mots mais pas trop, et propose une relecture audacieuse des événements historiques des soixante dernières années ». « Lisse », c’est le mot qui, en fait, ressort le plus souvent des critiques. « Les ingrédients sont là pour faire de ce « Captain America » un bon divertissement, estime « Le Point ». Ce qu'il se contente hélas d'être, abandonnant très vite toute ambition de s'élever au-dessus de la masse super-héroïque. À l'image de son acteur principal, Chris Evans, le film est sympathique, beau, honnête, mais terriblement lisse ». « Cette suite ravira les fans de l'univers Marvel, note de son côté « Télé 7 jours ». Le charme de Scarlett Johansson et le charisme de Robert Redford (...) compensent les faiblesses d'un scénario assez creux, et d'un héros décidément trop lisse ». « Captain America, membre des Avengers, s'affirme comme l'anti-Batman, déclare « Télérama » : un superhéros sans tourments, voire un peu lisse. Heureusement, la « Veuve noire », jouée par Scarlett Johansson, apporte une fantaisie moins passe-partout ». Alors, alors, honnête mais trop « formaté », trop « calibré », ce « Captain America : le soldat de l’hiver » ?

Ce qu’on en pense :

Bon, on va vous la faire courte, parce qu’il n’y a pas de quoi théoriser des heures : on parle film à grand spectacle, avec effets spéciaux et grosse castagne, hmmm ? Le contrat est-il rempli ? Pour les coups de poing, c’est sûr, y’en a — mais comme on en voit dans n’importe quel jeu vidéo (râlala, ce qu’on s’habitue à la violence, tout de même — hou, c'est moche…). En ce qui concerne le “ jeu des acteurs ”, pas grand-chose à dire : Chris Evans est lisse, c’est vrai, mais c’est ce que, très visiblement, les réalisateurs attendaient de lui. Scarlett Johansson se défend, Samuel L. Jackson est toujours parfait, et Robert Redford — damned, damned, damned ! — à contre-emploi dans le rôle du vilain pas beau (mais qu’est-il donc allé faire là ?) Côté scénario, l’idée est la suivante : « le XXIe siècle est un grand livre numérique » dans lequel les méchants n’ont qu’à puiser pour contrôler l’espèce humaine qu’il suffit d’ « effacer » quand elle regimbe un tantinet. C’est un peu simpliste, en même temps, c’est assez cohérent, et puis, on va pas chercher midi à quatorze heures : c’est pas l’objet. Côté action, là, on peut dire que le pari est réussi : il y a trois-quatre scènes assez soufflantes qui opèrent de vrais retournements de situation, franchement inattendus. Cela suffit-il ? Perso, on vous conseille d’attendre que le film passe à la télé. Ce sera toujours ça d’économisé. Après, si vous avez le budget, vous pouvez toujours y aller, hmmm ?

"Aimer, boire et chanter" d’Alain Resnais

La critique est unanime, les réserves quasi inexistantes. “ Resnais donne dans l’épure maximale. Et fait mouche comme rarement, sur des dialogues joliment ciselés par Jean-Marie Besset. Attention : film jubilatoire ”, prévient “ Le Monde ”. “ Hommage au théâtre, aux acteurs et, plus simplement, à la vie, cette comédie sur les chassés-croisés de couples joueurs donne des envies d’amours, de boissons et de chansons pour célébrer Alain Resnais ! ” s’enthousiasme “ 20 minutes ”. “ D’un argument de boulevard, estime “ La Croix ”, Alain Resnais a composé une comédie subtile et drôle, merveille d’intelligence et d’esprit, servie par une distribution de rêve, avec des acteurs excitants dont le plaisir à jouer cette partition est visible et communicatif ”. Dans ce beau concert de louanges (dont on vous épargne la liste exhaustive), seuls deux journaux font entendre des voix dissonantes. “ Le dernier film de Resnais, rappelle “ Télé 7 jours ” au cas où,  (…) le dispositif de sa mise en scène, entre théâtre et cinéma, s’essouffle. Le côté ludique s’estompe, malgré des acteurs excellents et des dialogues souvent drôles et mordants ”. “ Première ” va plus loin : “ Le réalisateur laisse ses acteurs se noyer dans un pur vaudeville, qui ne bénéficie cette fois d’aucune distance ludique. (…) Le programme épicurien du titre constitue alors un ultime mensonge, tant ce voyage au bout de l’ennui s’avère pénible ”. Wow ! Carrément… Faut-il comprendre qu'en manière d’"ultime hommage" au réalisateur disparu, la critique aurait rengainé ses couteaux et ravalé ses dents ? Du coup, on se pose la question…

Ce qu’on en pense :

Juger le dernier film d’un réalisateur tout juste disparu : voilà une mission fort délicate — d’autant plus délicate qu’il ne s’agit pas de n’importe quel réalisateur, mais d’Alain Resnais, auteur, entre autres, d’ “ Hiroshima, mon amour ”. Bref, un grand, un vrai cinéaste. Plutôt qu’au drame, il avait choisi, ces dernières années, de se consacrer à la comédie, pas n’importe quelle comédie : celle de la vie, qui contient sa part de tragédie. Resnais étant Resnais, le traitement qu’il avait adopté restait “ expérimental ”, comme en témoignaient notamment les décors hyper-réalistes de “ Smoking/No Smoking ”. Dans “ Aimer, boire et chanter ”, les acteurs n’évoluent plus dans un cadre kitsch à souhait, résolument factice, mais sur ce qui ressemble à une vraie scène de théâtre, les maisons, les jardins étant figurés par de longues tentures peintes. On l’aura compris : c’est à une représentation de la comédie de la vie que le réalisateur nous convie ici. Ce sentiment est renforcé du fait que les protagonistes de l’histoire répètent une pièce de théâtre. Théâtre dans le théâtre, tout est théâtre… comme disait Shakespeare, “ le monde entier est une scène de théâtre ”. Tout cela, à force, nous a un air un peu trop appuyé… Comme si cela ne suffisait pas, la comédie amoureuse à laquelle on assiste s’ordonne tout entière autour d’un personnage absent, doué pour la vie et aimé des femmes, qui “ n’a plus que six mois à vivre ” et qui est bien décidé à en profiter jusqu’au bout. La référence à Resnais, à sa maladie, est limpide. Qu’il ait choisi cette pièce du dramaturge Alan Ayckbourn pour tirer sa révérence est des plus compréhensible, et même émouvant. Ces bonnes choses étant dites, et si l’on ne s’en tient qu’au film lui-même, force est d’avouer que l’intrigue en elle-même n’est guère passionnante, le dialogue pauvre et souvent ringard (mentions spéciales à “ c’est chelou ” et “ c’est top ”) et la mise en scène très, très empesée. En résumé, et même si l’on est triste de le constater : c’est raté. Pire : à deux-trois reprises, on a carrément failli piquer du nez. A dix heures du matin, tout frais pimpant et revigoré par le café, avouez que c'est troublant.

"Her" de Spike Jonze

Du 5, du 4, du 3 étoiles : le film de Spike Jonze a littéralement envoûté la presse ­– la difficile, la sophistiquée, comme la populaire. Vous voulez un petit échantillon, pour voir ? « Après le surcoté « Dans la peau de John Malkovich » ou le décevant « Adaptation », Spike Jonze signe là un fulgurant retour », s’emballent « Les Inrocks ». « Dans « Her », nous dit « 20 minutes », Spike Jonze livre une analyse fine des rapports amoureux et surprend constamment avec un scénario brillant récompensé par l’oscar du meilleur scénario. La performance de Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansson ne sont pas étrangers aux émotions qui se dégagent de cette œuvre sensible ». « Peu de cinéastes parviennent comme lui à nous faire croire l’impossible en quelques scènes, à nous plonger dans un univers à la fois insolite et si prégnant, estime « Paris-Match ». Sa comédie romantique 2.0 est à la fois euphorisante et déprimante, tendre et désespérée ». Dans ce déluge de critiques toutes plus dithyrambiques les unes que les autres, deux journaux ne délivrent qu’un « 2 étoiles » : « Malgré une bonne volonté manifeste à tordre les codes surannés de la comédie sentimentale, Jonze échoue à mettre dans le mille. C’est même un euphémisme, tranche « Libération », puisque l’image n’est ici, à de rares exceptions près, que le support faiblard d’une relation qui trouve son expression seulement dans le dialogue ». Surprise ! « Le Figaroscope » est, étrangement, du même avis : « « Her » nous donne une vision du monde fausse et lointaine, juge-t-il. Comme une étoile. C’est très joli, mais déjà éteint ». Mal embouchés, insensibles, cœurs cruels , « Libé » et le « Fig », ou simplement dans le vrai ?

Ce qu’on en pense :

Pour être tout à fait honnête, on craignait pas mal que ce film soit un peu jus de crâne, qu’il nous prenne la tête, en somme. La vérité, c’est qu’en deux heures, on ne s’est pas ennuyé une seule seconde, ce qui est quand même très fort dans la mesure où “ Her ” raconte l’histoire d’un homme amoureux d’un “ OS ”, un ordinateur, incarné seulement par une voix (la très chaude, très vivante... et très “ réelle ” voix de Scarlett Johansson). Petite précision — parce qu’on ne va pas se mentir non plus : si le thème du film ne vous inspire pas à la base, s’il ne vous titille pas, il vaut mieux ne pas aller le voir. Le film de Spike Jonze est tout sauf emmerdant, mais il appelle quand même une certaine “ ouverture ” d’esprit : pour l’apprécier, il faut accepter de se laisser aller, porter. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela n’est pas si difficile, en fait. L’époque dans laquelle s’inscrit le film — un “ futur proche ” — ressemble beaucoup, et hélas, à la nôtre. A la fois humaine et déshumanisée, incarnée et virtuelle. Dans les rues, semblables aux nôtres, les gens parlent et plaisantent avec un interlocuteur invisible, absent, à l’autre bout du fil — ou d’une puce. Ils se croisent sans se voir la plupart du temps mais ont encore des connections “ réelles ” avec des amants, des amis, des voisins, et même des inconnus. Leur cadre de vie, intime ou professionnel, n’est pas éloigné du nôtre : même si la technologie est passée par là, on utilise encore une bouilloire pour faire chauffer de l’eau, il y a des couettes sur les lits, des coussins sur les canapés, bref, tout est exactement ou presque comme aujourd’hui. Une fois qu’on a compris cela, on est capable de prendre le film de Spike Jonze pour ce qu’il est. Non pas une fable d’anticipation un peu fofolle, mais une très belle représentation de la “ condition amoureuse ” au XXIe siècle, de la tentation de céder aux relations virtuelles, et donc solipsistes. “ Her ” est aussi et tout simplement un film sur l’amour, sur le manque que crée l’absence d’un corps, dont on se lasse sitôt que l’on sait qu’il est à nous, sur l’équilibre qu’il faut trouver entre “ la matière ” et l’esprit, le réel et l’imaginaire, le vécu et le “ projeté ”. Si tout cela vous parle, n’hésitez pas : courez le voir. C’est un vrai beau film - intelligent, sensible et généreux - que celui-là !

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