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Le 5 mai 1992, Pierre Bérégovoy, alors premier ministre de le France ouvrait le débat du traité de Maastricht devant l’Assemblée Nationale et déclarait :
"Le traité crée une Europe politique, rend possible une Europe sociale, institue une "autorité économique" dans l'Union économique et monétaire, ouvre la voie d'une Europe industrielle, reconnaît une nouvelle citoyenneté communautaire."
Il s’agit là de "l’esprit" de Maastricht. Plus de 20 années se sont écoulées depuis lors pour des résultats discutables.
L’union politique a laissé place à une tension grandissante entre les états de l’union. L’Europe sociale est restée lettre morte. L’Europe industrielle n’a pas résisté à la désindustrialisation du continent. Quant à la citoyenneté européenne, elle a été affaiblie par la crise des solidarités européennes.
Et Pierre Bérégovoy l’indiquait déjà clairement : "À partir de ces bases, l'Europe sera demain ce que la France en fera avec ses partenaires."
Mais les promesses de prospérité ne sont pas au rendez-vous. La récession économique qui a frappé l’Europe en 2008 prend aujourd’hui la forme d’une stagnation séculaire, la croissance de la zone euro n’ayant toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise. De plus, c’est aujourd’hui une situation de déflation qui menace le continent européen.
Face à un tel constat, les institutions se sont révélées incapables de sortir l’Europe de la crise qui la frappait. Les sommets européens se succèdent et se contentent d’aborder les conséquences du marasme européen, (sommet de Milan sur le chômage des jeunes de ce 8 octobre), sans jamais en affronter sérieusement la cause qui est le manque de croissance. Malgré les injonctions de relance du FMI, du G20, de l’OCDE, l’Europe sourde.
Depuis 2012 et l’instauration du pacte de stabilité, l’Allemagne est définitivement devenue le modèle à suivre. Un modèle qui est pourtant l’objet de nombreuses critiques et dont les derniers résultats, chute brutale des exportations, des commandes à l’industrie, du commerce de détail etc… sont plutôt une source d’inquiétude pour l’ensemble de la zone.
Blocage institutionnel, rigidification progressive de la doctrine budgétaire, inertie de la Banque centrale européenne, lenteur des réactions des gouvernements, inaptitude à adopter une ligne commune afin de promouvoir l’intérêt général européen, c’est l’essence même du projet européen qui est remis en cause par sa forme actuelle.
Nicolas Goetzmann
Union économique
Atlantico : L’Italie vient de décider d’un plan d’économies de 20 milliards d’euros, sur le modèle de rigueur budgétaire prôné par l’Allemagne. Ce modèle est-il le seul à suivre, et est-il compatible avec l’esprit d’une Europe sociale portée par le traité de Maastricht ?
Nicolas Goetzmann : Le modèle de rigueur budgétaire a été accepté par tous lors de la conception même du traité de Maastricht, ce sont les fameux critères de convergences. Il s’agissait d’ajouter un carcan budgétaire à une union monétaire, ce qui suppose une parfaite harmonie des économies européennes, mais cette "harmonie" n’a jamais existé. Déjà, le projet était vicié. L’adoption en 2012 du pacte de stabilité est venue alourdir ces contraintes budgétaires pour les états membres, comme on peut le voir avec la menace faite par la commission européenne de "retoquer" le budget français ou italien. Et ce, seulement 6 mois après le signal d’alarme lancé par les peuples lors des élections européennes.
La politique menée par l’Allemagne au début des années 2000 est à l’origine même de profonds déséquilibres qui ont provoqué l’éclatement des divergences économiques européennes. En agissant par la voie de la modération salariale, l’Allemagne s’est inscrite dans une stratégie de "cavalier solitaire" qui lui a permis d’engranger des excédents commerciaux allant jusqu’à 7% de son PIB. Evidemment ces 7% de PIB devaient bien se retrouver quelque part…et ils sont allés financer les déficits espagnols, portugais, grecs etc…Et cette imbrication a été stoppé nette lors de la crise de 2008. Les pays du sud en payent encore le prix tout en étant accusés de laxisme, alors même que ce laxisme a été financé par une Allemagne qui cherchait à placer ses excédents à tout prix. Ce qui devait être une convergence économique vers un intérêt général commun s’est transformée en une gigantesque compétition au sein même de la zone euro. Et lorsque l’on a voulu trouver un coupable, ce sont les pays du sud qui ont été désignés. Le fait que le budget ait été mieux géré par l’Italie de Berlusconi entre 2001 et 2006 que par l’Allemagne de Schröder n’intéresse personne, même les faits sont inopérants face à l’idéologie du modèle allemand.
Béatrice Mathieu : L’Union économique n’est pas réussie dans la mesure où elle s’est arrêtée en chemin. En politique économique, il y a toujours deux volets : un volet monétaire et un volet budgétaire. Or on a construit l’euro sans construire le volet fiscal et budgétaire. Il n’existe pas de budget de la zone euro, et le budget de l’UE est ridicule au regard des besoins réels en matière de transferts de régions et pays riches à régions et pays pauvres. Ce n’est pas vraiment un échec, simplement, on s’est arrêté au milieu du gué. Donc soit on avance beaucoup plus dans une intégration budgétaire, soit on revient en arrière. Le modèle allemand marche parce qu’il est adapté à l’Allemagne, c’est-à-dire un pas vieillissant. L’Europe ne peut pas être une Europe allemande, par conséquent il faut trouver un juste milieu : l’Allemagne doit faire des efforts pour soutenir sa demande, et la France pour soutenir son offre.
Là où on peut parler d’échec, c’est en matière d’énergie. Alors que l’Europe s’est construite autour du charbon et de l’acier, on peut aujourd’hui parler d’échec total de la politique énergétique européenne. Chacun défend son petit modèle, c’est l’Allemagne qui par exemple décide sans en parler aux autres de sortir du nucléaire, ce qui n’est pas sans conséquences sur les pays voisins.
Coralie Delaume : Je n’ai probablement pas très bien saisi l’esprit humaniste du traité de Maastricht. Il ne m’était pas apparu qu’il était porteur d’un projet d’Europe sociale !
En arrivant au pouvoir en Italie, Mateo Renzi a manifesté le désir de voir se desserrer l’étau de l’austérité. Il espérait une relance de l’investissement en Europe. Comme c’est désormais son habitude – car ce n’est pas la première fois que notre pays fait défaut à ses partenaires d’Europe du Sud – la France a négligé de soutenir Renzi, de saisir cette perche. In fine, Renzi a donc renoncé à la tendre. C’est encore une occasion perdue pour l’Europe, dont l’économie va de mal en pis. Même l’économie allemande est désormais à la peine. Alors même qu’on nous présente sans cesse la République fédérale comme un modèle indépassable, celle-ci vient de recevoir, en début de semaine, une série d’indicateurs de très mauvais aloi : - 5,7% pour les commandes à l’industrie, - 4% pour la production industrielle. Conclusion : les principaux instituts de conjoncture allemands demandent aujourd’hui à Mme Merkel d’augmenter le montant des dépenses publiques dans le but d’investir ! Je ne suis pas convaincue qu’il soit très judicieux de copier les méthodes allemandes au moment où elles sont en train de révéler leurs faiblesses….
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