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Seul en scène : "Koulounisation", la langue comme champ de bataille
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Atlanti-culture

De : Salim Djaferi Conception et interprétation de Salim Djaferi Durée : 1h10

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.)

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THÈME

Allant de surprise en surprise, Salim Djaferi enquête sur le mot arabe qui désigne la « colonisation » : interrogeant sa famille, ses amis et des connaissances, au gré de rencontres à Alger, Paris et Bruxelles, il parvient à dénouer ce que la langue cache des réalités culturelles et sociales qui découlent du fait historique de la conquête de l’Algérie par les Français, dès les années 1830, et persistent jusqu’à aujourd’hui. 

Une déambulation sémantique teintée d’humour, malgré les drames personnels et collectifs, et qui propose un récit alternatif aux certitudes coloniales, bouscule les préjugés tout en offrant des armes pour le présent.

POINTS FORTS

Plateau blanc sur fond anthracite, la scène se construit en même temps que le récit dramatique dans une simplicité apparente au fort potentiel symbolique.

Un ton juste et précis, d’une grande clarté pour démêler la pelote de sens que le comédien tient entre ses mains au début du spectacle.

L’originalité de l’approche et du propos est soulignée par le dispositif théâtral fondé sur la construction et la destruction, à l’aide d’un fil noué et tendu où s’accrochent les éléments de la filiation perturbée par la colonisation française.

Les effets de surprise, à la fois dans la narration et sur la scène, dynamisent le spectacle qui reste vivant en captant l’attention. 

Enfin, le texte est très bien écrit, sans dogmatisme ni pathos, et il produit des effets jubilatoires parce qu’il donne à comprendre avec subtilité ce qui est habituellement dénoncé avec brutalité.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune.

ENCORE UN MOT...

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » écrivait Camus en 1944. En découvrant les multiples sens des mots arabes qui désignent la présence française en Algérie, apparaît, du côté des populations envahies, le caractère intrusif de la colonisation, histoire de démontrer l’imprégnation culturelle et linguistique qui lie le colonisé au colonisateur. 

Finalement, l’époque où « ils étaient là » demeure le moment pivot d’une relation déséquilibrée, qui procède des effets cumulés de disparitions, où les villes changent de nom, tout comme les habitants de la contrée dont les cadavres s’empilent au cours des « événements » - guerre ou révolution - nul ne sait. 

Se retrouver étranger dans son propre pays, sur les deux rives de la Méditerranée, résume l’aporie sur laquelle débouchent toutes les formes de colonialisme. Comprendre cette dépossession intime s’avère aussi nécessaire que salutaire pour contrer l’inextinguible racisme. 

UNE PHRASE

« Tous les livres sur la guerre d’Algérie sont au rayon “Révolution“ » déclare une libraire d’Alger.

« Elle me prend pour ce que je ne suis pas. »

« Quand les mots ne sont pas très transparents, il faut des fautes de syntaxe pour rétablir des vérités historiques. »

L'AUTEUR

Formé au Conservatoire Royal de Liège, Salim Djaferi est acteur/auteur, performeur et metteur en scène. Il se fait connaître par la création In Situ Almanach du Collectif éphémère Vlard, présentée au Festival Emulation 2017 au Théâtre de Liège.

Son approche du théâtre documenté qu’il poursuit, comme comédien et acteur/auteur par des collaborations, avec Sanja Mitrovic (Do you still love me?, 2015) et Elena Dorassiotto et Benoît Piret (Des Caravelles et des Batailles, 2019), tient une place originale dans la production théâtrale. 

Après l’installation/performance Sajada/Le lien (2019), fruit d’une longue collecte de témoignages et de tapis de prière musulmans auprès des personnes pratiquantes en Belgique, au Maroc et en France, Salim Djaferi crée son premier spectacle au théâtre Koulounisation en 2021 aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles. 

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