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"Merkozy" existe-il vraiment ?
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Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont promis de présenter lundi une proposition commune pour une réforme de l’union monétaire européenne. Pourtant, à lire les deux discours que les leaders ont tenu, l’un à Toulouse et l’autre au Bundestag, il est difficile de trouver une ligne commune...

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde

Henrik Uterwedde est politologue et directeur adjoint de l'Institut Franco-Allemand de Ludwigsburg.

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Angela Merkel et Nicolas Sarkozy doivent s'accorder d'ici lundi pour formuler, ensemble, une proposition commune quant à une réforme de l’union monétaire européenne. Pourtant, dans leurs discours, les deux leaders politiques ne semblent pas s'accorder. Au point qu'il est difficilement imaginable de croire à une proposition commune du couple franco-allemand, une fois passé le week-end.

Quelques points de convergence franco-allemands malgré tout...

Bien entendu, on peut dégager certaines convergences concernant l’approche d’ensemble. Ainsi, la crise actuelle est vue comme une crise majeure de confiance, et Angela Merkel comme Nicolas Sarkozy prévoient un chemin long et sinueux avant de regagner cette confiance. Sont pointé aussi les failles de l’architecture du traité de Maastricht, et la nécessité d’une refondation de l’Europe (version Sarkozy) ou de réformes institutionnelles (version Merkel). Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy rejoint maintenant la chancelière qui demande un changement des traités européen.

Quant aux principes devant guider l’union monétaire revisitée, on trouve également des points d’accord :

  • L’instauration une règle d’or dans tous les pays de la zone euro,
    • L’accent mis sur la discipline budgétaire et les mécanismes qui doivent y contribuer, à savoir des sanctions que Nicolas Sarkozy veut « plus rapides, plus automatiques et plus sévères » - Angela Merkel n’y trouvera rien à redire.

      Concernant la BCE (Banque centrale européenne), l’effort de Nicolas Sarkozy pour dissiper les craintes allemandes est manifeste. La Banque centrale est indépendante, et « elle le restera ». La nuance s’installe quand Sarkozy se dit convaincu que « face au risque déflationniste qui menace l’Europe, la Banque centrale agira. A elle de décider quand et avec quels moyens ».

      Néanmoins, pour de couper court à toute interprétation « dissidente », Angela Merkel juge bon de préciser que la BCE, assignée à la défense de la stabilité des prix, a un rôle différent des banques centrales américaine ou britannique. Nuance encore quant au slogan « solidarité sans faille et discipline plus stricte », qui sert visiblement au président français pour équilibrer son discours. Angela Merkel, elle, s’en tient à la discipline, et tient encore une fois que pour elle il ne saurait y être question d’une mutualisation de la dette ni d’euro-obligations.


      De grandes divergences quant au futur politique de l'Europe !

Mais la contradiction la plus profonde réside dans les visions de l’Europe politique. Quand Nicolas Sarkozy explique ses vues quant à une Europe plus politique, c’est dans le sens d’un volontarisme des chefs d’État et de gouvernement contre l’empire des règles et du pilotage automatique. Ce n’est certainement pas l’avis d’Angela Merkel qui insiste sur des règles strictes devant guider les politiques budgétaires.

Passons sur le couplet du président revendiquant des politiques industrielles, commerciales et protectrices de l’Europe, ce qui n’est vraiment pas la priorité des priorités coté Allemagne. Angela Merkel y répond par son couplet habituel en appelant une stratégie de croissance passant par des réformes structurelles. Par contre, quand le président français appelle le passage au vote majoritaire dans certaines instances, tout en défendant le principe intergouvernemental - c'est à dire en récusant toute évolution de type fédérale, supranationale -, non seulement il se contredit lui-même (car le principe de la souveraineté nationale ne supporte pas la possibilité d’être mis en minorité par une instance européenne), mais il s’oppose aussi diamétralement à la vision de la chancelière.

Celle-ci appelle un renforcement des institutions européennes, une autorité plus forte de l’UE, la possibilité de forcer le respect des règles budgétaires, certains transferts de compétences pour arriver à une « véritable union fiscale », ainsi que la possibilité de faire appel à la Cour de justice européenne en cas de violation répétée des règles budgétaires par un pays.

Le tabloid Bild a montré, dans son édition de jeudi 1er décembre, un photomontage montrant « Merkozy », la nouvelle superstar qui doit sauver l’Europe. Vraiment, il y a des trouvailles mieux réussies ! Nos visions de l’Europe politique, économique et monétaire continuent à diverger... Nicolas Sarkozy et Angela Merkel auront fort à faire pour rapprocher ces visions, et devenir ainsi une force de proposition capable d’entraîner l'union monétaire renouvelée.

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