Sabrina Medjebeur : « Mais pourquoi ne rappelle-t-on pas que la France est bien plus indulgente envers les dérives de l’Islam qu’elle ne l’a été vis-à-vis des catholiques dans le passé ? »<!-- --> | Atlantico.fr
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Des fidèles quittent la Grande Mosquée de Paris après la prière du vendredi midi, 13 octobre 2023
Des fidèles quittent la Grande Mosquée de Paris après la prière du vendredi midi, 13 octobre 2023
©DIMITAR DILKOFF / AFP

Laïcité

Alors que des incidents liés au port du voile se sont enchaînés dans des lycées en région parisienne, il serait bon de rappeler que la France est plus indulgente envers les dérives de l’Islam qu’elle ne l’a été vis-à-vis des catholiques dans le passé, estime Sabrina Medjebeur

Sabrina Medjebeur

Sabrina Medjebeur

Sabrina Medjebeur est essayiste et sociologue. 

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Atlantico : Le proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris, menacé de mort sur Internet après une altercation avec une élève fin février pour qu'elle enlève son voile, a quitté ses fonctions. Gabriel Attal a annoncé ce mercredi que l’État allait porter plainte pour « dénonciation calomnieuse » contre l’élève de BTS qui a accusé son proviseur de l’avoir violentée lors d'un incident lié au voile qu'elle portait. Cette réaction du gouvernement permet-elle de défendre suffisamment la laïcité, les valeurs de la République et d’envoyer un signal fort face à certaines dérives ?

Sabrina Medjebeur : Elle ne permet pas de défendre suffisamment la laïcité mais elle a le mérite de montrer que l’État semble reprendre en mains le rapport de force face à ces offensives identitaires, le non respect de la loi du 15 mars 2004 et les menaces de mort qui en découlent pour ce qu’Eugénie Bastié appelle la dictature du ressenti. Et elle dure depuis l’affaire du collège de Creil. Ce fut la première capitulation républicaine qui, je le rappelle, a été encouragée par l’UOIF et son responsable de l’époque Abdallah Ben Mansour puis, résolue par le Roi du Maroc après avoir, par son initiative, contacté les parents de ces jeunes filles. C’était déjà une défaite : l’ingérence de pays étrangers pour transiger sur nos principes. Et, nous assistons depuis, d’années en années à de multiples compromissions de la part d’élus, de ministres ainsi que de syndicats de l’Éducation Nationale sous couvert du « pasdamalgamisme » si j’ose dire qui n’ont pas laissés les enseignants mener à bien leur mission, c’est-à-dire l’instruction. La chercheuse Nicole Mosconi, a bien montré que, pour réussir à l’école, l’enfant devait choisir entre la figure parentale et celle de l’instituteur. Et c’est aux parents de l’aider à choisir le maître, c’est-à-dire l’abnégation à la culture française, celle de l’école de la République. L’élève doit prendre le pas sur l’enfant. Malheureusement et bien souvent, les parents dissuadent souvent leurs enfants d’adopter une discipline qui leurs est culturellement étrangère. Ils ne sont pas inactifs ou démissionnaires comme on l’entend souvent. Ils transmettent leur culture religieuse qui perçoit et combat la laïcité comme un principe politique discriminant envers leur religion et empêchent donc les enseignants par la voie de leurs enfants, de transmettre ce pourquoi l’école est sanctuarisée : la transmission du libre arbitre, de la liberté d’expression et de la laïcité ce qui, précisément, émancipe et extirpe l’élève/enfant de son clan familial, religieux ou territorial.

N’est-il pas temps d’oser dire aux musulmans que la laïcité s’est imposée par la force vis-à-vis des autres religions et donc qu'il n’y a pas de discriminations spécifiques envers eux à travers la laïcité, son application et son respect dans notre pays ?

Un sondage Kantar de décembre 2023 montre que pour 60% des 18/30 ans la laïcité est instrumentalisée pour dénigrer les musulmans. 

C’est une insupportable inversion accusatoire. Si l’on porte un regard macro-citoyen, on s’aperçoit qu’un nombre majoritaire de pays musulmans sont autocrates et despotiques. La liberté religieuse n’y est certainement pas la norme. Ce sont dans les pays occidentaux que les musulmans sont les plus libres et les plus prospères. Il me semble que nous sommes bien plus indulgents à l’égard des dérives politiques de l’islam que nous l’avons été avec la religion historique du peuple français, à savoir la religion catholique. Nos institutions et nos valeurs ne se sont pas constituées de façon pacifique du jour au lendemain. Le combat laïc fut d’une extrême brutalité à la fin du XIXe siècle, notamment à partir de 1880 où on a expulsé des congrégations, des milliers de curés, de religieuses et de religieux et, où, des mesures sévères ont été prises afin de laïciser et séculariser l’enseignement. Au début du XXe siècle sous la houlette d’Émile Combes, on a par exemple, fermé des écoles religieuses jugées incompatibles avec la République en conflit avec la religion catholique. Il donc, grand temps en effet, que les musulmans qui se sentent « discriminés » doivent comprendre que les lois de la République, en particulier la laïcité les protège plus que dans leurs pays d’origine. Kamel Daoud nous rappelait que : « Dans les pays où les musulmans sont minoritaires, ils sont obsédés par le droit des minorités, la où, ils sont majoritaires, les minorités n’ont aucun droit ». Cela fait des dizaines d’années que l’École est assiégée par des éco-systèmes de forces politiques intérieures mais également à extérieures par le biais des associations communautaires qui exercent une pression identitaire énorme en particulier sur les jeunes filles puisque le voilement est l’étendard de ce séparatisme. 


Un autre chef d'établissement avait été menacé de mort dans un lycée public d'Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, après avoir demandé à une élève de retirer son voile, relate Le Figaro. La laïcité semble de moins en moins comprise chez une partie de la population la plus jeune de ce pays. Comment expliquer cette évolution et ses conséquences ? Le pouvoir politique a-t-il la possibilité d’apporter des réponses concrètes et efficaces ? Quelles seraient les solutions à adopter pour aller vers la voie de l'apaisement ?

32 % des professeurs de moins de 30 ans pensent que la laïcité « consiste avant tout à mettre toutes les religions sur un pied d’égalité », selon une enquête de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès. Paradoxalement, un autre sondage de l’IFOP en décemebre 2023 montre que 60% des enseignants de moins de trente ans considèrent que la laïcité doit être inclusivo-diversitaire en incluant le voilement et les repas confessionnels.

Souvenons-nous que le principal argument des opposants à la loi de 2004 était qu’elle conduirait à la déscolarisation des jeunes filles musulmanes, puisque ces dernières seraient privées de la possibilité de porter le foulard islamique en classe. Or, quand on suit l’évolution des jeunes filles issues de familles musulmanes au fil des générations, on arrive aujourd’hui à la conclusion inverse : l’interdiction du voile a coïncidé avec une nette amélioration de leurs résultats scolaires. Comparées aux jeunes filles des familles non musulmanes, les jeunes filles issues de familles musulmanes ont vu leurs résultats s’améliorer après l’interdiction du voile en classe. Il reste tout de même un espoir à en croire l’ouvrage d’Éric Maurin : « Trois leçons sur l’école républicaine ». Ne jamais cesser de se battre et de renverser la charge de la preuve dans cette inversion de paradigmes où la victime devient le bourreau.

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