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La polémique inutile : pourquoi la réforme du statut du beau-parent ne produira malheureusement pas grand-chose
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Mic-mac

La réflexion autour d'un statut légal des beaux-parents part d'une intention louable visant à réglementer la condition de 720.000 familles recomposées en France. Les subtilités du droit et les complexités juridiques sont pourtant pléthores.

Nicolas Graftieaux

Nicolas Graftieaux

Maître Nicolas Graftieaux est spécialiste en droit de la famille. Il a d’abord exercé son activité au sein d’une banque privée, pour ensuite intégrer le département famille/patrimoine d’un  cabinet parisien et bénéficie à ce titre d’une approche pluridisciplinaire dans les domaines du droit de la famille, des successions, du patrimoine, de l’immobilier et des affaires. Il anime par ailleurs régulièrement colloques et formations auprès de ses confrères autour de ces thèmes.

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Atlantico : La proposition de loi sur la famille relative à "l'autorité parentale et l'intérêt de l'enfant" est entrée en débat à l'Assemblée nationale lundi 19 mai. Défendue par les écologistes et une partie des députés socialistes, elle sera discutée jusqu'au 21 mai. L'UMP a pour sa part déposé plus de 600 amendements. La proposition de loi prévoit notamment de légiférer sur le statut des beaux parents. Qui cette loi concerne t-elle ? Uniquement les familles recomposées ?

Nicolas Graftieaux : Pour l’essentiel oui. Même si la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, apporte aussi quelques nouveautés non négligeables sur l’organisation générale de l’exercice de l’autorité parentale également applicable lorsque les parents sont séparés.

Concrètement, quels sont les changements qu'apporterait cette nouvelle loi ?

Le texte apporte des changements concrets sur l’organisation de la prise de décisions concernant l’enfant, et plus précisément sur la place du "tiers, parents ou non", sans cependant créer de réels bouleversements. Tout d’abord, le texte opère une distinction entre acte usuel et acte dit "important" de l’autorité parentale.  Sa classification dénote une approche pragmatique de l’organisation de la vie de l’enfant plutôt que la mise en place d’un régime légal rigide.

Les actes usuels de l’autorité parentale sont définis comme ceux qui ne rompent pas avec le passé, n’engagent pas l’avenir de l’enfant et ne touchent pas à ses droits fondamentaux. En d’autres termes, l’organisation au quotidien de l’enfant.

Or, le code civil prévoit déjà la possibilité pour un parent de prendre seul les actes usuels, l’autre parent étant présumé être d’accord sur cet acte. Le texte soumis au parlement prévoit d’étendre cette présomption d’accord aux actes usuels qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir.

Ainsi, concrètement, le beau parent qui vit avec le père ou la mère de l’enfant sera présumé avoir reçu l’accord de l’autre parent pour les actes usuels et pourra donc prendre des décisions au quotidien concernant l’enfant. Cette mesure est la plus susceptible d’innover les pratiques actuelles. Les autres, bien que nombreuses auraient moins d’impacts car elles sont toujours conditionnées par l’accord des deux parents. Il en est ainsi du "mandat d’éducation quotidienne" : les parents peuvent décider, dans un document officiel, de permettre à tiers d’accomplir les actes usuels.

Dans le même esprit, les parents peuvent signer une convention à faire homologuer par le juge organisant le partage de l’autorité parentale avec un tiers. Cela permet d’assouplir le régime actuel dit de la "délégation de l’autorité parentale" : les effets sont les mêmes (un tiers a la possibilité de prendre des décisions même importantes sur l’enfant) mais le moyen d’y parvenir est facilité par le biais d’une convention, contre une procédure judiciaire plus lourde et plus aléatoire aujourd’hui.

La proposition de loi revient enfin sur une vieille marotte des associations de pères : la consécration de la résidence alternée comme système par principe en cas de séparation des parents. La résidence habituelle chez l’un des parents ne pourrait être décidée par le juge "qu’à titre exceptionnel". Une approche systématique de la résidence alternée ne peut pas être conforme à l’intérêt des enfants qui doit guider toute réflexion sur le sujet. Les mentalités des magistrats et des parents eux-mêmes doit évoluer pour sortir la résidence alternée de sa marginalité actuelle. Mais la généraliser en l’imposant aux parents, aux juges et aux enfants en exigeant une motivation "exceptionnelle" pour en sortir ne peut pas être une bonne chose. Les conditions matérielles, sociales et parentales d’une résidence alternée bénéfique à l’enfant sont trop nombreuses pour qu’un juge ne soit plus maitre de son examen.De ce fait, cette mesure n’a aucune chance d’être votée en l’état.

Y aurait-il un sens à ouvrir ce statut aux cas d'homoparentalité ? Dans le cas de familles homoparentales, plutôt que de reconnaître le statut de parents aux deux conjoints, la reconnaissance du statut du beau-parent pourrait-elle représenter une solution capable de satisfaire à la fois les tenants de l'adoption sans remettre en cause les fondements du modèle familial traditionnel ?

S’agissant des couples homoparentaux, dans la mesure où la loi ne prévoit aucune mesure liée à la GPA ou à la PMA, l’extension du statut de beau- parent ne pourrait en pratique s’étendre qu’aux configurations actuellement possibles, à savoir le parent homosexuel célibataire (adoption par une seule personne ou enfant sans père reconnu) ou ayant eu recours à une PMA à l’étranger. Dès lors, aujourd’hui, l’extension aux couples homoparentaux concerne des situations familiales très isolées. La question reste cependant importante  dans le cadre plus général d’une éventuelle future loi autorisant  la PMA ou la GPA.

  • Dans sa définition

Il faut distinguer les configurations familiales. Dans un premier cas, le beau parent arrive dans une famille préexistante, c'est-à-dire avec deux référents parentaux (père – mère en général) pour savoir s’il est dans l’intérêt de l’enfant de conserver des enfants avec ce tiers. Mais alors, l’orientation sexuelle n’a pas d’impact : un beau- parent homosexuel ne demandera pas plus qu’un beau- parent hétérosexuel.

Dans un second cas, l’enfant n’a pas deux référents parentaux et la famille reste à créer. Alors, les parents homosexuels ne comprennent pas que la loi leur interdise de construire une famille, ce qui résulte au fond d’une appréciation de principe sur l’homoparenté, c'est à dire le fait de créer un lien de filiation par deux personnes de même sexe.

  • Dans son principe

Les couples homoparentaux ne se satisferont probablement pas de ce statut qui dans sa nature cristallise le refus de la loi de reconnaitre aux couples homosexuels d’être reconnus comme des parents, en leur occtroyant un statut différent et intrinsèquement provisoire.

  • Dans ses effets

Les effets du statut ne sont probablement pas satisfaisants pour les homosexuels puisqu’il impose au beau- parent (quel qu’il soit) de prouver au Juge aux affaires familiales qu’il est de l’intérêt de l’enfant de conserver des liens avec lui. Il doit donc justifier sa présence alors que la loi présume de son inutilité… ce qui n’est évidemment pas le cas lorsqu’un véritable lien de filiation est établi.

En outre, le mandat d’éducation quotidienne, ajout de la loi, serait révoqué de plein droit notamment en cas de rupture de la vie commune ou de décès du mandant. Or, c’est aussi et surtout dans ces situations que le beau- parent demande à être protégé et ses droits établis. 

Comment dans ce cas-là le statut devrait-il être encadré ? Les beaux-parents des familles recomposés pourraient-ils partager le même statut que les parents non biologiques des familles homoparentales ? Ou faudrait-il deux statuts distincts ?

A mon sens, le compromis juridique pourrait être de créer un statut de beau- parent sans considération de l’orientation sexuelle, trop stigmatisant, dans lequel le beau- parent conserve de facto ses droits et son autorité parentale lorsqu’il n’est pas confronté à deux référents parentaux préexistants, c'est-à-dire lorsque l’enfant n’a qu’un parent biologique. Si au contraire l’enfant a deux parents biologiques connus, il appartiendrait au beau- parent de prouver qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de conserver une relation avec lui.

Surtout, quel que soit le schéma retenu, une autre évolution importante devrait être envisagée. Il s’agirait de changer la nature de la procédure en adoptant celle utilisée pour les parents séparés. En pratique, aujourd’hui, le beau- parent doit faire valoir ses droits dans le cadre d’une procédure longue d’une durée moyenne de 18 mois. Dans l’intervalle le parent biologique interdit toute rencontre avec l’enfant, le beau-parent se trouve depuis trop longtemps saparé pour que le juge "force" la reprise des relations. En revanche, en cas de séparation des parents, la procédure est orale et le juge se prononce souvent en moins de cinq mois ce qui peut permettre de maintenir les liens avec le beau-parent si cela est dans l’intérêt de l’enfant. 

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